Marie-Laure SAUTY DE CHALON : Carat, spécialiste de la publicité sur Internet

20 mars 2001 à 00h00
0
Directrice générale de Carat Multimédia, Marie-Laure Sauty de Chalon présente sa société et fait le point sur le développement de la e-publicité

JB - Marie-Laure Sauty de Chalon, bonjour. En quelques mots, pourriez vous présenter votre parcours ?

MLSDC - Bonjour. Je suis Directeur générale adjoint du groupe Carat France et Directeur générale de Carat Multimedia pour l'Europe du Sud. Je m'occupe par ailleurs de Carat Prospective et coordonne nos activités internet en Europe Du Sud.

Je travaille chez Carat depuis 4 ans. Je m'occupe de nombreux clients, dont certains acteurs des nouvelles technologies comme Cegetel, Microsoft, Toshiba ou encore Canon.

Auparavant, j'étais Directeur Général de la régie de France Télévision (1993-1997), j'ai travaillé dans la presse écrite (Nouvel Observateur, l'Expansion). Je suis diplômée de Sciences-Po et j'ai une maîtrise de Droit.

JB - Pouvez vous présenter Carat ?

MLSDC - Carat est la première agence Média-Conseil européenne, spécialisée dans l'achat d'espaces publicitaires, présente dans tous les principaux pays d'Europe. En France, nous détenons 25% du marché publicitaire dont un tiers du marché de la publicité à la télévision. Notre part de marché continue de s'accroître régulièrement grâce à l'arrivée de nouveaux clients comme Carrefour ou Renault.

Dans le domaine Interactif, le marché est plus éclaté mais nous sommes néanmoins la première agence de web planning avec près de 20% du marché.

Notre volume global d'activité représente 25 milliards de francs pour l'année 2000 et nous réalisons environ 300 millions de francs pour les médias interactifs.

Carat Multimédia a été créée en 1995 afin d'étudier ces nouveaux environnements. Cette structure gère plus particulièrement les questions d'optimisation de sites, d'ergonomie et de promotion (@carat) et bien évidemment les problématiques de web planning, d'achat et de tracking pour le compte de nos clients.

JB - Que peut-on dire du marché de la publicité sur Internet ?

MLSDC - Ce marché pèse "officiellement" 1.5 milliards de francs. Mais si l'on retire les échanges marchandises et les négociations entre sites, je l'estime à environ 900 millions de francs soit tout juste 0.5% de l'ensemble du marché publicitaire.

Ce marché traverse actuellement une crise d'identité marquée notamment par la chute du CPM et la méfiance des annonceurs.

JB - Quelle est l'origine de cette crise ?

MLSDC - C'est un véritable mouvement de balancier. Nous avons passé près de 5 ans à promouvoir ce média, depuis 1995, auprès de nos annonceurs. En 2000, nous avons été surpris par la très forte excitation autour du web et aujourd'hui, nous sommes tout aussi surpris par la crise qu'il traverse.

Par exemple, de nombreux journalistes peuvent me demander dans la même phrase si la publicité en ligne a révolutionné mon métier ... et si je "crois" à la publicité sur Internet ! On passe de la montagne magique à la falaise vertigineuse.

De même, il est très frappant de voir que des annonceurs sont prêts à dépenser des dizaines de millions pour une campagne en presse, télévision, radio et affichage et que, dès que nous leur proposons de placer 500.000 francs sur le web, ils me posent la question du modèle économique ! Cette situation est très curieuse, il n'y a pas de réponse rationnelle, juste la peur...

Mais il ne faut pas être alarmiste. Notre volume d'activité augmente de 100% par mois depuis janvier. Le web est un média très efficace pour toucher des cibles comme les 15-24 ans, les CSP++ ou encore les cadres financiers, bien plus que les autres médias. Tout devrait se rationaliser.

Pour la problématique du taux de clic, nous avions anticipé qu'il ne cesserait de baisser. Peu importe que 0.5% des gens cliquent, il faut se concentrer sur les 99.5% restants. Nous développons beaucoup d'études sur la notoriété, l'impact d'image des campagnes.

JB - Peut-on comparer l'efficacité du web par rapport aux autre médias ?

MLSDC - Actuellement, nous sommes en train de travailler sur la mise au point de ces outils. Aujourd'hui, il est assez coûteux de recruter par le web tout simplement parce qu'il n'y a pas assez d'internautes. Par contre, pour certains clients, nous avons pu diviser le coût de recrutement par 5.

Tout va dépendre en fait de la norme qu'on se fixe. Aujourd'hui, certains de mes clients start-up attendent qu'un franc investi en publicité rapporte immédiatement 2 francs. C'est excessif. En télévision, par exemple, c'est déjà une bonne chose quand une campagne permet d'accroître les ventes de 20%. Les annonceurs sont ainsi parfois beaucoup plus exigeants avec le web qu'avec les médias traditionnels.

JB - - Travaillez vous sur de nouveaux outils pour mesurer cette efficacité ?

MLSDC - L'un des problèmes actuels c'est qu'il y a tout simplement trop d'outils et que certains sont insatisfaisants. Il y a une période récente, nous pouvions ainsi avoir des écarts de plus de 300% avec les régies entre nos comptages respectifs ! Désormais, nous militons pour la concentration des outils. Carat utilise par exemple AdKnowledge.

JB - Que pensez vous des nouveaux formats de bannières (gratte-ciel), de l'arrivée de la pub en flash ou en vidéo, de l'affiliation ou encore de formes alternatives de promotion ?

MLSDC - Toutes les études démontrent que le Rich Média est bien plus efficace que la bannière. Par contre, notre seule difficulté est que certains sites ou certains internautes ne les acceptent pas encore, faute des plugin ou des débits suffisants par exemple.

Renault a ainsi mis en place une campagne en streaming avec streampower pour lancer sa VelSatis. Leur campagne est infiniment plus riche qu'une simple bannière. On peut apporter plus de contenu pour l'internaute et bien mieux travailler sur l'image du produit.

Outre le Rich Media, nous travaillons sur les jeux concours avec notre partenaire Click&Win. Les internautes adorent jouer et nous devons même plafonner à 6 jeux par jour. Mais c'est très efficace. Je crois par ailleurs beaucoup au développement du jeu psychologique, sur lesquels nous travaillons actuellement avec notre partenaire PsychoNet.

Enfin, nous étudions de plus en plus la question de l'affiliation, qui était jusqu'à présent un peu déconnectée du marché de la publicité. Pour des petites campagnes, qui ne toucheront pas plus de 10% des internautes, cela peut être une alternative intéressante à la bannière.

JB - Beaucoup de gens anticipent le déclin du PC au profit de nouveaux terminaux mobiles comme les téléphones ou les ordinateurs de poche. Travaillez vous sur des campagnes "mobiles" ?

MLSDC - Nous avons dors et déjà une demande de la part des annonceurs pour ces environnements, sous forme de tests. Les régies ont encore un peu de mal à tarifer de la pub sur le WAP mais nous avons déjà effectué des tests avec Bouygues Telecom ou SFR.

Outre le WAP, nous sommes surtout très attentifs au développement du SMS. Ces mini messages sont très populaires parmi les 15-18 ans et ils disposent de toutes les caractéristiques d'un nouveau média : côté tabou, amusement, interdit, sexe, etc...

Ce sera certainement difficile de trouver le bon format publicitaire pour permettre à une marque de ne pas être lourde et d'apporter de la valeur au "mobinaute". Mais cela devrait être très intéressant pour promouvoir une musique, un jingle ou encore une offre promotionnelle.

JB - Quel est votre sentiment sur l'évolution du secteur de la publicité sur le Web ? Peut-on faire une analogie avec le marché publicitaires des radios libres dans les années 80 ?

MLSDC - La situation est différente de celle des radios libres des années 80. Tout d'abord, la demande des annonceurs est 5 fois supérieure pour le web qu'elle ne l'était pour les radios libres. Aujourd'hui, les annonceurs sont surtout prudents en raisons des problèmes technologiques.

Il était en fait assez facile de passer une campagne prévue pour une radio institutionnelle sur une radio libre, tout comme il est assez simple de passer une publicité sur un nouveau titre dans la presse.

Par contre, sur le web, il faut tout réapprendre. Certaines marques pensent ainsi qu'il est nécessaire de construire son propre site pour promouvoir ses produits. je pense que c'est une erreur et qu'il est préférable de se concentrer sur de gros carrefour d'audience comme les portails.

Ces barrières technologiques contribuent donc à ralentir le marché. Disons qu'on le surestime à 2 ans, mais qu'on le sous estime à 4 ans. Nous pensons que d'ici peu, il pèsera très probablement entre 3 et 5% du volume global de la publicité, contre 0.5% aujourd'hui.

JB - Qui seront les grands gagnants ? Les régies, les portails généralistes, les portails verticaux ?

MLSDC - Les régies doivent se réorganiser massivement. Il en existe aujourd'hui près de 120, c'est déraisonnable. Aujourd'hui, aucune régie n'est incontournable, aucune de dépasse les 10% de part de marché. Tant qu'il n'existe pas d'initiatives fédérées, le marché aura du mal à se stabiliser.

Les grands gagnants seront certainement les "DotCorps", même si elles traversent des difficultés actuellement.

JB - Madame Sauty de Chalon, je vous remercie.
Vous êtes un utilisateur de Google Actualités ou de WhatsApp ? Suivez-nous pour ne rien rater de l'actu tech !
google-news

A découvrir en vidéo

Rejoignez la communauté Clubic S'inscrire

Rejoignez la communauté des passionnés de nouvelles technologies. Venez partager votre passion et débattre de l’actualité avec nos membres qui s’entraident et partagent leur expertise quotidiennement.

S'inscrire

Commentaires

Haut de page

Sur le même sujet