À la découverte des missions sur la station spatiale chinoise

Eric Bottlaender
Par Eric Bottlaender, Spécialiste espace.
Publié le 12 novembre 2022 à 13h00
Coucou les terriens ! © CMSA
Coucou les terriens ! © CMSA

Après 18 mois en orbite, la SSC vient de recevoir son « dernier » module, Mengtian, qui complète la phase d'assemblage. Mais alors, à quoi ressemble la vie dans la station, et que font les équipages durant leurs rotations de six mois ? Contrairement aux apparences, il reste beaucoup à installer.

Mais la cadence est impressionnante et sans accroc !

Pendant ce temps-là, dans l'autre station

Parfois, au crépuscule dans un ciel sans nuages, on peut lever les yeux et voir un point discret traverser d'horizon en horizon. Peut-être est-ce une station spatiale ? C'est l'occasion de se rappeler qu'en cette fin 2022, il y en a deux qui sont habitées en permanence ! L'ISS, qui fête sans fanfare ses 22 années d'occupation permanente, et la SSC, pour Station Spatiale Chinoise (elle n'a pas de nom, même si elle est parfois appelée Tiangong).

Et elle aussi devient une station permanente : alors même que se termine la mission Shenzhou-14 dans le mois qui vient, la capsule Shenzhou-15 et ses trois occupants va décoller et pour la première fois, il y aura six astronautes chinois (ou taïkonautes, mais astronaute est universel) en orbite simultanément. À présent que la station est complète, comment se passent les missions ?

Déplacement du module Wentian pour que la station forme un "T" à l'aide d'un petit bras spécifique. Notez sur la gauche la capsule Shenzhou. © CMSA
Déplacement du module Wentian pour que la station forme un "T" à l'aide d'un petit bras spécifique. Notez sur la gauche la capsule Shenzhou. © CMSA

Tout d'abord, et comme c'est le cas pour l'ISS, les équipages se préparent plusieurs mois en amont, et ce pour plusieurs raisons. D'abord parce qu'il faut beaucoup d'entraînement pour être efficaces une fois en orbite, et qu'il y a une multitude de techniques et de procédures à apprendre (pour les sorties spatiales par exemple, mais aussi tout simplement pour la sécurité). Ensuite, parce que les astronautes qui décollent pour rejoindre la CSS y vont pour la première fois ! Bien entendu, il y a des maquettes au sol et même en piscine, mais rien ne remplace la véritable expérience pour découvrir la vie à bord.

Pour l'instant, aucun taïkonaute n'y est encore retourné (l'agence espère au contraire qu'un maximum de ses astronautes pourront y acquérir des compétences), mais il y aura peut-être des surprises la veille du prochain lancement… Car c'est uniquement à ce moment là que la Chine dévoile l'identité de ses équipages. Chacun compte trois astronautes, un commandant et deux spécialistes, dont en général un des deux vole pour la première fois. Ils quittent la Terre pour une mission de six mois environ.

Transfert automatisé

Une fois en orbite, la capsule Shenzhou rejoint la station au cours d'un vol qui est théoriquement automatisé, et qui dure moins d'une demi-journée. Une fois l'amarrage terminé, les astronautes vivent dans la station et ne retournent dans leur capsule que lors d'exercices ou pour préparer leur retour.

L'intérieur d'un des modules laboratoires cette semaine. Pour l'instant beaucoup de stockage ! © CMSA

Jusqu'au printemps 2022, les trois occupants des Shenzou arrivaient dans une station vide, mais la station a suffisamment évolué pour qu'il y ait une petite période de recouvrement, ou deux équipages sont présents en même temps. Un agenda très pratique pour « passer le témoin », car il y a toujours une multitude de détails, de petites expériences ou d'astuces que les uns veulent expliquer aux autres… Ce qui est bien plus facile à faire sur place qu'en vidéo ou audio.

Tianhe, Wentian, Mengtian, on s'y retrouve

La SSC compte actuellement trois modules permanents et principaux. Il y a d'abord Tianhe, qui est le cœur central de la station, mais qui est lui-même divisé en plusieurs zones. On y retrouve les couchettes de l'équipage (avec, c'est le luxe, un hublot dans chaque petit compartiment personnel), un espace de vie au sein duquel sont pris les repas en commun, mais qui sert aussi aux conférences vidéo et au sport, le centre de commande de toute la station et le panneau de pilotage du plus grand bras robotisé de la SSC, qui en compte plusieurs autres.

Et si cela ne suffisait pas, il y a aussi un peu de stockage et quelques expériences… Au bout de Tianhe, il y a une zone indépendante qui est un nœud d'amarrage. C'est là que sont accrochés les deux modules laboratoires Wentian et Mengtian, un de chaque côté pour former un « T ». Les deux espaces pressurisés des laboratoires sont sensiblement identiques, mais n'hébergent pas les mêmes expériences, Wentian étant centré sur tout ce qui a trait au médical et au corps, et Mengtian sur la physique des matériaux et des particules.

Les modules qui arrivent tout neufs sont essentiellement vides. Il n'aura plus le même look d'ici un an ! © CMSA

Il y a d'autres différences bien sûr entre ces deux faux jumeaux. Wentian héberge à présent le sas principal destiné aux sorties en scaphandre (il est aussi possible de sortir par le nœud central, mais il faut alors condamner chacun des grands modules) ainsi qu'un set de trois couchettes supplémentaires, tandis que Mengtian dispose d'un sas spécifique destiné aux expériences qui peuvent être stockées à l'extérieur sur une plateforme dédiée. Les deux modules cependant sont équipés d'énormes panneaux solaires de 25 mètres de long chacun.

Il est six heures, la SSC s'éveille

Le quotidien à bord, lui, diffère assez peu de celui des collègues de la station spatiale internationale. La différence majeure réside dans le fait que la SSC est encore à un stade de déploiement, même si avec ses nouveaux modules elle est « complétée ». Les équipages doivent s'occuper d'installer les racks scientifiques et de les équiper (il faut faire les branchements, les vérifier, apporter les équipements modulaires, démarrer les expériences d'étalonnage…).

Il y a beaucoup à faire pour seulement trois personnes, car il faut aussi s'occuper de son propre corps en mangeant, en effectuant des prélèvements et en luttant contre l'atrophie musculaire (c'est-à-dire en faisant du sport)… Et c'est sans compter les tâches médiatiques, les exercices d'entraînement à la manipulation du bras robotisé, la préparation et le tri des affaires contenues dans les cargos et les expériences déjà en cours.

Comme pour leurs homologues, la journée des astronautes chinois est cadencée par un planning assez strict et en liaison avec le centre de contrôle au sol. Il faut d'ailleurs noter que contrairement à ce que suggère leur exposition médiatique assez faible en Occident, les occupants de la station chinoise sont régulièrement en conférence vidéo, postent des photos et vidéos, bref occupent une présence sur les réseaux qui se hisse au niveau de celle de la majorité des astronautes de l'ISS (mais pas autant que celle d'un Thomas Pesquet non plus).

Grandes étapes et petites sorties

Plusieurs jalons rythment une mission de six mois. L'un des plus important est de gérer le départ et l'arrivée des cargos Tianzhou, qui apportent plusieurs tonnes de matériel (il y a deux missions par an) ainsi que du carburant utile aux propulseurs capables d'ajuster l'orbite de la SSC. Et il ne faut pas oublier de les remplir correctement, car ils contiennent en partant les « poubelles » de l'équipage, ce qui comprend en plus des détritus classiques de nombreux vêtements et serviettes, du matériel médical et informatique, ainsi que les emballages et expériences qui ne servent plus. Sans eux, la station se transformerait rapidement en un énorme bric à brac. Et ils ramènent bien entendu la nourriture et l'eau nécessaires aux missions longues.

Un cargo orbital Tianzhou (ici sans ses panneaux solaires) en préparation. © CMSA/CASC

Les autres étapes cruciales pour les vols sont bien entendu les sorties EVA, qui sont longuement préparées en amont. Pour l'instant, chaque équipage en a mené deux, au sein de scaphandres Feitan, mais c'est amené à évoluer. L'équipage de Shenzhou-14 devrait en faire une troisième ce mois-ci. Comme il n'y a que trois occupants permanents, ces sorties mobilisent toute l'activité au sein de la SSC pour plusieurs jours, il faut donc bien choisir quand les programmer.

Un an et demi et le module central Tianhe s'est considérablement encombré ! Mais c'est normal, c'est ainsi que vit une station. © CMSA/CNSpaceflight (twitter).

Une fois la mission terminée et la relève présente, les trois occupants de la capsule Shenzhou se désamarrent de la SSC et se préparent à rentrer sur Terre. Une fois de plus tout est théoriquement automatisé, mais des procédures d'urgence peuvent prendre place. L'atterrissage a lieu dans les grandes steppes désertes de Mongolie Intérieure (région chinoise), avec des équipes amenées sur place en hélicoptère et transports de troupes, à l'image de ce que fait la Russie/URSS depuis 60 ans. Les astronautes retournent ensuite rapidement à Pékin pour leur réadaptation et leur débriefing. Tandis qu'en orbite, la SSC continue son chemin…

Par Eric Bottlaender
Spécialiste espace

Je suis un "space writer" ! Ingénieur et spécialisé espace, j'écris et je partage ma passion de l'exploration spatiale depuis 2014 (articles, presse papier, CNES, bouquins). N'hésitez pas à me poser vos questions !

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Commentaires (10)
Wifi93

On pourra dire ce qu’on veut, toujours est-il que les Chinois nous la mette bien profond quand l’Europe n’est pas foutue (plusieurs pays pour rappel) d’avancer dans le spatial. Ariane VI est une franche rigolade et la possibilité de récupérer ne serait-ce que l’étage moteur n’est même pas encore fonctionnelle. La honte. Et vu comme c’est parti, il y a de grande chance que la Chine finisse par mettre le pied sur la Lune avant même les Américains qui pour rappel n’ont jamais mis les pieds sur notre satellite jusqu’à preuve du contraire. Tout fut tourner en studio dans le désert du Nevada.

kiwi5

bin quand tu es en autocratie et que tu ne changes pas de dirigeant, les depenses ne genent pas tant les elections que ca. alors en europe, multiples pays sous entend multiples elections… aie

Les pays individuels traitent souvent l’Europe comme bouc emissaire, c’est pas vraiement ce qui va motiver une cooperation.

La France, a voulu faire des economies sur la recherche dans les annees 80 et a continue par la suite, alors on en a pour notre argent.

je te laisse la responsabilite de tes propos sur le nevada, perso je n’y suis jamais alle (qui te dit que les chinois ne sont pas en train de tout filmer dans un entrepot dans le desert de gobi?)

gemini7

Merci de nous raconter ce qui se passe dans la SSC, très intéressant. Je me demande, si un jour, on verra un « Chris Hadfield » chinois, chanter « Space oddity » dans la SSC. :sweat_smile:

gemini7

@Wifi93

« les Américains qui pour rappel n’ont jamais mis les pieds sur notre satellite jusqu’à preuve du contraire. Tout fut tourner en studio dans le désert du Nevada. »

Tu as trop vu « capricorn one » voici un « lien L’Homme a bien posé le pied sur la Lune : la preuve ! » que je te conseille pour te faire entrevoir la vérité, c’est pareil pour ceux qui disent que la terre est plate.

dack1

:astonished:

Hmmmm… d’accord…

Chirokee

« les Américains qui pour rappel n’ont jamais mis les pieds sur notre satellite jusqu’à preuve du contraire. Tout fut tourner en studio dans le désert du Nevada. »

Perdurer dans la connerie à ce point signifie, soit qu’on est un abruti ignorant soit que l’antiaméricanisme est le fond de commerce amenant à tout critiquer par xénophobie ou idéologie. Seule l’asile peut y remédier

SplendoRage

Alors je ne vois vraiment pas où est le problème … Moi je suis toute à fait d’accord avec notre cher ami. Non, les américains ne sont jamais allé sur la lune et oui, la terre est plate !!

Je rappelle que si on était vraiment aller sur la Lune, on aurait vu que notre bonne vieille terre était portée à dos d’éléphants sur une tortue géante !!
discworld-atuin-from-film

La preuve ! Et comme tout ce qui est sur internet est vrai, c’est que c’est vrai ! CQFD !!

MattS32

La preuve pour tous ceux qui réfutent les nombreuses preuves apportées par les américains et très largement validées par la communauté scientifique : les Russes, qui faisaient la course à qui serait le premier à marcher sur la Lune, ont reconnu la défaite sans jamais la contester. Parce que les Russes savaient bien qu’ils avaient perdu, avec tous leurs espions ils avaient toutes les preuves dont ils avaient besoin.

SplendoRage

Après … Si les soviétiques avaient été les premiers à le faire, les USA et les occidentaux en général auraient dit que c’était bidon et encore aujourd’hui on dirait que c’est pas vrai.
Aaaaah … La bonne vieille époque de la guerre froide !

Après tout, les allemands y sont allés avant les américains à la fin de la guerre ! La preuve, on en a même fait un très bon documentaire ! :rofl: