Avec plus de 1200 satellites en orbite, SpaceX étend le service de sa constellation Starlink

Eric Bottlaender
Par Eric Bottlaender, Spécialiste espace.
Publié le 15 mars 2021 à 15h05
Déjà plus de 10 000 « Dishy McFlatface » en circulation… Crédits : SpaceX
Déjà plus de 10 000 « Dishy McFlatface » en circulation… Crédits : SpaceX

Déjà trois décollages de satellites Starlink et 180 satellites supplémentaires au sein de la constellation en ce mois de mars. SpaceX profite de la réutilisation de ses lanceurs pour accélérer et déployer son service. Les craintes se font de plus en plus grandes quant à la gestion du trafic en orbite.

Il faut cependant noter qu'aucune collision n'a encore eu lieu.

Si ça marche immobile…

Après une première phase de connectivité au sol pour l'habitat, SpaceX rendra-t-il la constellation Starlink disponible pour les véhicules ? Au début du mois, l'entreprise a déposé une demande en ce sens à la puissante autorité de gestion des télécommunications américaines, la FCC (même si Elon Musk a ensuite indiqué qu'il ne pensait pas rendre le service disponible au sein des modèles Tesla).

Une nouvelle demande jeudi dernier précise un premier contexte : les capacités de la constellation seront testées avec un véhicule en déplacement, ainsi qu'un avion en vol. Cette demande n'est pas désintéressée, CNBC révèle qu'il s'agit d'une campagne de tests au service de l'US Air Force, avec un partenaire industriel déjà identifié (Ball Aerospace) pour produire des antennes adaptées aux armées américaines.

Ce ne sera pas cette antenne « grand public » pour l'US Air Force. Crédits : SpaceX
Ce ne sera pas cette antenne « grand public » pour l'US Air Force. Crédits : SpaceX

La bêta « Mieux que rien » se porte bien

Les actualités autour de la constellation Starlink se multiplient. La semaine dernière, SpaceX annonçait que la phase de déploiement en « bêta-test » était étendue à une partie de l'Allemagne, à une nouvelle zone en Angleterre et en Australie. L'entreprise annonçait avoir dépassé les 10 000 utilisateurs pour la version « Better Than Nothing » début février, et ce sont probablement quelques milliers de testeurs supplémentaires qui ont reçu depuis leur antenne à 500 dollars (411,60 euros).

Le service n'offre cependant pas une couverture optimale pour le moment, avec des coupures malgré les débits qui promettent d'être « doublés » cette année (objectif 300 Mbit/s et 20 ms de latence). Depuis le 18 février, Starlink dispose d'une autorisation de déploiement en France.

Toujours plus de satellites

Sur le plan satellitaire aussi, SpaceX met la gomme. Six décollages depuis le début de l'année au service de Starlink, trois depuis début mars ! Le nombre total de satellites envoyés en orbite dépasse les 1 200 unités, même si toutes ne sont pas encore actives (et le premier lot de 60 prototypes est essentiellement désorbité à l'heure qu'il est). Environ 850 à 900 satellites sont aujourd'hui actifs dans le « maillage » de Starlink autour de la planète (les autres sont en attente ou transit), y compris 10 d'entre eux en expérimentation en orbite polaire.

Ce déploiement à marche forcée semble être uniquement dépendant des capacités de lancement de l'entreprise : étant donné les dernières annonces sur les cadences à venir, le site de production, à Redmond près de Seattle, peut produire au moins trois ou quatre satellites par jour sur de longues durées.

Crédits : SpaceX

Pour assurer les décollages de ses « grappes » de 60 satellites et continuer de prendre de l'avance sur sa future concurrence (OneWeb et ses 110 satellites, Telesat et la future constellation Kuiper d'Amazon), SpaceX utilise et réutilise ses boosters de fusée. Une opération rodée depuis mars 2017 et la première réutilisation d'un étage de Falcon 9, que les équipes continuent d'affiner.

L'intervalle de temps entre deux vols est tombé à moins de deux mois en ce début 2021, tandis que les pas de tirs ont à peine le temps de refroidir : 10 jours d'écart seulement entre les deux derniers décollages depuis le LC-39A au Centre Spatial Kennedy ! Les barges de l'entreprise qui récupèrent les étages au large n'ont pas passé beaucoup de temps au port. Résultat concomitant, SpaceX accumule beaucoup d'expérience et de savoir-faire dans le domaine de la réutilisation. Le décollage du lot Starlink-21 dimanche 14 mars utilisait pour la première fois un étage réutilisé huit fois (son neuvième vol, donc), un record.

Vers des milliers de « survols proches » chaque semaine ?

En plus de la communauté astronomique qui continue de tirer la sonnette d'alarme face aux difficultés d'observations liées à Starlink, mais aussi aux autres constellations, plusieurs experts alertent sur les risques de collisions présents et futurs que pose la constellation. Il s'agit en effet de la plus grande flotte de satellites jamais opérée, et Starlink représentera à elle seule près de la moitié des satellites actifs en orbite de la Terre d'ici la fin de l'année.

SpaceX utilise un algorithme « intelligent » pour éviter les collisions entre ses unités, et a fait appel à la PME Leolabs pour surveiller la trajectoire de ses satellites comme des débris qui gravitent autour, mais cela risque de ne pas suffire. En effet, le catalogue du réseau SOCRATES a permis d'étudier le nombre de « passages proches » (moins d'1 km d'écart) impliquant les satellites Starlink entre mi-2019 et février 2021.

Ce sont ainsi entre 900 et 1 000 événements chaque semaine qui sont d'ores et déjà générés par la constellation, dont plus de 200 concernent les satellites Starlink avec d'autres objets identifiés (autres satellites actifs ou inactifs, débris). Un chiffre en constante augmentation ces six derniers mois au fur et à mesure que l'entreprise accélère son déploiement. Cela représente déjà 40 % des « passages proches » enregistrés entre les objets suivis en orbite basse en 2021.

À noter que la distance lors de ces approches peut varier, et ne représente pas systématiquement un danger pour les objets concernés… mais cette limite est utilisée pour souligner le nombre grandissant (et pour plusieurs experts, inquiétant) de croisements dans une population croissante en orbite basse.

Sources : Spaceflightnow, CNBC

Par Eric Bottlaender
Spécialiste espace

Je suis un "space writer" ! Ingénieur et spécialisé espace, j'écris et je partage ma passion de l'exploration spatiale depuis 2014 (articles, presse papier, CNES, bouquins). N'hésitez pas à me poser vos questions !

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Commentaires (10)
Eths25

Je serais content de financer une entreprise de nettoyage de toute cette m*** qui tourne au dessus de nos têtes!

ebottlaender

C’est possible en fait (de financer, pas de tout nettoyer, d’autant qu’il s’agit de satellites qui en terme de droits, ont tout à fait le droit d’être là), il existe des startup comme les suisses de ClearSpace ou les singapouriens et japonais d’Astroscale

Fulmlmetal

Le problème c’est la réaction en chaine sur une même couche orbitale. Un impact entre deux sat pourrait causer des milliers de débris, projetés, qui à leur tour augmenteront les risques et provoqueront tôt ou tard d’autres impacts et d’autres milliers de débris. A mon sens le risque est plutot là.
On sait qu’un simple boulon peut litteralement faire éclater un sat qu’il percute.

Eths25

Qui donne le droit à spaceX de mettre une multitude de satellites en orbite?

Gh0st_D0g

À ton avis ? Franklin et ses amis :turtle:

ebottlaender

La FCC leur donne le droit d’émettre, l’UNOOSA certifie que l’orbite est théoriquement non occupée, et le droit américain leur permet d’envoyer le chiffre transmis aux autorités.

Plusieurs agences demandent une révision et une charte internationale pour assurer la « bonne conduite » des acteurs privés.

Bibifokencalecon

Pour une entreprise américaine (entité sociale), c’est avec la FCC (Federal Communications Commission). C’est le cas de SpaceX (plan approuvé en 2018). Pour la France, ce serait avec le gouvernement français.

Dans la pratique, quelques compagnies privées ne demandent aucune autorisation ou restent très vagues, souvent lorsqu’il s’agit de « micro-satellites » (10 cm) en orbite basse. Agir unilatéralement n’est pas illégale mais une compagnie s’expose aux représailles judiciaires en cas de problème (exemple: une collision, une perte de contrôle, etc.).

Il n’y pas d’instance internationale de régulation. Seulement des comités de discussion pour essayer d’aligner tous les pays ayant un programme spatiale (public ou privé) : une charte de bonne conduite en somme.

Bibifokencalecon

À ma connaissance, l’UNOOSA ne fait qu’un inventaire des satellites enregistrés (actifs ou non, privés ou publiques). Elle s’occupe surtout d’essayer de coordonner les activités des agences spatiales publiques et de mettre en place des protocoles communs.

Son pouvoir est en réalité assez faible (et dépend de ce que les pays membres de l’ONU lui accordent).

ebottlaender

Oui c’est un pouvoir qui dans les faits est surtout consultatif, néanmoins avec l’ITU elle forme le « background » nécessaire pour une bonne pratique avant d’envoyer un satellite. La plupart des pays s’y conforment (parfois un peu en retard), et les constellations actuelles sont discutées sur la base de ce qu’elles transmettent aux autorités comme la FCC, l’ITU et l’UNOOSA.

La question de la responsabilité en orbite sera majeure dans cette décennie. Et pour des raisons évidentes il faudrait s’y mettre assez vite.

Johnny6

J’ai cru lire StarkLink … Remarque ça irait aussi bien non ? :smiley: