La Gestion stratégique de l'information : Facteur clé de la performance des entreprises

26 avril 2000 à 00h00
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Durant quatre décennies, la confrontation géopolitique entre les deux puissances hégémoniques américaine et soviétique a déterminé l'organisation bipolaire du monde. Cependant, les bouleversements intervenus au début des années 1990 ont eu pour conséquen

Ces profondes mutations dans l'organisation de l'échiquier mondial ont eu pour conséquence d'opérer un déplacement des conflits du plan politique et au plan économique. Autrement dit, à la compétition idéologique entre l'Est et l'Ouest succède aujourd'hui une compétition économique multipolaire (guerre économique). Dans la problématique qui se pose désormais, "savoir pour prévoir, prévoir pour agir", la variable clé sur laquelle repose toute stratégie gagnante dans un processus de conduite pro-active du changement réside dans la maîtrise des flux d'information. C'est dans cette vision dynamique qui lie étroitement l'information à l'action (on parle d'inform-action) que se situe le champ opératoire de l'Intelligence Economique.

La réorganisation de l'échiquier mondial : passage d'un monde bipolaire à un monde multipolaire

Durant quatre décennies, la confrontation géopolitique entre les deux puissances hégémoniques américaine et soviétique a déterminé l'organisation bipolaire du monde. Cette logique duale s'est ainsi imposée aux relations Nord-Sud devenues support, par territoire interposé, de l'affrontement idéologique et économique entre le système capitaliste et le bloc communiste.

Les bouleversements intervenus au début des années 1990 ont eu pour conséquence la totale remise en cause de l'ordre instauré naguère par les accords de Yalta. La fin de la Guerre froide, marquée par l'éclatement du bloc communiste, s'est caractérisé par la disparition du "modèle socialiste" du devant de la scène économique. A l'inverse, le monde contemporain a vu émerger de nouveaux acteurs économiques venus concurrencer les Etats-Unis. L'Asie, avec la montée en puissance de l'économie japonaise puis la naissance des Dragons est ainsi devenue une sphère économique incontournable du commerce international. En Europe, alors que l'Allemagne s'était imposée parmi les toutes premières puissances industrielles du globe et que les années 1970 avaient consacré la bourse de Londres comme l'une des premières places financières (notamment concernant les opérations de change), se poursuit la dynamique d'intégration européenne amorcée par le succès économique de la CECA.

La logique qui prévaut désormais est celle d'une organisation géo-économique multipolaire dont la dominante essentielle est la complexité. A la problématique Est-Ouest, rendue obsolète par les mutations de l'ordre économique mondial, succède un univers découpé en strates concurrentielles imbriquées et perméables sur lesquelles s'affrontent les acteurs économiques.

a) Les rapports de force s'exercent d'abord à un niveau mondial. L'approche productive et stratégique développée par les multinationales se veut en effet de plus en plus globale et transfrontières. De là le concept de "l'entreprise globale" qu'illustrent de grandes multinationales telles que Coca-Cola et autres Mc Donald. Il est à noter que les progrès dans le transport des données physiques (notamment grâce au développement de l'industrie aéronautique permettant d'atteindre des performances logistiques inégalées) mais aussi et surtout dans le transport des données immatérielles (réseau Internet, téléphonie cellulaire et satellitaire) amenuisent de façon considérable les contraintes d'espace et de temps participant ainsi a l'amplification du phénomène de globalisation.

b) L'émergence de zones économiques régionales institue ensuite la Triade comme second champ d'action du nouvel échiquier multipolaire. Les conflits commerciaux entre l'Union Européenne et les Etats-Unis au sein de l'OMC ou ceux opposant l'Alena (zone de libre échange nord-américaine) à l'Asie-Pacifique offrent quelques illustrations démonstratives de cette réalité.

c) Les Etats-nation constituent en deçà une autre sphère de compétition économique. Malgré la mondialisation des échanges (force centripète), les dynamiques nationales constituent une force centrifuge à ne surtout pas négliger. En effet les relations de coopération-compétition (la coopétition) ne sont pas le seul fait des entreprises mais sont aussi de mise s'agissant des Etats. Dans des secteurs tels que l'armement, l'aéronautique ou l'énergie la dimension "stratégie nationale" est particulièrement visible.

d) Enfin, les réalités régionales, en tant que nouveaux pôles de décision économique (notamment en Europe), constituent la quatrième strate concurrentielle de l'échiquier mondial. A la fois sensibles aux évolutions conjoncturelles internationales mais aussi liées aux facteurs économiques du développement territorial, les régions constituent le point de rencontre entre la réalité du global et celle du local. Ce phénomène de glocalisation, bien connu des PME-PMI ouvertes à l'international mais également acteurs du développement local, trouve également une illustration dans l'expression imagée de "village global".

Le déplacement des conflits du plan politique et idéologique au plan économique

Ces profondes mutations dans l'organisation de l'échiquier mondial ont eu pour conséquence d'opérer un déplacement des conflits du plan politique et au plan économique. Autrement dit, à la compétition idéologique entre l'Est et l'Ouest succède aujourd'hui une compétition économique multipolaire.

La "guerre économique" que se livrent les acteurs opère cependant un renversement de valeurs dans la notion même de conflit. Comme le résume le Général Jean Pichot-Duclos, ancien directeur de l'Ecole interarmées, « au monde bipolaire scindé entre "amis" et "ennemis", créant une menace militaire, succède un environnement flou, instable, globalement concurrentiel (guerre économique) et hypermédiatisé (guerre de l'information), recelant des risques multiformes et imprévisibles ». Mais contrairement aux conflits militaires, comme le remarque C. Harbulot, les antagonismes économiques ne connaissent pas de ligne de démarcation entre le temps de paix et le temps de guerre. Les entreprises, à défaut de Traités, sont condamnées, selon les lois de l'économie de marché, à être dans une situation de perpétuelle concurrence. Cette situation de "ni guerre, ni paix" (C. Harbulot, in La machine de guerre économique, Paris, Economica) est devenue la clé des échanges du monde industriel.

Ainsi, notons que pour autant que soit pertinente l'analogie si souvent établie entre guerre conventionnelle et guerre économique, celle-ci ne saurait se résumer à une simple transposition de cette notion du domaine politique au domaine économique. Emprunter ce raccourci qui opère une dichotomie efficace (du point de vue du discours) mais témoignant d'une vision simpliste de la réalité relève tout d'abord d'une méconnaissance historique des phénomènes de guerres dites "conventionnelles" qui se sont toujours révélées étroitement liées à la variable économique. De plus, ce positionnement conduit à mésestimer la complexité qui caractérise la notion même de conflit économique (telle que la décrit Christian Harbulot) dont l'une des manifestations la plus saillante est la coopétition.

L'Intelligence Economique au service de la performance globale des entreprises

Dans ce contexte d'intensification de la concurrence, dans lequel la globalisation bouleverse les règles économiques qui prévalaient naguère, dans lequel la révolution des technologies de l'information et de la communication (NTIC) accélère le rythme des événements et impose de nouvelles contraintes, la maîtrise de stratégies d'entreprise devient de plus en plus difficile. Dans c'est environnement économique instable, complexe et flou il devient alors essentiel de pouvoir prendre prise sur les événements, de ne pas subir le changement et d'élargir tant que possible son champ de vision afin de pouvoir détecter les menaces et les opportunités à venir : "celui dont l'esprit ne voit pas loin, verra les ennuis de près". Dans la problématique qui se pose désormais, "savoir pour prévoir, prévoir pour agir", la variable clé sur laquelle repose toute stratégie gagnante dans un processus de conduite pro-active du changement réside dans la maîtrise des flux d'information. C'est dans cette vision dynamique qui lie étroitement l'information à l'action (on parle d'informaction) que se situe le champ opératoire de l'Intelligence Economique.

Tel que le précise le rapport du groupe "intelligence économique et stratégie des entreprises", « l'intelligence économique peut être définie comme l'ensemble des actions coordonnées de recherche, de traitement et de distribution en vue de son exploitation, de l'information utile aux acteurs économiques. Ces diverses actions sont menées légalement avec toutes les garanties de protection nécessaires à la préservation du patrimoine de l'entreprise, dans les meilleures conditions de qualité, de délais et de coût ». Et d'ajouter, que « la notion d'intelligence économique implique le dépassement des actions partielles désignées par les vocables de documentation, de veille (scientifique et technologique, concurrentielle, financière, juridique et réglementaire...), de protection du patrimoine concurrentiel (stratégie d'influence des Etats- nation, rôle des cabinets de consultants étrangers, opérations d'information et de désinformation...). Ce dépassement résulte de l'intention stratégique et tactique, qui doit présider au pilotage des actions partielles et au succès des actions concertées, ainsi que de l'interaction entre tous les niveaux de l'activité, auxquels s'exerce la fonction d'intelligence économique : depuis la base (interne à l'entreprise) en passant par des niveaux intermédiaires (interprofessionnels, locaux) jusqu'aux niveaux nationaux (stratégies concertées entre les différents centres de décision), transnationaux (groupes multinationaux) ou internationaux (stratégies d'influence des Etats-nations) » (in, CGP, Intelligence Economique et stratégie des entreprises, Rapport du groupe présidé par H. Martre, Paris, La documentation française).

De ce point de vue, il apparaît clairement que l'intelligence économique se présente avant tout comme une démarche collective à portée opérationnelle, orientée vers la recherche stratégique d'avantages concurrentiels. Mais plus qu'une pratique ou qu'un simple mode de pensée, l'IE se réclame également comme concept à part entière, concept dont les fondements théoriques restent encore à construire et à préciser.

Patrice NORDEY pnordeynomie.fr
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