Astronaute, Spationaute, Commandant… La terminologie des gens dans l’espace

Eric Bottlaender
Spécialiste espace
11 mars 2020 à 10h00
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Baïkonour astronautes prêts
Les astronautes étrangers décollant de Russie sont-ils des cosmonautes ? Vous avez deux heures.

Ils sont de retour dans leur capsule ! Les astro... euh, les cosmo... spatio... enfin ces gens qui sont allés dans l'espace, quoi ! Comment les appeler ? Et quel est leur rôle?

Cet article abordera avant tout le vocabulaire permettant de désigner les occupants des véhicules spatiaux. D'autres articles s'occupent de leurs capsules, navettes et autres stations, et des sondes !

Astronaute

Bon, soyons clairs. Si vous devez ne retenir qu'un seul terme de tout ce point de vocabulaire, que ce soit celui-ci : astronaute est un mot générique pour désigner une personne qui va aller ou est allée dans l'espace. Il n'est pas genré, ça n'est pas un faux ami en anglais (astronaut) et même s'il y a quelques questions sur la frontière de l'espace, cela reste un débat de spécialistes.

Contrairement à une croyance tenace, « astronaute » ne désigne pas que les voyageurs spatiaux américains, mais peut être utilisé en français pour désigner des hommes et des femmes de toutes nations. Il est cependant bienvenu en général de préciser d'où ils viennent juste ensuite, ou leur agence spatiale de référence, ou les deux. Pour Thomas Pesquet, on pourra donc évoquer un astronaute français de l'ESA. L'utilisation de termes génériques ne date que de la fin des années 70, car au début des vols habités, la question ne se posait ni dans les agences spatiales, ni dans les rédactions des journaux : les astronautes étaient américains et les cosmonautes soviétiques.
Le CNES et les documents français de l'ESA utilisent officiellement le terme astronaute.

Notez qu'il n'est pas toujours nécessaire d'être vraiment allé dans l'espace pour être astronaute (ou tout autre terme générique) : ce sont les agences spatiales qui forment et diplôment leurs astronautes. En général elles sélectionnent des candidats, les forment et les font entrer dans le « corps des astronautes ». Ils sont ensuite sélectionnés au cas par cas pour leurs missions spatiales. Ou bien ils attendent. Seuls les touristes spatiaux n'ont en général pas le « droit » (rien de ceci ne relève de textes officiels) de se nommer astronautes avant leur vol.

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Astronaute français de l'ESA. Retrouvez tous les termes sur les écussons qu'il porte.

Spationaute

C'est le seul terme franco-français de la liste et c'est le seul qui fasse autant débat ! Apparu dans les années 60 et validé par l'Académie Française en 1972, le terme part pourtant d'une bonne intention : celle de n'utiliser ni le terme soviétique ni l'américain, et de designer lui aussi tous les voyageurs spatiaux. Malheureusement, il n'a jamais été très répandu, sauf pour désigner (à tort) uniquement les astronautes français. Spationaute reste un terme utilisé aujourd'hui... Mais essentiellement dans les médias, et souvent (c'est un constat, pas une critique) par des non-spécialistes. C'est un peu comme de parler des « d'jeuns » : ça n'est pas incorrect, mais il faudrait passer à autre chose.

Cosmonaute

Cela en surprendra peut-être plus d'un, mais il s'agit une fois de plus d'un terme officiellement générique. Issu de la désignation soviétique, un cosmonaute (en langue française) peut dans les faits être de n'importe quelle nationalité. Toutefois, comme pour spationaute, le terme a fini par ne plus désigner que les soviétiques, puis les Russes, lors de leurs voyages dans l'espace. Et comme il y a un nombre important de Russes (plus de 120) qui ont suivi cette activité dans les dernières décennies, cosmonaute est devenu un mot spécialisé mais reste très utilisé. La racine « cosmos » d'ailleurs est elle-même (un peu) passée de mode.

cosmonautes Tikhonov et Babkin
Les deux cosmonautes Tikhonov et Babkin. Qui n'ont pas encore volé. Mais sont déjà cosmonautes. Vous suivez?

Taïkonaute, Vyomanaute...

Finalement, c'est tout le problème. Lorsqu'on veut appeler les astronautes en fonction de leur pays d'origine en leur donnant une racine dans leur langue propre, on est vite confronté à des problèmes d'écritures, de traduction, et de termes qui existent ou non. Alors certes, un taïkonaute désigne un astronaute chinois, et vyomanaute son homologue indien. Mais alors comment appeler un astronaute tchèque ? Un astronaute européen ? Un équipage mixte de plusieurs nationalités ? Il est à la fois plus facile (et très correct) d'utiliser un générique.

Le Commandant

Malgré l'âge et l'expérience des différents astronautes ou leur nationalité, il n'y a pas de grades chez les astronautes, on fait partie du « club » ou non. Sur leurs uniformes, au cours de leur mission ou pour des apparitions officielles, les astronautes portent l'écusson de leur missions passées ou à venir (si elles sont déjà définies), celui de leur agence et de leur nationalité. Vous les verrez parfois porter des badges signalant « 25 », « 50 » ou même « 100 », il s'agit de petites distinctions que se font les astronautes entre eux et qui désignent le nombre de jours qu'ils ont passé en orbite autour de la Terre.

Il y a cependant un poste un peu particulier dans un véhicule spatial, c'est celui de commandant. Il faut dire que si une capsule, une navette ou une station spatiale ne sont pas des entités militaires, il faut qu'en cas d'urgence, quelqu'un soit formé à prendre les décisions difficiles et que les membres d'équipages ne perdent pas de temps en de longs conciliabules. C'est pourquoi il y a dans toutes les situations une personne responsable.

Dans la capsule Soyouz, c'est celle qui est assise au milieu (dans les faits, ça a toujours été un cosmonaute). Dans la navette américaine, c'est le siège à l'avant gauche (le pilote est à sa droite). Au sein de la station spatiale internationale, c'est un rôle essentiellement consultatif lorsque tout se passe bien, le commandant d'une mission ayant droit à une clé symbolique et décide de quelques programmes comme certains films qui seront projetés, le thème d'un dîner, etc. Il a aussi à sa charge des décisions plus lourdes en cas de problème... Enfin, lors d'une sortie spatiale à deux (on ne sort jamais seul dans l'espace), le responsable est généralement celui qui a le scaphandre à bandes rouges.

Eric Bottlaender

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Je suis un "space writer" ! Ingénieur et spécialisé espace, j'écris et je partage ma passion de l'exploration spatiale depuis 2014 (articles, presse papier, CNES, bouquins). N'hésitez pas à me poser v...

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Je suis un "space writer" ! Ingénieur et spécialisé espace, j'écris et je partage ma passion de l'exploration spatiale depuis 2014 (articles, presse papier, CNES, bouquins). N'hésitez pas à me poser vos questions !

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Commentaires (8)

Fulmlmetal
Le terme Commandant n’a pas forcément une connotation militaire, dans l’aviation civile il y a le copilote et le commandant de bord, idem sur les paquebot de croisière qui ont leur commandant.<br /> Certes on pourrait utiliser un terme d’entreprise et dire plutot le directeur ou le responsable mais cette dénomination est déja utilisé par les controleurs au sol cela pourrait donc créer une confusion. Le terme de commandant, celui qui commande, est donc venu naturellement meme si effectivement les premières missions spatiale étaient militaires et ont été la raison premiere de ce choix.<br /> Ta remarque est très pertinente concernant les grades, il est vrai qu’en fonction de l’expérience, du nombre de mission, des qualiifcations, des responsabilité (commandant) il aurait pu etre établi une sorte d’échelon, au meme titre qu’il y en a dans la marine civile ou l’aviation civile. Chez les pilotes cela va de 1 à 4 barrettes.<br /> On le sait, certains astronautes sont plus respecté que d’autres. Perosnne ne mettra en doute un astronautes comme chevronné que Scott Kelly (pour ne nommer qu elui) alors qu’on aura plus de réticence sur un « bleu ». Bref c’est une remarque pertinente que tu soulèves là.<br /> Concernant l’appellation Spationaute (très à la mode à une époque où on cherchait à franciser tous les mots anglais comme cédérom, courriels, etc), il faut savoir que si les médias et hommes de lettres, ont voulu imposer ce terme en France, les spécialistes et passionnés ne l’ont jamais adoptés. Et le glas a été sonné lorsque l’ESA a officialisé le terme d’Astronaute pour son corps d’astronautes.
Fulmlmetal
Oui comandant est un terme hérité de l’armée, que ce soit pour l’aviation ou la marine civile, et les astronautes maintenant. Mai sil a l’avantage d’etre clair sur le role, c’est celui qui commande, qui décide. Comme je le disais si on avait utilisé des termes civiles comme directeur ou Responsable cela aurait prêté une confusion avec les équipes au sol qui ont ces termes.<br /> Mais la pertinence de cet article est pourquoi n’y a-t-il pas de grade au sein des corps d’astronautes et cosmonautes alors qu’il y en a dans l’aviation et la marine civile, qui ont eux aussi hérité de ces titres militaires.
ebottlaender
Oui je sais, ça n’a pas forcément une connotation de grade militaire, mais disons que pour le béotien qui entend « commandant » ça peut laisser croire qu’il y a toute une hierarchie qui va avec. Et bien entendu il y a du respect et même une certaine distance entre certains astronautes (qui vient aussi du fait que certains « bleus » ou jeunes ne se sentent pas ou pas encore sur la même marche que certains des astronautes Apollo ou pilotes de navettes)… Même si pour avoir discuté avec pas mal d’entre eux maintenant, ce sont des gens extraordinairement ouverts et inclusifs.<br /> L’apparition du terme spationaute me fascine à titre personnel. Surtout qu’utiliser astronaute n’est pas, et de loin pas un anglicisme, puisque tout à la base, le terme est… français. Simplement à l’époque des « blocs » (et de De Gaulle, et du non alignement) il a été de bon ton de proposer notre terme bien de chez nous.
Fulmlmetal
Si mes souvenirs sont bons, le terme de Spationaute a été créé lors du vol du 1er Francais, Jean Loup Chrétien. Ca ne date pas de De Gaulle. C’était sous Mitterand. C’étiat une période où l’anglicisme passait mal en France car on voulait protéger notre langue, ce qui dans le fond était une bonne chose, mais ça a amené à des termes qui passaient mal comme Cédérom, courriel, dévédé, etc.<br /> Aujourd’hui en acceptant les mots anglais les jeunes (on le voit bien sur youtube) parlent de plus en plus en franglais, c’est presque pire que de faire de la mauvaise traduction de type cédérom.<br /> entendre par exempel des gamers dire « je vais focus la target » ou « j’ai respawn à coté d’un loot ».<br /> Mais comme tu le dis très bien, astronaute est un terme bien francais, il n’était donc pas utile de chercher un autre mot.<br /> Certains diront que astronaute est réservé à ceux ayant marché sur un autre astre, alors qu’il désigne surtout (poétiquement) une personne voyageant dans les étoiles. D’autres diront que cosmos est un terme plus vaste puisqu’il fait référence à l’univers. Il n’est pas faux de penser que spationaute faire simplement référence à l’espace et est plus juste. Mais l’habitude fait que tout le monde a adopté depuis très longtemps le terme d’astronaute, qui est nettement le plus jolie.
ebottlaender
Non, je l’ai écrit dans l’article et je le réécris, spationaute est bien antérieur au vol de JLC. Il a d’ailleurs été validé par l’Académie en '72, et il a été utilisé à partir des années 60, et donc… en période gaulliste. Gaullienne. Quand De Gaulle était vivant.<br /> J’approuve globalement le reste du commentaire, même si je n’ai rien contre le franglicisme à titre personnel. Pour moi une langue ça vit, ça se transforme en permanence même si certains trouvent ça moche. Mais c’est une opinion parmi d’autres, et j’essaie de faire l’effort d’écrire correctement dans les médias (J’essaie car ce n’est pas toujours parfait non plus, on fait tous des erreurs de terminologie car on peut toujours être plus précis).
GRITI
Eric, cela devient lassant de te dire merci. Il est donc hors de question que je te remercie pour cet article. Non mais!!!
Chirokee
Il était parfaitement logique, pour les soviétiques, de parler de « cosmonautes » puisque l’on parle de cosmonautique chez les russes depuis le grand Constantin Tsiolkovski et même avant. Même logique chez les américains qui ont toujours parlé d"astronautique et donc d’astronautes. Il suffit de relire des ouvrages des années 50 pour s’en convaincre. Je me souviens que lors des vols en haute altitudes du X-15 on disait que ses pilotes étaient les premiers astronautes surtout depuis le vol 91 où Joe Walker atteignît les 108 kms env. Quant à « spationaute », que dire…
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