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Au revoir, Ariane 5 ! Mais au fait, c'était quel vol, votre préféré ?

Eric Bottlaender
Spécialiste espace
06 juillet 2023 à 08h30
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© Arianespace
© Arianespace

Le grand lanceur européen a tiré sa révérence hier soir, avec un 117e vol et l'éjection de deux satellites, un Français et un Allemand. Mais ce n'était de loin pas son décollage le plus médiatisé. Satellites, sondes interplanétaires, cargos spatiaux, télescopes… Les missions prestigieuses n'ont pas manqué.

Et vous, de laquelle vous vous souviendrez le plus ?

Un lanceur fiable, puissant et apprécié

Avant d'évoquer quelques-unes de ses plus belles campagnes, peut-être faut-il rappeler qu'Ariane 5, avec 27 ans de carrière, a créé beaucoup de polémiques durant ses premières années. Un développement avec des retards importants, des dépassements de budget avec une fusée qui devait être autant adaptée aux satellites qu'à la petite navette Hermès, laquelle n'a jamais vu le jour. Pire, les débuts d'Ariane 5 ne sont pas du tout engageants, avec un échec cuisant le 4 juin 1996 lors du premier vol à cause d'une erreur de programmation, et un échec partiel pour la deuxième tentative, plus d'un an après. Rebelote d'ailleurs en décembre 2002, avec l'introduction de la version Ariane 5 ECA. Les nouveautés, ce n'était pas son point fort. Mais ce n'est pas un hasard si, depuis, elle est célébrée pour sa fiabilité.

Ces 21 dernières années, Ariane 5 n'a subi qu'un échec partiel en 2018, permettant tout de même aux deux satellites de rejoindre leur orbite visée. Capable d'envoyer presque 11 tonnes de charge utile en orbite de transfert géostationnaire, la « fusée aux larges épaules » s'est taillé une excellente réputation auprès des agences gouvernementales tout autour du monde, mais aussi parmi les clients privés. Oui, Ariane 5 était chère. Oui, depuis les années 2010, elle souffre d'une concurrence accrue. Il est temps de la remplacer. Mais pas sans féliciter tous ceux qui ont permis ces succès.

Ariane 5 en préparation pour la mission JUICE. À noter que les deux bâtiments lanceurs (le BIL et le BAF) ne serviront plus désormais © ESA / CNES / Arianespace / CSG / S.Martin
Ariane 5 en préparation pour la mission JUICE. À noter que les deux bâtiments lanceurs (le BIL et le BAF) ne serviront plus désormais © ESA / CNES / Arianespace / CSG / S.Martin

Des missions marquantes pour toutes les orbites

Même si la version Ariane 5 ECA était spécialisée dans les missions « GTO » (orbite de transfert géostationnaire) au service des agences nationales, de la météorologie et des grands noms des télécommunications autour du monde (Intelsat, Eutelsat, Inmarsat, SES, Sky, Embratel, JSAT…), il ne faudrait pas oublier que le fleuron européen a aussi envoyé quelques lourds satellites en orbite basse. C'est le cas de sa version spéciale Ariane 5 ES avec les cargos ATV, qui ont ravitaillé à cinq reprises la Station spatiale internationale entre 2008 et 2014. Une véritable réussite, et presque la seule de ce lanceur pour des orbites proches de la Terre.

On n'oubliera pas les satellites « espions » Hélios français (plus de 4 tonnes sur la balance) qui sont aussi partis avec, en orbite héliosynchrone. Ariane 5, c'est aussi les orbites moyennes MEO (toujours avec la version ES) et les satellites de géopositionnement Galileo. Le lanceur européen a emporté plusieurs groupes de ces 4 satellites à 20 000 kilomètres d'altitude. Et bien que ce ne soient pas ses missions les plus connues, si plus d'un milliard d'appareils utilisent le réseau Galileo aujourd'hui, c'est en partie grâce à Ariane.

De son côté, la version Ariane 5 ECA a permis de nombreux envois doubles, avec le fameux dispositif SYLDA, qui permet de superposer deux satellites l'un sur l'autre au décollage. Le petit dessous, et le plus gros dessus. Et il y en a eu de très imposants ! À la fin de la décennie 2010, Ariane 5 a pu transporter des unités record de presque 6,5 tonnes. Les orbites visées pour les satellites terrestres n'ont pas été très variées, mais pour les missions interplanétaires « taillées sur mesure », Ariane 5 a réussi sans faillir. La Lune, la ceinture d'astéroïdes, Jupiter, Mercure, le point de Lagrange L2 ont été ses destinations les plus exotiques... Elle a même envoyé, en 1998, un prototype de capsule européenne, l'ARD.

Les cargos ATV ont été les plus lourdes charges utiles d'Ariane 5 © NASA
Les cargos ATV ont été les plus lourdes charges utiles d'Ariane 5 © NASA

Enfin, il faut signaler qu'Ariane 5 a aussi atterri (bon, en maquette, mais à l'échelle 1 quand même) sur trois sites en France : au Bourget (Paris), à la Cité de l'Espace (Toulouse) et à l'entrée du Centre spatial guyanais.

Les télescopes : non, il n'y avait pas que le James Webb !

Naturellement, c'est LE décollage emblématique de ces dernières années pour Ariane 5. La NASA a fait confiance au lanceur européen, et son télescope géant à 9 milliards de dollars a décollé la veille de Noël 2021 pour s'envoler à 1,5 million de kilomètres de distance, le tout avec une précision atteinte telle que la durée de vie du James Webb s'est vue doublée (20 ans) grâce à l'économie de carburant.

L'histoire est belle, et 18 mois plus tard, la fierté est toujours palpable pour ceux qui ont participé à cette campagne. Mais Ariane 5 a envoyé d'autres merveilles d'étude scientifique en orbite, et ce, dès ses premières années. C'est le cas en 1999 du télescope XMM-Newton, parti étudier les événements les plus énergétiques de l'Univers, qui est toujours en service, 23 ans et demi plus tard.

L'installation très particulière du James Webb sur son Ariane 5 © ESA
L'installation très particulière du James Webb sur son Ariane 5 © ESA

Ariane 5 a même eu la pression impressionnante d'envoyer non pas un, mais deux télescopes en même temps, avec, le 14 mai 2009, les télescopes Herschel (infrarouge) et Planck (fond diffus cosmologique). Ces deux-là sont à la retraite, mais le lancement était, une fois de plus, exemplaire.

De Mercure à Jupiter, un lanceur interplanétaire !

Voilà ceux qui remporteront sans doute vos votes pour les lancements préférés d'Ariane 5. Mais saviez-vous qu'elle avait envoyé la petite sonde européenne SMART-1 autour de la Lune en 2003 ? Probablement pas, son décollage a été éclipsé dès 2004 par le lancement de Rosetta, la grande sonde de l'ESA partie examiner la comète 67p « Tchouri » (Churyumov-Gerasimenko). La mission s'était poursuivie jusqu'à 2016.

En octobre 2018, c'est cette fois la sonde BepiColombo qui débute son voyage sous la coiffe d'Ariane 5. Cette dernière, en collaboration avec l'Agence spatiale japonaise, est actuellement en route pour étudier Mercure. Elle survolera la petite planète pour la troisième fois d'ici lundi 10 juillet avant d'entrer en orbite de Mercure en 2025, longtemps après la retraite de son lanceur. Mais celle qui sera le plus tournée vers l'avenir est probablement JUICE, la sonde européenne à destination de Jupiter et de ses lunes gelées. Envoyée en avril dernier avec l'avant-dernière Ariane 5, elle va poursuivre son voyage, puis son étude durant une décennie. Elle verra peut-être même la retraite d'Ariane 6 !

La dernière a prendre la route... c'est elle ! © ESA / CNES / Arianespace / CSG / P.Baudon
La dernière a prendre la route... c'est elle ! © ESA / CNES / Arianespace / CSG / P.Baudon

Bon alors, dites-nous, c'était lequel, votre lancement préféré ?

Eric Bottlaender

Spécialiste espace

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Je suis un "space writer" ! Ingénieur et spécialisé espace, j'écris et je partage ma passion de l'exploration spatiale depuis 2014 (articles, presse papier, CNES, bouquins). N'hésitez pas à me poser v...

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Je suis un "space writer" ! Ingénieur et spécialisé espace, j'écris et je partage ma passion de l'exploration spatiale depuis 2014 (articles, presse papier, CNES, bouquins). N'hésitez pas à me poser vos questions !

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Commentaires (17)

Caramel34
Pas vraiment de lancé favori car j’ai toujours été fier de voir que quand on s’en donnait les moyens, l’ESA pouvait facilement surclasser les plus « gros ».
Pck
Ce qui rend modeste devant tous ces succès phénoménaux, c’est le petit grain de sable -qui s’immisce dans toute cette complexité de calcul si précise- et qui, dû à une mauvaise déclaration de variable (16bits au lieu de 64bits), provoque le raté du 1er lancé.<br /> Au delà de ces petites erreurs malheureusement bien humaines, immense respect pour les équipes de ce fabuleux programme.<br /> Du coup, mon favori serait le lancé de JWST qui, justement de part la précision de ces logiciels embarqués, a atteint un niveau de performance bien au delà de ce qui était attendu!
stevensf
Pour moi c’est ça l’Europe… Ce n’est pas ces petits politiques de m***** dans leurs beaux bâtiments de Bruxelles.
lahire
il est l’exemple parfait de la décadence européenne.<br /> Autrefois leader mondial des lanceurs, aujourd’hui devenue bien looser face à la concurrence féroce USA, Chine, Russie.<br /> Quel interet de prendre ariane6 comme lanceur quand j’ai spaceX pour moins cher ?<br /> Aujourd’hui l’Europe est noyer sous l’écologie idéologique qui nous plombent le peu d’industrie qui nous reste dont on est même plus leader.
nicgrover
J’ignorais que c’était Ariane qui avait mis en orbite le James Webb…<br /> Comme quoi le savoir faire ça paye mais la volonté est encore à la ramasse avec Ariane 6… Quoique les variables ont évolué rendant la conception plus délicate sans doit à l’erreur…<br /> Merci M Eric pour la petite histoire
dredd
Tu peux nous expliquer à quel moment et sur quels points exactement l’écologie idéologique est venue influer sur le programme Ariane ?<br /> Pour être clair, à part pour faire des économies de carburant sur la logistique (Canopée), donc d’argent, je ne vois pas trop le rapport.
lahire
j’apporte une vision global de l’industrie la pas que ariane ou d’autres erreurs ont été commise.<br /> mais si tu veux le budget gaspillé à la « décarbonation » bah il a pas été utilisé pour faire une ariane6 compétitive.<br /> Ariane 6 a 10ans de retard technologique facile.<br /> Mais bon si tu veux, l’automobile aujourd’hui on sait fait atomisé par la chine, et désormais l’aéronautique est fortement menacé. Il faut absolument soutenir Airbus et pas rentrer dans la connerie de l’avion hydrogène ou autre folie.<br /> Il faut donner des avions compétitif ! c’est la priorité. Des avions qui consomme moins de kérosène c’est compétitif c’est bien, mais l’écologie doit passer au second plan.
Cmoi
Sauf que ça, c’est-à-dire Arianespace, c’est pas vraiment l’Europe mais la France.
dredd
Ok, donc tu ne peux par répondre à ma question sur ton affirmation. Merci d’avoir essayé.
clintl
C’est pour ça que ça marchait.
Yannick2k
la réponse de @lahire est assez claire…<br /> Pour résumé, l’Europe utilise son argent à autre chose que le développement industriel, donc moins de financement pour la ‹ conquête spatiale › entre autre, sans parler de l’industrie automobile qu’elle est en train de trucider, au nom de l’écologie et être un exemple pour le monde entier… ce qui dans les fait est très bien mais réfléchis d’un point de vue purement politique.<br /> Puis elle plurniche parce qu’elle est dépende de l’Asie et des US ?!
Chirokee
C’est bien ce que certains reprochent à l’ESA/CNES : Une domination française sorte de Françeurope.<br /> Mais qui est appelée à changer. L’Allemagne d’abord mais aussi l’Italie et quelques autres commencent à faire l’école buissonnière en proposant leurs propres solutions. Ça ne retirera rien à la toute puissance de l’ESA mais il faudra dorénavant compter sur un certain éparpillement dans le spatial
juju251
Il serait bon de garder un certain calme dans les commentaires.<br /> Merci.<br /> Autre chose, la question posée par l’auteur est "Quel est votre lancement préféré ? ", pas une digression sur la géopolitique du spatial.
toast
Ah ah ah, j’adore le melon de certains: « J’apporte une vision globale ».<br /> Ben non, tu donnes juste ton avis de profane, comme la plupart d’entre nous.
comos02
1988…service militaire en outre-mer dont 2 mois en Guyane… visite des complexes de Kourou, la chance une fusée sans sa coupole. La salle de commande de tir juste impressionnante !!G pu voir deux tirs, trop dur ce service militaire
juju251
Difficile de répondre à la question posée.<br /> S’il ne fallait retenir qu’un seul vol, lequel choisir ?<br /> Peut-être JWST parce que vu en famille avec un coupe de champagne ? <br /> Difficile également de retenir une mission.<br /> S’il devait n’y en avoir qu’une seule que je devais retenir, peut-être Roseatta Philae (mais pas sûr tellement tant ont été emblématiques et importantes), notamment pour l’atterrissage, qui était une première mondiale, la folie de cette mission (notamment la mise en veille de Rosetta pendant plus de deux ans), la trajectoire avec les multiples assistances gravitationnelles.<br /> Je me souviens encore de l’atterrissage en Novembre 2014 :<br /> Cette tension en attendant la confirmation de l’atterrissage et les échanges entre Clubiciens qui suivaient cette soirée.<br /> D’ailleurs, autre chose, quand j’étais ado, il y avait une expo gratuite sur le spatial dans le hall d’une école d’ingénieurs pas loin d’où j’habitais (genre 10 minutes à pieds), j’y suis allé TOUS les jours voir le moteur Vulcain.
teepeeleven
Le vol le plus marquant : le premier ATV Jules Verne en 2008.<br /> Aux premières loges derrière mon pupitre de la salle de ctrl ATV au CNES Toulouse, à 5h du mat un dimanche. Ça ne s’oublie pas.<br /> Sinon, juste derrière le lancement JWST : une précision d’injection qui a étonné même en interne.
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