La galaxie d'Andromède... barrée par le passage d'un satellite © Caltech Optical Observatories / IPAC
La galaxie d'Andromède... barrée par le passage d'un satellite © Caltech Optical Observatories / IPAC

Une étude menée sur les observations de l'observatoire ZTF (Zwicky Transient Facility) montre qu'un cliché sur cinq capturé à l'aube ou au crépuscule fin 2021 est déjà affecté par la constellation Starlink. À terme, et avec la présence d'autres opérateurs, les équipes scientifiques font face à un défi de taille.

Ils notent cependant que l'impact actuel reste limité.

Les p'tits traits, les p'tits traits, beaucoup de p'tits traits

Pour découvrir les astéroïdes dont l'orbite est proche de la Terre, les observatoires comme le ZTF utilisent des techniques faisant appel à des capteurs très sensibles et des optiques grand-angle. Cela leur permet de couvrir une importante partie du ciel de nuit et de détecter, peut-être, un « point » inconnu qui s'y déplace plus vite qu'une étoile. Comme un astéroïde. Un exercice qui, mécanique orbitale oblige, est plus fructueux quelques heures avant l'aube, ou juste après le crépuscule.

Mais c'est aussi à ces heures-là qu'il est le plus facile de voir des « flares », les reflets du soleil sur les panneaux ou sur la surface des satellites en orbite basse. Le phénomène n'est pas nouveau, une grande partie des amateurs d'observation astronomique connaissent les fameux reflets des satellites Iridium dans les années 2000. Sur les images des télescopes, ils se traduisent par une ligne lumineuse qui traverse l'image. Sauf que nous sommes entrés depuis peu dans l'ère des super et des mégaconstellations qui utilisent ou vont utiliser entre quelques centaines et une dizaine de milliers de satellites.

Les chiffres des déploiements de Starlink sont régulièrement vertigineux © SpaceX
Les chiffres des déploiements de Starlink sont régulièrement vertigineux © SpaceX

L'inflation selon Starlink

La plus connue des superconstellations, sur laquelle se polarisent actuellement les critiques, est celle de SpaceX, Starlink. Elle représente, avec plus de 2 000 unités aujourd'hui, la plus grande population de satellites en orbite.

C'est son impact qu'a voulu mesurer une équipe, qui a observé les relevés de l'observatoire ZTF sur une période étendue de novembre 2019 à septembre 2021. Elle a relevé 5 301 « lignes » attribuées aux satellites Starlink, un nombre qui augmente en flèche, en liaison directe avec le déploiement de la constellation. En effet, le nombre de détections (ou de pollutions) est évalué à 0,5 % des clichés en novembre 2019, à 18 % de ces clichés en août 2021 et à 20 % à la fin de l'année.

Depuis que l'article scientifique a été rédigé, près de 250 satellites supplémentaires ont déjà décollé ! Les conclusions sont très simples : si la constellation atteint les 10 000 unités en orbite, alors chaque cliché d'un télescope comme le ZTF présentera au moins une « ligne » d'un satellite Starlink.

Pour le grand public, voir un "train" Starlink est le seul moment où la majorité de ces satellites sont visibles. Mais pour les grands télescopes, c'est aussi à leur place finale dans la constellation qu'ils posent problème © N.A.

Clichés rayés, clichés fichus ?

L'étude n'est pas là pour jeter la pierre sur Elon Musk ou à ses équipes, mais elle vise à étudier clairement l'impact de la constellation. Par exemple, elle met en lumière les efforts menés pour communiquer avec les scientifiques ou pour réduire le nombre de reflets parasites avec l'installation de revêtements et de pare-soleil. Cela rend effectivement les satellites Starlink « invisibles » au cœur de la nuit (et c'est une bonne nouvelle !), mais ne fait que réduire leur signature sur les clichés près de l'aube et du crépuscule.

D'autre part, il n'est pas juste de dire que ces images sont bonnes à jeter parce qu'il y a une trace d'un satellite Starlink qui la traverse. Cependant, cela reste une nuisance, car il est impossible à l'instant T de savoir ce qu'il y a « derrière » la trace. Sur un ciel normal, bien sûr, il est possible de reconstruire à l'aide de logiciels (mais c'est chronophage) le cliché sans Starlink. Reste que si l'on cherche un signal transitoire qui, justement, passait là, c'est raté.

De fait, les scientifiques expliquent que les traces ont un impact mineur pour l'instant, surtout en comparaison à d'autres aléas, comme, eh bien, les nuages. Mais si cela concerne toutes les images, avec parfois (ou tout le temps) des traces multiples, non seulement l'étude des clichés prendra plus de temps, mais elle pourrait être significativement perturbée. Et plus encore pour d'autres télescopes avec un champ encore plus large que le ZTF, comme le Vera Rubin, en construction au Chili. C'est ennuyeux, d'autant plus lorsque ces télescopes sont utilisés pour la détection d'astéroïdes dont certains pourraient être dangereux.

Un cas "extrême" (mais plus si rare) de traces sur des images en pose longue (attention, celles-ci ne sont pas spécialement attribuées à Starlink) © NSF's National Optical-Infrared Astronomy Research Laboratory / CTIO / AURA / DELVE

Starlink et… beaucoup d'autres

C'est cependant vers ce cas de figure que tend l'actualité. On l'aura compris, Starlink n'est pas la seule entreprise à déployer sa constellation, même si elle est la première. Il y a par exemple plus de 400 satellites OneWeb sur des orbites plus hautes, mais qui perturbent pour leur part d'autres observations… Et beaucoup d'autres opérateurs s'y mettent : Amazon, évidemment, mais aussi O3B et plusieurs concurrents pour le gigantesque marché chinois.

Au rythme actuel, d'ici la fin de la décennie, il y aura peut-être plus de traits que d'étoiles… Cette étude vient s'ajouter à d'autres, parfois plus alarmistes de la part des astronomes, mais aussi à des craintes grandissantes concernant le trafic en orbite.