Superconstellations : les opérateurs de satellites se préparent pour le 2e round. A-t-il déjà commencé ?

Eric Bottlaender
Spécialiste espace
30 novembre 2023 à 20h05
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Une vue d'artiste des futures antennes de la constellation Kuiper d'Amazon. © Amazon
Une vue d'artiste des futures antennes de la constellation Kuiper d'Amazon. © Amazon

En 2023, plusieurs opérateurs de grandes constellations de connectivité en orbite basse ont achevé la mise en orbite de leur première génération. Au-delà des polémiques sur leur usage ou l'encombrement des orbites, c'est un succès commercial. La deuxième génération arrive déjà, avec de nouveaux acteurs attentifs.

Cela ne fait pas tout à fait 9 ans que les premières « superconstellations » de SpaceX et OneWeb ont été annoncées. Entre-temps voilà que Starlink compte plus de 5 000 satellites envoyés en orbite basse, et OneWeb 636. Les deux ont terminé le maillage de leur service en 2023… en tout cas pour leur première génération !

SpaceX, qui a réussi son pari technique et commercial, a immédiatement enchainé avec une amélioration, tandis que OneWeb prépare sa solution technique. D'autres opérateurs commerciaux, Amazon en tête, sont dans les starting-blocks… À quoi va ressembler la suite ?

Une nouvelle antenne résidentielle pour Starlink... Et des dizaines de grappes de nouveaux satellites en orbite ! © SpaceX/Starlink
Une nouvelle antenne résidentielle pour Starlink... Et des dizaines de grappes de nouveaux satellites en orbite ! © SpaceX/Starlink

Chez SpaceX, l'amélioration continue

Il était un temps question pour SpaceX de faire une pause entre la première génération de satellites Starlink et la suivante, qui devait être envoyée en orbite grâce aux énormes capacités du Starship. Ce dernier n'étant pas au rendez-vous, et comme il y a eu quelques hoquets dans le déploiement du premier maillage (unités perdues à cause d'une tempête solaire, quelques problèmes d'ordinateur de bord, un rythme de tir qui a pris du temps pour grimper depuis la côte californienne), l'entreprise d'Elon Musk a immédiatement entamé sa transition.

En réalité, les antennes au sol sont compatibles, même si elles aussi seront progressivement remplacées. En cette fin novembre 2023, SpaceX a déjà dévoilé sa nouvelle antenne dédiée aux abonnements résidentiels (elle est plus grande). Et, comme tous les retours ne sont pas unanimes malgré plus de deux millions d'abonnements et des contrats avec de nombreux acteurs importants (notamment des croisiéristes et des compagnies d'aviation), il faut poursuivre l'amélioration du service.

Ainsi, Starlink, qui a déjà l'avantage de générer des revenus substantiels (entre 2,5 et 5 milliards de dollars cette année), est au-delà de l'équilibre et produit des profits selon les responsables de SpaceX, qui ne donnent cependant pas de détails… tout en indiquant attendre 10 milliards de dollars de revenus l'an prochain. De quoi supporter une croissance de la constellation et le remplacement progressif des premières unités par une nouvelle génération, même s'il ne s'agit « que » des satellites surnommés « V2 mini ».

797 unités ont été envoyées en orbite depuis avril-mai dernier (premier tir de V2 mini en février), et le rythme devrait s'accélérer, car SpaceX a déjà prévu jusqu'à 13 000 de ces satellites en orbite basse. En plus d'un nombre plus imposant de transpondeurs, ces satellites disposent de liaisons de données laser entre ses unités, ce qui améliore les débits et réduit le besoin de stations au sol. Les retours d'expérience de la première génération ont également été pris en compte pour la fabrication des satellites comme des antennes.

OneWeb prépare sa 2e génération (et lorgne sur l'Europe)

Racheté officiellement cette année par le géant français Eutelsat, OneWeb fait une pause dans le lancement de nouveaux satellites, sa constellation étant officiellement complète. Ce qui n'empêche pas de préparer l'avenir. En mai, un satellite de test pour la prochaine génération a été envoyé en orbite basse afin de tester plusieurs technologies clés qui seront mises en place afin d'améliorer le service.

OneWeb n'est pas concurrent de Starlink sur tous ses marchés et ne s'adresse pas directement aux utilisateurs finaux, mais plus aux entreprises et aux opérateurs de connectivité autour du monde. Il faudra ainsi plus de temps pour engranger des contrats et rentabiliser la première phase avant une signature pour la deuxième. D'autant que OneWeb compte jouer sur son identité amplement (mais pas 100 %) européenne en proposant ses services à l'UE, qui met du temps à se décider sur l'avenir de sa constellation étatique IRIS².

Quoi qu'il en soit, la 2e génération disposera de moins de satellites, plus capables. OneWeb utilisera, en effet, les capacités de la constellation géostationnaire d'Eutelsat comme des relais, ce qui devrait limiter à la fois le besoin des satellites et de stations au sol.

Deux satellites OneWeb de première génération. On ne connait pas encore les caractéristiques de la suivante. © OneWeb Satellites
Deux satellites OneWeb de première génération. On ne connait pas encore les caractéristiques de la suivante. © OneWeb Satellites

Amazon a testé ses premiers satellites

Dans le secret le plus total sur leur taille, leur masse et leurs capacités, les deux premiers satellites de la constellation Kuiper ont effectué leurs premiers essais ces dernières semaines. Envoyées en orbite en septembre dernier, ces deux unités de test sont avant tout des prototypes : ils ont validé les protocoles de communication avec le sol, ce qui permet de comprendre les forces et les faiblesses du matériel prévu (rappelons qu'Amazon avait dévoilé des antennes au début de l'année). Pour les 3 236 satellites de la première phase complète de la constellation, il faudra attendre : les premiers décollages n'auront lieu au mieux qu'à la moitié de l'année 2024, voire plus tard. L'usine qui assemblera les satellites est encore en construction sur la Space Coast…

Amazon sera un acteur de la « 2e vague » pour les superconstellations, mais ne baisse pas les bras. Il y a en effet des places à prendre derrière SpaceX, et de nombreux opérateurs souhaitent garder leur place sans nécessairement passer par la firme d'Elon Musk. Ainsi l'opérateur japonais Sky Perfect JSAT vient de signer un accord avec Amazon pour la distribution et l'usage de Kuiper… Et même des accès durant la phase bêta. D'autres opérateurs par contre, à l'image de Boeing ont jeté l'éponge. Les derniers, comme Telesat, ont revu leurs objectifs à la baisse.

Tests de connectivité avec les satellites Kuiper © Amazon
Tests de connectivité avec les satellites Kuiper © Amazon

Enfin, n'oublions pas la Chine, même si elle vise avant tout le marché chinois. La constellation la plus en vue là-bas s'appelle Guowang et elle aussi dispose de premières unités qui ont été testées en orbite terrestre (les Hulianwang Jishu Shiyan), mais aucune avec plusieurs centaines de satellites à ce jour. D'autres tests ont eu lieu en 2023, avec le satellite Longjiang-3 de l'Université de Harbin, qui serait lui aussi un prototype « façon Starlink »... À noter enfin qu'il y a plusieurs constellations nationales chinoises en déploiement ou en projet pour l'internet des objets (IoT).

Far west et nuages de débris ? Pas vraiment

Lorsque les nombres de satellites à trois chiffres ont été annoncés, certains observateurs ont tiré la sonnette d'alarme sur l'absence de réglementations, les risques de collision grandissants et la pollution spatiale qu'allaient engendrer les nouveaux géants. Si leur impact est certain sur les observations du ciel profond (les rapports sont nombreux, même si les astronomes sont en liaison avec les opérateurs), force est de constater que l'apocalypse n'a pas eu lieu. Les satellites Starlink par exemple sont suffisamment agiles pour manœuvrer automatiquement lorsque le risque d'une collision apparaît, et ce même lorsqu'il ne représente que quelques fractions de pourcentages de probabilité d'impact.

La gestion des superconstellations semble suffisamment raisonnée aujourd'hui, avec des retours et destructions atmosphériques rapides en quelques mois, et des agences qui suivent et demandent de nombreuses données aux opérateurs de satellites. Cette gestion devrait d'ailleurs encore se resserrer puisque des réglementations plus contraignantes (en particulier aux États-Unis) sont et vont entrer en vigueur. Ce qui n'empêche pas, bien sûr, le risque de collision.

Source : Universe Today

Eric Bottlaender

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Je suis un "space writer" ! Ingénieur et spécialisé espace, j'écris et je partage ma passion de l'exploration spatiale depuis 2014 (articles, presse papier, CNES, bouquins). N'hésitez pas à me poser v...

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Je suis un "space writer" ! Ingénieur et spécialisé espace, j'écris et je partage ma passion de l'exploration spatiale depuis 2014 (articles, presse papier, CNES, bouquins). N'hésitez pas à me poser vos questions !

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Commentaires (10)

Martin_Penwald
Ainsi, Starlink, qui a déjà l’avantage de générer des revenus substantiels (entre 2,5 et 5 milliards de dollars cette année), est au-delà de l’équilibre et produit des profits selon les responsables de SpaceX, qui ne donnent cependant pas de détails…<br /> Sur 2022, environ 1900 satellites ont été lancés par 34 fusées.<br /> Tout ça coûterait moins de 5 milliards, donc. C’est pas impossible, mais je demande à voir, surtout qu’il faut compter en plus l’entretien des stations au sol.
kroman
«&nbsp;force est de constater que l’apocalypse n’a pas eu lieu&nbsp;»<br /> On n’est qu’au début du déploiement. Avec tous les pays qui veulent leur solution indépendantes on se retrouvera avec 1/2 million de satellites en orbite basse. Le ciel étoilé ne sera plus le même !
cmoileena
Y’a quand même un peu de place dans l’espace
MattS32
Martin_Penwald:<br /> Sur 2022, environ 1900 satellites ont été lancés par 34 fusées.<br /> Tout ça coûterait moins de 5 milliards, donc. C’est pas impossible, mais je demande à voir, surtout qu’il faut compter en plus l’entretien des stations au sol.<br /> D’un point de vue comptable, il n’est pas nécessaire d’avoir couvert tous les coûts de la flotte pour considérer que l’équilibre est atteint et que des profits sont générés.<br /> La flotte de satellites est une immobilisation, qui normalement dans les comptes pèse chaque année pour une fraction de son coût d’acquisition, selon la durée d’amortissement choisie. Donc si par exemple un satellite à 5 millions est prévu pour durer 10 ans, il suffit de 500k de CA annuel pour atteindre l’équilibre.<br /> Seul le coût du lancement lui même, sans le matériel des satellites, et comptabilisé intégralement au moment du lancement (et encore, il y a peut-être des astuces comptables pour en passer une partie en immobilisation).
hellcat1944
Dans l’espace oui. Mais dans l’orbite terrestre qui, faut pas l’oublier, se trouve dans notre champ de vision direct, non.
StephaneGotcha
Je pense que les entre 2.5 et 5 milliards sont les revenus des abonnements Starlink, et pas du tout un quelconque bénéfice!<br /> En se basant sur l’abonnement français à 40€ par mois donc 480€ par an et d’un revenu de 4.8 milliards (pour facilité le calcul), on a donc 10 millions de clients.<br /> Problème, il n’y avait «&nbsp;que&nbsp;» 2 millions de clients en Septembre 2023 …
philouze
chaque «&nbsp;sphère virtuelle&nbsp;» représentée par un orbite à ±0.5 km ( 1km de jeu) , représente une surface de plus de 500 MILLIONS de km2.<br /> Entre 600 et 300 kms d’altitude il y a donc 150 milliards de km² dans lesquels se baladent des boites à chaussures, Qui n’occupent donc qu’une «&nbsp;ligne&nbsp;» de 5 m de large, sur … 416 fois la surface cumulée de tous les océans de la planète.<br /> même si ça finira par se bousculer, on est loin du compte, on a pas vraiment les ordres de grandeur en tête.
Martin_Penwald
En effet, je n’y avais pas pensé.<br /> Cela dit, pour que la constellation tienne, et vu que la durée de vie d’un satellite est de 5 ans, il faut en envoyer tous les ans la même quantité, donc il faut compter l’amortissement des satellites lancés les années précédentes.<br /> Je veux vraiment voir les chiffres.
philouze
y’avait une histoire d’allongement de durée de vie à partir de la Gen 3 (et de multiplication de puissance X10 ? je n’ai plus les liens, on en avait discuté )<br /> On peut imaginer que l’amortissement se base là dessus ?<br /> après… mentir sur les datas au lancement, c’est dans l’ADN de Musk
Adrift
Devant des nouvelles géniales et enthousiasmantes, il y a toujours des malheureux pour gâcher la fête !<br /> Oui, il y a bien assez d’espace, même à une seule orbite ! Il y a 1,5 milliard de voitures dans le monde, toutes à la même orbite zéro et soumises à des routes et «&nbsp;pilotés manuellement&nbsp;» par des humains, et pourtant les accidents sont quand même rares!<br /> Cela ne veut pas dire qu’il n’y aura jamais de collision, cela signifie simplement qu’on s’en fiche complètement tellement ce sera négligeable ! Il faut sortir de la peur constante et de la négativité ! Avec une mentalité pareille, on n’aurait jamais inventé l’aviation…<br /> C’est formidable d’avoir ces satellites en basse altitude, on va probablement pouvoir se passer de toutes nos antennes réseau tout en n’ayant jamais de zones blanches, même en avion ! C’est un fantastique progrès, et ceux qui sont contre devraient aller jusqu’au bout de leur logique et se couper d’Internet…
MattS32
Adrift:<br /> Cela ne veut pas dire qu’il n’y aura jamais de collision, cela signifie simplement qu’on s’en fiche complètement tellement ce sera négligeable !<br /> Non, ce n’est pas négligeable, parce que tu compares deux choses complètement incomparables…<br /> Quand il y a un accident de voitures, les débris restent cantonnés dans une petite zone autour de l’accident et sont très vite nettoyés. Un accident de satellite dans l’espace, ça te faite des débris qui très vite vont se retrouver tout autour de la Terre, et pendant des années.<br /> Et une voiture, tu ne la détruit pas avec un choc contre un petit débris de 2 cm. Un satellite, si. Et des débris de cette taille sont impossibles à détecter et éviter s’ils sont sur la trajectoire d’un satellite.<br /> Aujourd’hui, la probabilité de rencontrer un tel débris est encore assez faible, de l’ordre de 1 chance sur 10 000 à 100 000 pour chaque satellite (selon sa taille) sur un an.<br /> Sauf que si une telle probabilité pouvait être considérée comme négligeable quand il y avait un millier de satellite, elle le devient beaucoup moins avec 10 000 ou 50 000 satellites en orbite… Un truc qui a une chance sur 50 000 d’arriver par satellite et par an, c’est un événement exceptionnel qui survient deux fois par siècle quand on a 1000 satellites, mais ça devient un événement récurrent survenant tous les ans quand on en a 50 000. Et chaque accident augmente ensuite les risques pour les autres satellites, puisqu’il crée lui même des débris supplémentaires…<br /> Et c’est particulièrement vrai avec les constellations comme Space X : les satellites se suivent sur les mêmes trajectoires. S’il y en a un qui est détruit par un débris, le risque que les suivants le soient aussi devient très élevé.<br /> Adrift:<br /> on va probablement pouvoir se passer de toutes nos antennes réseau tout en n’ayant jamais de zones blanches<br /> Non, absolument pas. Parce que le puissances d’émission nécessaires pour atteindre les satellites sont bien plus élevées. Et comme beaucoup se plaignent déjà de la trop faible autonomie de leur téléphone…<br /> En outre faire dépendre les communications d’un truc aussi fragile qu’un satellite, sur lequel il est absolument impossible d’intervenir physiquement pour réparer, et qui nécessite des mois de planification pour être remplacé, ça serait une énorme erreur stratégique…<br /> Adrift:<br /> C’est un fantastique progrès, et ceux qui sont contre devraient aller jusqu’au bout de leur logique et se couper d’Internet…<br /> Ben non, rien à voir, puisque justement Internet ne passe quasiment pas par satellite, sauf pour quelques connexions terminales…
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