Exploration, astronautique, tourisme spatial : à quoi s'attendre dans l'espace en 2022 ?

Eric Bottlaender
Spécialiste espace
13 janvier 2022 à 10h45
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En voilà une qui devrait refaire son apparition en 2022. Crédits SpaceX
En voilà une qui devrait refaire son apparition en 2022. Crédits SpaceX

Alors, bien reposés ? Prêts pour une année spatiale 2022 sur les chapeaux de roues ? Exploration, astronautique, tourisme spatial, satellites : les 365 jours qui s'annoncent seront riches en événements en tout genre. Petit tour d'horizon, pour se donner envie, de ce qui pourrait avoir lieu en 2022.

Avant de commencer cet article, un petit avertissement : les prédictions sont une pente glissante vers un monde qui n'existe qu'en conjectures. Comme chaque année, il y aura des surprises, des missions attendues, des échecs cuisants et des projets « sortis de nulle part ». Et comme chaque année, une partie des prévisions ne se réalisera pas. Ce n'est donc pas un guide de ce que vous verrez, mais de ce que l'on attend cette année en fonction des informations dont on dispose.

Autour du Système solaire

D'abord, la sonde Parker Solar Probe devrait poursuivre ses approches au sein même de la couronne solaire, avec quatre passages à seulement 9,2 millions de kilomètres de la « surface » du Soleil ! Sa cousine Solar Orbiter survolera Venus pour se freiner le 3 septembre prochain avant d'approcher notre étoile au plus proche en octobre. L'Agence Spatiale Européenne aura le regard rivé vers le deuxième survol de Mercure par la mission Bepicolombo le 23 juin 2022, à seulement 200 km de la surface ! De quoi freiner et affiner les mesures avant d'entrer en orbite autour… Mais ce ne sera que pour 2025.

Chaque passage près de Mercure permet de freiner jusqu'à ce que la mission BepiColombo soit assez alignée pour freiner une dernière fois et s'injecter en orbite. Crédits ESA
Chaque passage près de Mercure permet de freiner jusqu'à ce que la mission BepiColombo soit assez alignée pour freiner une dernière fois et s'injecter en orbite. Crédits ESA

En 2022, vous n'entendrez sans doute pas parler des missions OSIRIS-REx et Hayabusa2 dédiées au retour d'échantillons d'astéroïdes : la première est sur son trajet de retour (arrivée en 2023) et la seconde est sur un long trajet pour de futurs rendez-vous après avoir déjà largué ses grammes de matière étudiés tout autour du monde. De la même façon, nous parlerons peu de la mission Lucy qui a décollé l'an dernier, et qui ne fera que survoler la Terre le 16 octobre prochain. Par contre, nous suivrons tous avec de grands yeux l'impact de la toute première mission pour dévier un astéroïde, DART, qui devrait frapper son objectif (l'astéroïde Dimorphos) le 26 septembre 2022. Et une autre mission devrait décoller en août prochain, Psyche, pour observer et se mettre en orbite autour de l'astéroïde du même nom, que l'on suspecte d'être un planétoïde métallique primitif. Et si déjà on évoque une longue missions, n'oublions pas que la sonde Juno devrait (en plus de son étude de Jupiter) survoler la géante glacée Europa le 29 septembre 2022. Un vrai spectacle !

La sonde Psyche à l'assemblage en septembre dernier. Crédits NASA
La sonde Psyche à l'assemblage en septembre dernier. Crédits NASA

Mars, toujours en guest star

Vers Mars, la saison sera chargée elle aussi. On va espérer un maximum de photographies et quelques résultats scientifiques de la part du rover chinois Zhurong (sur Utopia Planitia), quelques dernières mesures utiles de tremblements de terre (les fameux « marsquakes ») de la part de l'atterrisseur InSight… Et un festival de la part de Curiosity et Perseverance. Le premier doit retourner sur le pédiment « Greenheugh » qu'il avait brièvement visité début 2020 à quelques centaines de mètres de là avant de s'enfoncer au Sud dans la vallée Gediz, véritable défilé entre de hautes collines. Il en profitera pour quitter définitivement les paysages sablonneux ! Perseverance quant à lui va reprendre son périple vers le Nord puis l'Ouest, dans le cratère Jezero. Les équipes ont déjà réussi six prélèvements de matière dans des tubes. Une partie sera peut-être larguée cette année pour être récupérée d'ici la fin de la décennie. Et le petit hélicoptère Ingenuity ? Il serait étonnant qu'il réussisse à tenir toute l'année 2022, mais on va souhaiter à ses équipes de nouveaux vols réussis après 16 parcours et plusieurs kilomètres au-dessus de la surface de Mars !

Ingenuity a déjà pris de l'avance sur le trajet de Perseverance... crédits NASA/JPL-Caltech
Ingenuity a déjà pris de l'avance sur le trajet de Perseverance... crédits NASA/JPL-Caltech

N'oublions pas non plus le départ d'une mission martienne très attendu, la collaboration entre l'europe (ESA) et la Russie (Roscosmos), ExoMars 2022 ! Après son décollage en septembre, la plateforme Kazachok et le rover Rosalind Franklin fonceront vers la planète rouge pour s'y poser en 2023.

Eternelle Lune

Et si 2021 était « calme » sur les collines claires de la surface lunaire (le rover chinois Yutu-2 poursuit son périple), ce sera un peu plus agité en 2022 ! Enfin… pleut-être. Car le statut exact des trois (!) missions américaines visant à poser des atterrisseurs robotisés sur notre satellite naturel est inconnu. Intuitive Machines annonce toujours le premier trimestre, cependant. Le décollage le plus impressionnant de l'année, s'il a lieu, sera sans doute celui de la mission Artemis-1, le Space Launch System en action. Le lancement, suivi d'un tour de la Lune de 3 semaines, est actuellement prévu en mars-avril, dépendant de derniers tests en ce début d'année (dont une « répétition générale » qui sera spectaculaire). La Russie pourrait aussi envoyer son atterrisseur Luna-25, dont on attend un calendrier actualisé. La Chine, elle, attendra au moins une année de plus en profitant de ses missions déjà sur la surface.

En 2022, les satellites observeront aussi le Monde. Crédits Airbus DS
En 2022, les satellites observeront aussi le Monde. Crédits Airbus DS

Around the world, around the world…

En 2022, le positionnement par satellite sera toujours plus précis : les Etats-Unis vont déployer deux ou trois nouveaux satellites GPS III, et les européens au moins quatre unités Galileo, de quoi renforcer la constellation actuelle (qui est complète) et parer à toute éventualité ! En Russie, ce sera peut-être l'arrivée tant attendue des Glonass-K, tandis que la Chine mettra à jour une partie de sa constellation Beidou. C'est sûr, nos objets connectés ne pourront plus se tromper (ou pas).

A l'inverse, 2022 sera calme pour l'arrivée de nouveaux outils d'observation de la Terre : pas de nouveau satellite LandSat ou Sentinel cette année, mais des unités dédiées à la météorologie toujours plus perfectionnées : le premier satellite MTG (Meteosat Troisième Generation) en Europe, et le grand satellite GOES-T aux USA, sans oublier de probables nouvelles unités chinoises. L'attention sera probablement plus portée vers l'observation lointaine, avec la fin du déploiement très attendu du James Webb Space Telescope et le début des mesures « régulières ». Comme chaque année, les équipes scientifiques vont découvrir des centaines d'astéroïdes, des milliers d'exoplanètes candidates et de nouveaux événements astronomiques exotiques. On guettera entre autres la publication attendue du catalogue "complet" DR3 de la mission Gaia et ses milliards d'étoiles !

Cette année, Gaia fêtera ses 9 ans dans l'espace. Une mission d'exception. Crédits ESA
Cette année, Gaia fêtera ses 9 ans dans l'espace. Une mission d'exception. Crédits ESA

Les gens au-dessus des gens

Coté astronautique, il faut s'attendre à la continuité de 2021 : au moins deux missions touristiques utilisant Crew Dragon (Axiom 1 et 2), deux vols de Crew Dragon et deux vols de Soyouz au service des rotations d'équipage de l'ISS, deux vols de Shenzhou pour les missions au sein de la station chinoise CSS (et des rotations de 6 mois), et peut-être quelques surprises supplémentaires ! Si le deuxième vol de test de la capsule de Boeing (Starliner) a lieu suffisamment tôt au printemps et se passe bien, il est possible que le vol de test habité ait lieu à l'automne ou avant la fin de l'année.

Côté tourisme suborbital, il faut s'attendre à voir une accélération des vols chez Blue Origin avec la petite capsule New Shepard, tandis que Virgin Galactic tente de se mettre en ordre de bataille avant les vols touristiques - il pourrait y avoir entre 2 et 3 paraboles au-delà de 80 km d'altitude dans la deuxième moitié de 2022. Probablement rien côté nouvelles capsules chinoises ou Starship habité : c'est trop tôt. Et Orion (USA) ne volera avec des astronautes qu'en 2024 au mieux autour de la Lune.

Orion devrait voler autour de la Lune avec Artemis 1 (à vide). Mais le deuxième exemplaire devrait aussi bien progresser vers son propre vol. Crédits NASA
Orion devrait voler autour de la Lune avec Artemis 1 (à vide). Mais le deuxième exemplaire devrait aussi bien progresser vers son propre vol. Crédits NASA

Des fusées en veux-tu en voilà

Pour les lanceurs aussi l'année s'annonce aussi chargée que 2021, qui a tout de même signé un record avec 144 décollages orbitaux. En Europe, ce devrait être l'année du décollage inaugural de Vega C, successeur plus puissant et plus souple (mais pas plus cher) de Vega, la fusée à dominante italienne. Soyouz devrait décoller quatre fois depuis la Guyane, et Ariane complètera le tableau (avec 3 ou 4 vols). Et Ariane 6 ? Le lanceur phare est attendu au deuxième semestre, mais pour qu'il puisse décoller, il faut encore que l'exemplaire dédié aux essais combinés réussisse toute sa campagne de pratiquement six mois d'essais, qui sera très intense. Viser la fin d'année sera difficile, mais on peut le souhaiter à toutes les équipes concernées. D'autres lanceurs plus petits sont attendus en Europe, dont les allemands d'ISAR Aerospace ou de Rocket Factory Augsburg. Mais ces derniers doivent encore faire leurs preuves avant de décoller depuis la Norvège. En France, il faudra guetter les essais du très attendu moteur réutilisable Prometheus.

En 2022, la concurrence internationale sur les lanceurs sera féroce. Pas forcément depuis la Russie, même si le lanceur lourd Angara devrait voler de plus en plus (Soyouz reste l'outil à tout faire, et avec brio). Ni depuis la Chine, plus ou moins interdite de marché international, et dont la demande intérieure sature déjà les capacités pour les années à venir, même en comptant de nouveaux acteurs privés ! On peut d'ailleurs à nouveau tabler sur une année à plus de 50 décollages chinois : le secteur se porte à merveille et plusieurs opérateurs ont des constellations à déployer.

La Chine pourrait nous gratifier de deux décollages de son lanceur le plus puissant, CZ-5B. Crédits CNSA
La Chine pourrait nous gratifier de deux décollages de son lanceur le plus puissant, CZ-5B. Crédits CNSA

Côté japonais, c'est toujours la mise en service du lanceur lourd H-3 qui est attendue, tandis que la Corée du Sud devrait tenter un nouveau tir de sa fusée KSLV-2. Il y aura peut-être un premier tir orbital depuis l'Australie cette année (le Newspace a pris sur place), tandis que Rocket Lab devrait enfin atteindre un rythme dépassant les 8 tirs par an depuis la Nouvelle-Zélande.

Aux Etats-Unis, ce sera d'abord une année pour les puissants lanceurs. On a évoqué SLS, mais il y aura également le décollage de Falcon Heavy, avec pas moins de 6 exemplaires annoncés (soyons raisonnables, 3 à 4 tirs de ce monstre seraient impressionnants). New Glenn ne devrait pas voler, mais il semble probable qu'un exemplaire de test sera déployé sur sa zone de lancement. United Launch Alliance devrait faire décoller son nouveau lanceur Vulcan en 2022 (la première mission concerne d'ailleurs l'atterrisseur lunaire d'Astrobotic), mais les moteurs livrés par Blue Origin ne seront pas disponibles avant le printemps.

Le spectacle offert par les lancements « en série » de Falcon 9 devrait continuer au gré des tirs institutionnels comme du déploiement de Starlink (une nouvelle génération des satellites est attendue à partir de l'automne). Quant au projet géant de Starship/SuperHeavy, difficile de se projeter. 2022 devrait à tout le moins être l'année de la première tentative de vol orbital, si tant est que le site de lancement reçoive son autorisation pour ce type d'opérations. Si tout se passe bien, les plus optimistes prévoient des décollages et récupération en série dès la fin de l'année… Mais rien n'est moins sûr, car le premier tir s'est encore éloigné récemment (il est attendu en mars). Le « NewSpace » américain devrait pour sa part faire parler de lui. ABL Space et Relativity Space pourraient faire leurs premières tentatives, tandis qu'Astra, Firefly et Virgin Orbit doivent encore travailler pour la fiabilité et la régularité de leurs opérations. Une chose est sûre : on n'en manquera pas une miette.

Sortie extravéhiculaire sur la station spatiale chinoise. Il devrait y en avoir entre 3 et 5 cette année. Crédits CNSA/CGTN
Sortie extravéhiculaire sur la station spatiale chinoise. Il devrait y en avoir entre 3 et 5 cette année. Crédits CNSA/CGTN

Sorties extravéhiculaires, décollages, satellites, constellations, l'année sera variée et chargée… Sans oublier des annonces qui ne concerneront pas 2022 mais la suite de la décennie. Nous tenterons d'être au rendez-vous. Et vous, qu'attendez-vous de cette année qui vient de démarrer dans le spatial ?

Eric Bottlaender

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Je suis un "space writer" ! Ingénieur et spécialisé espace, j'écris et je partage ma passion de l'exploration spatiale depuis 2014 (articles, presse papier, CNES, bouquins). N'hésitez pas à me poser v...

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Je suis un "space writer" ! Ingénieur et spécialisé espace, j'écris et je partage ma passion de l'exploration spatiale depuis 2014 (articles, presse papier, CNES, bouquins). N'hésitez pas à me poser vos questions !

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Commentaires (4)

Oncle_Picsou
Superbe récapitulatif de ce qui nous attend, merci !
SPH
«&nbsp;à quoi s’attendre dans l’espace en 2022 ?&nbsp;»<br /> Heuuuu,… encore plus de débris ?
max_971
Métiers d’avenir : éboueurs de l’espace.
benben99
J’ai bien hâte de voir les résultats des missions lunaires et martiennes.
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