Martin PERONNET : "Le i-mode est un véritable média mobile"
Publié le 09 octobre 2002 à 00h00
JB - Martin Péronnet, bonjour. En quelques mots, pourriez vous présenter votre parcours ?
MP - Diplômé du Master spécialisé en Gestion Marketing de l'ESSEC (89) et de l'Institut d'Etudes Politiques de Paris, je suis entré chez Hachette en 1991 (Groupe Lagardère) où j'ai occupé différentes fonctions marketing et éditoriales pour le multimédia. J'ai été Directeur Marketing pour Hachette Multimédia puis Directeur Général de Plurimédia Spectacles avant de rejoindre Bouygues Telecom en Septembre 2002 au titre de Directeur des contenus i-mode.
JB - Bouygues Telecom lance i-mode le 15 novembre. Combien d'éditeurs ont déjà répondu à l'appel ? Quelle est la proportion entre marchands et médias ?
MP - Plusieurs dizaines d'éditeurs nous ont fait part de leur intérêt pour i-mode mais nous ne proposerons leurs services dès qu'ils seront techniquement et qualitativement irréprochables. Au départ, nous aurons certainement une majorité de sites médias mais nous proposerons, dès le lancement, des sites marchands.
JB - Au japon, il existe une très nette majorité de sites i-mode "non officiels". Allez vous chercher à limiter ce phénomène en France en acceptant un maximum de services ou aurez vous une politique sélective en la matière ?
MP - Je préfère parler de sites "indépendants" plutôt que de sites non-officiels. Au Japon, il existe en effet 3000 sites officiels contre environ 56 000 sites indépendants recensés par les moteurs de recherche et probablement plusieurs centaines de milliers si on y inclue les pages perso. L'existence des sites i-mode indépendants démontre que ce nouveau média permet l'usage de nouvelles applications, en particulier dans le domaine BtoB, qui n'ont pas pour vocation à être intégrées à notre portail grand public. i-mode peut ainsi être utilisé pour un intranet, pour une force de vente nomade, etc... Bouygues Telecom publiera prochainement sur son site web les spécifications nécessaires à la création de sites i-mode indépendants.
JB - Le reversement de 86% prévu pour les éditeurs est plus faible qu'au Japon (91%). Mais avec un coût du trafic data (GPRS) plus compétitif en France, peut-on dire que les dépenses des abonnés i-mode seront plus équilibrées entre éditeurs et opérateur ?
MP - Nous avons retenu le chiffre de 86% car, en Europe, les opérateurs prennent en charge le recouvrement. Nous avons, comme au Japon, le même taux réel de reversement aux éditeurs. Concernant la structure de tarification i-mode, nous vous donnerons plus d'éléments au moment du lancement.
JB - i-mode permet la gestion d'abonnements mensuels de quelques euros. Disposez vous d'outils pour proposer le paiement à l'acte, le paiement à la durée ou au volume ?
MP - i-mode n'est pas une question technologique mais avant tout une question marketing. Nous proposons un abonnement et l'éditeur choisit, par la suite son modèle de revenu. Mais je tiens à préciser que l'abonnement est très rentable pour l'éditeur. Ces frais marketing correspondent aux coûts d'acquisition du client : les revenus générés seront ainsi récurrents à la différence de la télématique où les frais marketing ne permettent d'acquérir qu'un "acte". Le talent des éditeurs doit s'exprimer dans la conception de services et de modes promotionnels plus efficaces. Nous n'adopterons en tout cas jamais le paiement à la durée, qui est un mode de facturation antinomique avec le succès du multimédia mobile.
JB - Fort des expériences japonaises, allemandes ou hollandaises, comment se répartissent les usages des abonnés de i-mode ? Retrouve t'on la règle des 50% messagerie, 25% personnalisation et 25%informations et divertissement observée par SFR sur le WAP en France ?
MP - Pas du tout ! Ces statistiques s'appuient sur des taux d'utilisation très bas et sont plutôt significatives de la faillite des portails WAP qui n'arrivent pas à s'imposer comme médias. Avec i-mode, la messagerie électronique ne dépasse pas 20% des usages. La personnalisation (logos et sonneries) pèse environ 30% du total. L'information et la météo représentent environ 25% des usages. Le dernier quart concerne des services pratiques comme les annuaires, les cartes, les sorties, les jeux et l'horoscope. Le divertissement prendra de plus en plus d'importance par la suite.
JB - Allez vous proposer des "bouquets" de services i-mode ?
MP - Chaque éditeur restera maître de sa politique marketing et des choses se feront dans ce domaine. Mais nous veillons pour le moment à ne pas être trop compliqués pour le lancement du service.
JB - Quels sont vos objectifs pour le i-mode (revenu par abonné, nombre d'abonnés) ?
MP - Seul Gilles Pélisson, notre Directeur général, pourrait vous fournir ces chiffres. Mais comme je vous l'ai indiqué, nous nous inscrivons dans la durée et le volume. Nous cherchons à satisfaire nos clients en proposant des services de qualité à un coût raisonnable. Nous comptons beaucoup sur cette satisfaction pour encourager le bouche à oreille positif autour d'i-mode.
JB - Le lancement de l'i-mode va t'il compromettre votre stratégie WAP/GPRS ? Allez vous fermer le portail 6eSens ?
MP - Je ne peux pas vous répondre pour 6eSens. Par contre, je travaille activement pour faire du i-mode un véritable succès.
JB - NTT DoCoMo a inventé le i-mode en s'inspirant du Minitel français. Comment expliquez vous que les opérateurs GSM français aient été incapables, avec le WAP par exemple, de capitaliser sur cette expérience?
MP - Tous les opérateurs cellulaires, européens, asiatiques ou américains ont été confrontés à la même question initiale : Comment lancer le multimédia mobile et ainsi augmenter leurs revenus data ?En Europe, les opérateurs ont pensé qu'ils pouvaient proposer eux même ces services en lançant des portails très complets mais qui n'ont pas toujours rencontré le succès. Au Japon, chez NTT DoCoMo, le débat a eu lieu et c'est finalement une toute petite équipe, qui a réussi à imposer son idée d'un kiosque ouvert aux éditeurs et à rencontrer un immense succès puisque le i-mode compte aujourd'hui 35 millions de clients. DoCoMo a également été très vigilant sur la qualité de service et a intégré i-mode au coeur des terminaux des équipementiers afin d'imposer les mêmes principes de navigation. Je recommande d'ailleurs la lecture de "The birth of i-mode"de Mari MATSUGANA sur la genèse de ce service.
JB - Souhaitez vous ajouter quelque chose ?
MP - Je tiens à souhaiter bon courage aux éditeurs car le lancement dans quelques semaines de l'i-mode représente beaucoup de travail. Nous avons été sincèrement impressionnés par la qualité des équipes et des sites avec lesquels nous travaillons pour ce lancement. Leur prise en main du i-mode est très rapide et démontre que la France dispose d'un véritable savoir-faire dans l'édition de contenus interactifs. J'espère que cet esprit de partenariat se poursuivra !
JB - Monsieur PERONNET, je vous remercie.
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