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Le bilan spatial 2023, des fusées et des astronautes à gogo

Eric Bottlaender
Spécialiste espace
25 décembre 2023 à 17h00
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L'astronaute danois de l'ESA, Andreas Mogensen, est l'actuel commandant de l'ISS. © ESA/NASA
L'astronaute danois de l'ESA, Andreas Mogensen, est l'actuel commandant de l'ISS. © ESA/NASA


2023, c'est l'année où le plus de fusées sont parties vers l'orbite. Un record, avec plus de 210 tirs, qui a beaucoup reposé sur les épaules américaines. C'était l'année des constellations, mais aussi de nouvelles aventures spatiales pour de nouveaux visiteurs, et de nombreux satellites. Même en Corée du Nord

Sur les stations, des rotations et des visites

Le début de l'année 2023 a été mouvementé sur l'ISS. Il s'agissait d'abord d'amener une capsule Soyouz de remplacement, suite à la découverte d'un trou dans le radiateur du véhicule MS-22. Puis une fuite similaire a été découverte sur un cargo, et même plus tard dans l'année sur le module russe Nauka. Au gré de ces remplacements, trois astronautes ont pour la première fois passé plus d'un an (370 jours) sur la Station Spatiale Internationale ! 7 astronautes y résident actuellement, et elle est commandée par l'astronaute danois de l'ESA, Andreas Mogensen. Les débats se poursuivent sur la fin de vie de l'ISS, tandis que son premier module, Zarya, a fêté ses 25 ans en orbite.

Une belle photo de la station spatiale chinoise, lors du désamarrage de Shenzhou-16 en octobre. © CMSA
Une belle photo de la station spatiale chinoise, lors du désamarrage de Shenzhou-16 en octobre. © CMSA

La Station Spatiale Chinoise (SSC ou CSS) est beaucoup plus jeune, mais elle a été occupée toute l'année, car les rotations d'équipage s'y succèdent désormais tous les 5 à 6 mois. Les expériences scientifiques vont bon train, avec cette année des cultures de différentes plantes à l'intérieur, dont une partie est consommée. L'agence spatiale chinoise a également confirmé que la SSC devrait s'agrandir dans les années à venir.

Il n'y a eu qu'une seule mission en orbite avec des « touristes » cette année, Axiom-2. Et cette dernière embarquait surtout, grande première, deux astronautes venus d'Arabie Saoudite ! Ali Alqarni et Rayyanah Barnawi ont passé 8 jours sur l'ISS après leur arrivée en capsule Crew Dragon. La mission était pilotée par la légendaire Peggy Whitson.

Peggy Whitson lors de la formation avec ses futurs coéquipiers. © Axiom Space
Peggy Whitson lors de la formation avec ses futurs coéquipiers. © Axiom Space

Tous les autres touristes spatiaux de 2023 ont volé avec le petit avion-fusée de Virgin Galactic, le VSS Unity. Ce dernier, qui revenait d'une importante période de maintenance, a volé six fois cette année, à intervalle d'un mois. Un véritable succès avec des profils très différents pour ses passagers : vols de l'entreprise, vols de scientifiques avec leurs expériences, et vols de touristes payants. Mais Virgin Galactic veut économiser ses fonds et a décidé dès cette année de réduire la cadence des vols.

Des fusées comme s'il en pleuvait

L'Europe spatiale n'est pas à la fête. Certes, elle a réussi les trois vols qui ont décollé cette année du Centre Spatial Guyanais, y compris le dernier show de la vénérable Ariane 5. Mais la transition vers Ariane 6 est toujours plus longue, et le nouveau fleuron n'est plus attendu qu'à l'été 2024… même si les tests de mise à feu se sont bien passés. Soyouz ne reviendra pas en Guyane, Vega C ne reviendra pas en vol avant la fin de l'année prochaine, et même la dernière fusée Vega « classique » est retardée : l'industriel a égaré des réservoirs, qui ont été détruits. Heureusement que l'Europe spatiale ce n'est pas que les lanceurs !

La dernière Ariane 5 sur sa zone de lancement. © ESA/CNES/Arianespace/CSG/P.Baudon
La dernière Ariane 5 sur sa zone de lancement. © ESA/CNES/Arianespace/CSG/P.Baudon

Le Japon, moins ambitieux que l'Europe, a également subi une année difficile. Ce devait être l'introduction de la nouvelle famille de fusées, la H-3, plus puissante et moins onéreuse que la famille H-2. L'échec en vol a coûté cher, et par ricochet de nombreuses missions sont décalées.

La Russie fait comme si de rien n'était. En effet, le nombre de décollages institutionnels reste relativement stable, avec 18 lancements cette année. Ils sont répartis entre les services vers l'ISS (cargo + capsules Soyouz), les satellites des services civils et la défense. Le secteur commercial, lui, est à l'arrêt et plusieurs projets souffrent à cause de l'invasion de l'Ukraine, comme le futur lanceur Soyouz-5. On retiendra la première mise en orbite d'un satellite Glonass K-2, la dernière génération du programme de géopositionnement russe.

La Russie a fait décoller deux fusées Proton en 2023. © Roscosmos
La Russie a fait décoller deux fusées Proton en 2023. © Roscosmos

Les deux Corée se rejouent une course à l'espace. Le Nord a dû s'y reprendre à trois fois, mais a réussi à envoyer son premier « satellite-espion » en orbite en 2023 grâce à sa nouvelle fusée Chollima-1, tandis que le Sud développe sa filière des lanceurs et des satellites. Avec déjà d'autres projets vers la Lune.

L'Inde élève peu à peu son engagement vis-à-vis de ses générations de lanceurs avec 7 tirs. La transition se poursuit vers une part plus importante d'opérateurs privés, que l'agence nationale (l'ISRO) tente de coordonner. Cette année pour la première fois, le petit lanceur SSLV a réussi son vol, tandis que les fusées plus imposantes poursuivent leur service. L'Inde prépare sa capsule pour les premières missions habitées du programme Gaganyaan, avec un test réussi du système d'évacuation d'urgence en 2023.

La Chine utilise la plus grande diversité de fusées au monde. Il y a littéralement de tout ! Des décollages depuis des barges en mer jaune, des start-up profitant des apports technologiques gouvernementaux pour leur fournir des étages dérivés de missiles balistiques, de vieilles générations de lanceurs déclinées en dizaines de versions en fonction des besoins, jusqu'au lanceur lourd CZ-5, qui a emmené il y a quelques semaines un titanesque satellite-espion, véritable télescope tourné vers la Terre opérant sur la ceinture géostationnaire. La Chine totalise 62 tirs orbitaux, avec 17 lanceurs différents (hors versions). Dont Zhuque 2, la première fusée au monde à fonctionner avec des moteurs alimentés au méthane et à l'oxygène liquide (2 tirs réussis en 2023).

Décollage à Jiuquan pour le lanceur au méthane Zhuque-2 de Landspace. © Landspace
Décollage à Jiuquan pour le lanceur au méthane Zhuque-2 de Landspace. © Landspace

Les États-Unis écrasent les statistiques. Mais en réalité, c'est un peu faussé. Car en dehors de SpaceX, qui a réussi une fois de plus à dépasser son record de 2022 avec 92 vols orbitaux, l'activité des fusées a plutôt été mitigée. Rocket Lab atteint pour la première fois 10 tirs avec sa petite fusée Electron, mais United Launch Alliance a eu beaucoup de retards avec son lanceur Vulcan. Résultat, seulement 3 tirs… Et ce fut pire pour d'autres. Un seul tir réussi pour Firefly Aerospace, et des échecs pour les seules tentatives de Terran-1 (Relativity Space), de RS-1 (ABL Space) et LauncherOne (Virgin Orbit). Ces derniers ont même mis la clé sous la porte. Il n'empêche, le secteur y est plus dynamique que jamais !

Le décollage de Terran-1, malgré ce très beau cliché, s'est mal terminé pour Relativity Space. © Relativity Space
Le décollage de Terran-1, malgré ce très beau cliché, s'est mal terminé pour Relativity Space. © Relativity Space

Les entreprises du spatial de 2023 étaient aussi en France…

La pépite rennaise Unseenlabs continue sa course folle avec sa constellation de satellites « BRO » qui compte désormais 11 unités en orbite depuis novembre ! Dédiée à la détection des navires, et en particulier les pirates, pêcheurs illégaux et autres contrebandiers via l'identification de leurs signaux, elle dispose désormais d'une réputation mondiale établie, au service de gouvernements et de grandes entreprises.

À Reims, Latitude continue de préparer ses fusées pour un premier vol de leur petit lanceur orbital Zéphyr. Ce dernier, qui est attendu pour 2025, devrait rapidement évoluer pour envoyer jusqu'à 200 kg en orbite basse. De nouveaux locaux (plus grands), de nouveaux moteurs (plus puissants), de nouveaux essais sur le site de SaxaVord dans les îles Shetland, Latitude fait une année remarquée !

Essai d'un moteur fusée Navier de Latitude sur le site de Saxavord. © Latitude
Essai d'un moteur fusée Navier de Latitude sur le site de Saxavord. © Latitude

Cette fois, c'est à Bordeaux (et à Munich) ! The Exploration Company a fait beaucoup parler d'elle en 2023. Cette start-up franco-allemande développe sa capsule Nyx, d'abord pour des services de cargo orbital, mais aussi à terme pour des astronautes. Et elle dispose d'un premier accord de principe avec les Américains d'Axiom Space. Un partenariat remarqué, pour une entreprise qui compte aussi gagner le nouvel appel d'offres européen pour des véhicules orbitaux vers l'ISS !

Discrète à l'origine, MaiaSpace est une « spin-off » d'ArianeGroup, qui dispose d'un large support et de fonds, mais qui a gardé la structure d'une start-up. En 2023, elle a amplement progressé pour préparer son futur lanceur dont le premier étage sera basé sur le démonstrateur européen Thémis, équipé du moteur au méthane Promethéus et réutilisable. Annoncée au départ comme un microlanceur, la fusée de MaiaSpace a bien grandi : 50 mètres de haut et une capacité qui atteindra celle du lanceur italien Vega. Une concurrence assumée.

La future capsule Nyx de The Exploration Company. © TEC
La future capsule Nyx de The Exploration Company. © TEC

Une année marquée par les constellations

Quasiment 60 décollages de SpaceX en 2023 ont été au service de la constellation de connectivité Starlink. Le service compte déjà plus de 5 000 satellites envoyés en orbite depuis 2019, et 2023 sera à marquer d'une pierre blanche, car selon plusieurs responsables de l'entreprise, Starlink a atteint l'équilibre et génère même quelques bénéfices. La branche de SpaceX fait toujours autant parler d'elle, que ce soit pour le nombre d'abonnés, les décisions d'Elon Musk sur le zonage au-dessus de l'Ukraine ou la décision européenne de lancer en réaction sa propre constellation souveraine (IRIS²). Les concurrents ne sont pas en reste. OneWeb est enfin totalement déployée (et rachetée par le français Eutelsat), tandis qu'Amazon fourbit ses armes avec les deux premiers prototypes de sa constellation Kuiper. Les constructeurs se préparent déjà pour la deuxième génération…

Observer la Terre pour mieux comprendre ses changements

En 2023 plus que jamais, les satellites nous permettent d'observer le climat, ses changements et le réchauffement climatique. Cette année, de nouvelles unités sont venues s'ajouter à la flotte mondiale, comme SWOT, lancé fin 2022, mais entré en service au printemps, avec des résultats exceptionnels. Les satellites ont suivi le niveau des océans, les feux de forêt, les algues au large des côtes, et les conditions près des pôles. On peut même se servir des capteurs en orbite pour compter les groupes de manchots empereurs ! L'intelligence artificielle aide à suivre les icebergs, y compris les géants comme A23a, qui a décidé après 36 ans de blocage dans la mer de Weddel de prendre le large… Pour le globe dans son ensemble, 2023 est l'année la plus chaude jamais mesurée, environ 1,4°C au-dessus de la période préindustrielle.

La course au gigantisme a toujours la cote !

Impossible de résumer tout ce qui a pu se passer en 2023… Mais au-delà des fusées, des missions d'exploration et des agences, on peut aussi remarquer que les entrepreneurs rêvent toujours de l'espace, et n'hésitent pas à parier gros.

Vue d'artiste du premier module d'une station orbitale VAST, toujours prévu pour 2025. © VAST space
Vue d'artiste du premier module d'une station orbitale VAST, toujours prévu pour 2025. © VAST space

Dans cet élan, citons le projet de VAST, qui projette d'envoyer en orbite une station spatiale privée, qui à terme sera en rotation pour produire une gravité artificielle ! VAST dispose d'amples moyens, d'un financement assuré par un milliardaire, d'un accord de lancement avec SpaceX et de personnages clés, comme le designer Peter Russel-Clark (Apple) ou l'astronaute Garrett Reisman pour guider sa croissance.

On a peu parlé de Blue Origin cette année, mais l'entreprise a tout de même obtenu en mai 2023 un énorme contrat de la part de la NASA pour concevoir et produire un nouvel atterrisseur lunaire, concurrent du Starship pour emmener des Américains fouler la Lune dans le cadre du programme Artemis ! L'entreprise poursuit ses efforts sur tous les fronts. De la petite capsule New Shepard qui a enfin repris les vols ces derniers jours (elle était à l'arrêt depuis septembre 2022) jusqu'à l'énorme fusée New Glenn qui devrait entrer en service l'année prochaine, les promesses sont nombreuses. Et Jeff Bezos regarde tout ça de très près.

Vue d'artiste du concept Blue Moon sur la surface lunaire. © Blue Origin
Vue d'artiste du concept Blue Moon sur la surface lunaire. © Blue Origin

Enfin, comment ne pas évoquer Starship ? La plus grande et plus puissante fusée au monde, qui est encore à l'état de prototype, a volé deux fois cette année. Des aventures bien spectaculaires, que ce soit lors des essais au sol ou, évidemment, lors de ses tentatives pour atteindre l'espace. Chacune s'est terminée en explosion, mais les progrès de SpaceX ne laissent pas place au doute, l'entreprise accélère et n'a pas peur de l'échec. Reste juste à savoir quand sera la prochaine tentative. Il se chuchote déjà que ce sera au début 2024…

Aussi excitant que controversé, Starship a décollé pour la première fois en 2023. © SpaceX
Aussi excitant que controversé, Starship a décollé pour la première fois en 2023. © SpaceX

Et vous, quels événements spatiaux vous ont marqué cette année ?

Eric Bottlaender

Spécialiste espace

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Je suis un "space writer" ! Ingénieur et spécialisé espace, j'écris et je partage ma passion de l'exploration spatiale depuis 2014 (articles, presse papier, CNES, bouquins). N'hésitez pas à me poser v...

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Je suis un "space writer" ! Ingénieur et spécialisé espace, j'écris et je partage ma passion de l'exploration spatiale depuis 2014 (articles, presse papier, CNES, bouquins). N'hésitez pas à me poser vos questions !

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Commentaires (1)

nicgrover
Moi ce sont les indiens qui ont posé Chandrayaan-3 sur la Lune.
juju251
Pour moi, c’est peut-être le dernier vol de la légende (oui) Ariane 5. <br /> Alors, évidemment, ce n’est pas tant juste ce vol que la fin de tout l’aventure Ariane 5.<br /> J’ai vu cette fusée s’envoler (et exploser lors de son premier vol, oui, bon, les erreurs arrivent à tout le monde ) quelques fois depuis mes 13 ans (certes, jamais en «&nbsp;vrai&nbsp;»).
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