France : vers une interdiction de vente de véhicules Diesel et essence à horizon 2040 ?

Alexandre Boero
Par Alexandre Boero, Journaliste-reporter, responsable de l'actu.
Publié le 30 avril 2019 à 09h25
Voiture electrique

Si la disparition des véhicules « dits » thermiques passera par une transformation ô combien coûteuse à la fois pour l'État et pour les collectivités locales, un rapport parlementaire soutient qu'elle est envisageable d'ici deux décennies.

Le 2 juillet dernier, l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques fut saisi d'une étude permettant de dégager des scénarios technologiques avec pour but majeur de respecter le plan climat cher à Nicolas Hulot, qui ambitionne un arrêt définitif des ventes de véhicules diesel et essence à horizon 2040, pour viser ensuite une neutralité carbone en 2050. Mené par le sénateur Gérard Longuet et le député Cédric Villani, le rapport a été déposé dans les deux chambres le 14 mars 2019 et fait état de plusieurs grandes recommandations, qui offrent de réels motifs d'espoir d'un transport plus propre.

L'Europe a encore du mal avec l'électrique, la France s'y met

Aujourd'hui et plus que jamais, la mutation du secteur des transports est enclenchée. Elle s'harmonise autour de cinq facteurs principaux que sont la lutte contre le changement climatique, l'amélioration de la qualité de l'air, la réduction de la dépendance énergétique, la diminution de la pollution sonore et la nécessité impérieuse d'intégrer un marché mondial automobile en mutation continue.

Si le chemin à parcourir est encore long, pour ne pas dire colossal, certains chiffres montrent une réelle avancée de la démarche. Si en 2011 les ventes mondiales de véhicules électriques plafonnaient à 47 000 unités, on a franchi la barre des 2 millions de véhicules rien qu'en 2018.

En Chine et aux États-Unis, le marché explose. En Europe, c'est moins évident, même si on note en France une croissance des ventes de 25 % entre 2017 et 2018, et une très forte poussée au début de l'année 2019 (+60 % sur les deux premiers mois, par rapport aux deux premiers mois 2018).

Une explosion bénéfique des investissements

Les consommateurs jouent le jeu et ils ne sont pas les seuls. Pour les constructeurs, le boom du marché électrique est un moyen de faire du profit (beaucoup de profits) à court, moyen et long terme. Il représente ainsi une opportunité de travailler leur image historique de « secteur qui pollue. »

On a pu mesurer plus de 80 milliards d'euros d'annonces d'investissements rien qu'au début de l'année 2018. Début 2019, elles étaient supérieures à 265 milliards d'euros... dont la moitié provenant de Chine, c'est à noter. En France, les promesses d'investissements atteignent tout de même 9 à 10 milliards d'euros.

Trois scénarios sont aujourd'hui dégagés : un Médian, qui se cale sur les attentes des scientifiques en matière de batteries et de piles à combustible ; un Pro-batterie, qui concentre les efforts sur les batteries pour en faire baisser les coûts ; et un Pro-hydrogène, qui fait la part belle aux piles à combustible et aux réservoirs à hydrogène, pour en faire baisser les prix également.

Trois scénarios aux issues positives

Ces trois scénarios ont été calculés en se basant sur une taxe carbone fixée à 100 euros par tonne en 2030, puis 141 euros la tonne en 2040 et sur une part de 46 % de nucléaire et de 50 % en énergie renouvelable en 2030. Sans oublier une augmentation continue souhaitée des prix des véhicules thermiques...

Dans les trois cas, l'étude planche bien pour une disparition totale des véhicules non hybrides en 2040. Dans ces trois scénarios également, on arrive à la conclusion d'une diminution par cinq des émissions de CO2 entre aujourd'hui et 2040. L'objectif de la neutralité carbone pour 2050 pourrait donc être tenu.

Voiture electrique

Anticiper le recyclage des batteries et déployer davantage d'infrastructures

Le Commissariat à l'énergie atomique (CEA) et l'IFP Énergies nouvelles (IFPEN) ont apporté des enseignements et recommandations complémentaires à celles des rapporteurs, qui soutiennent notamment que le biogaz paraît être plus opérationnel « dans le contexte d'une forte baisse des besoins en hydrocarbures pour la mobilité ». Le CEA et l'IFPEN préviennent, comme les élus, de la concurrence des entreprises asiatiques dont la domination place - notamment sur le secteur des batteries - les constructeurs automobiles dans une situation de forte dépendance.

Le recyclage des batteries est une question centrale dans l'étude remise par les rapporteurs. Selon eux, il est impératif de préparer le recyclage et la seconde vie des batteries, mais il faut également définir dès maintenant des critères pointus et exigeants concernant les batteries neuves.

Bousculer la réglementation sur les infrastructures pour démocratiser et banaliser la recharge des véhicules

Alors forcément, tout cela a un coût. Le rapport de l'Office parlementaire l'estime à plusieurs centaines de milliards d'euros, répartis sur une vingtaine d'années, sans oublier la perte de revenu provenant de la TICPE. Pour les seuls coûts de mise en place des infrastructures nécessaires, comme les bornes de recharge et les stations hydrogène, on table entre 31 et 108 milliards d'euros selon les scénarios.

Fin 2018, on recensait en France quelque 240 000 points de charge pour les véhicules électriques, dont 26 000 accessibles au public, 85 000 directement chez les particuliers et plus de 125 000 dans les entreprises. En un an, leur déploiement a progressé d'environ 40 %.

Et le potentiel est réel. Selon le rapport, 65 % des logements du territoire pourraient théoriquement être équipés d'un point de charge. Si aujourd'hui les délais pour obtenir un « droit à la prise » sont longs, les rapporteurs veulent simplifier l'exercice du droit à la prise, « en demandant à toutes les copropriétés de décider des modalités de raccordement sans attendre que la question soit posée par un copropriétaire ». La réponse devrait ainsi être plus rapide. Le délai de réponse est estimé à deux mois par l'étude.

Pour aider les particuliers à recharger directement leur véhicule en entreprise, le rapport préconise de supprimer les charges sociales et impôts sur la recharge faite par un salarié en entreprise.

Maintenir les aides à l'achat et encourager les Français

Enfin, le rapport des députés et sénateurs prône un maintien indispensable des aides à l'achat. Les élus veulent prendre modèle sur la Norvège, qui pratique une politique tarifaire basse des véhicules électriques pour booster - avec succès - les ventes. L'exemple inverse est aussi à souligner : lorsqu'il a diminué les aides à l'achat en 2015, le Danemark a vu les ventes de véhicules électriques plonger.

Pour convaincre les consommateurs de s'emparer d'un véhicule électrique, le rapport propose de mettre en place un label qui leur permettrait de visualiser en un clin d'œil le coût total moyen de possession, d'entretien et d'émissions d'un véhicule tout au long de sa vie. Les potentiels acheteurs pourraient ainsi avoir une preuve concrète de l'apport à long terme d'un investissement dans un véhicule électrique.



Les huit grandes recommandations de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques :

  • Créer un environnement propice au développement de l'industrie et des services pour l'automobile
  • Consolider et compléter les mesures existantes en faveur des véhicules décarbonés
  • Accélérer le développement des infrastructures de recharge électrique et simplifier l'accès des usagers
  • Faciliter l'accès aux données sur les véhicules et la recharge
  • Favoriser le développement du pilotage intelligent des batteries de véhicules électriques
  • Mettre l'entreprise au cœur du développement de la mobilité électrique
  • Soutenir la création d'une industrie européenne des batteries
  • Renforcer la formation, la recherche et l'innovation sur les mobilités décarbonées


Alexandre Boero
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