Jean Marie BEZARD : Plénitudes®, Société de Conseil aux entreprises

19 mars 2000 à 00h00
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Jean-Marie Bézard est Directeur de Plénitudes® ' Prospective & Management, société de conseil spécialisée dans l'accompagnement du changement dans lesentreprises. Conseiller de synthèse, il accompagne les entreprises dans leur démarche de prospective stra

PN - Monsieur Jean-Marie BEZARD, bonjour. Avant toutes choses, pouvez-vous nous présenter en quelques mots la société à laquelle vous appartenez ?

JMB - Plénitudes®Prospective & Management est une société de conseilspécialisée dans l'accompagnement des conduites de changementqui a été fondée sur l'intuition et la conviction qu'il étaitextrêmement important d'avoir, dans le domaine des conduites dechangement, la possibilité de faire appel aux concepts dessciences humaines. Or, les chefs d'entreprise étaient habituésà passer des contrats avec les universités, l'ANVAR, deslaboratoires de recherche dans le domaine des sciences dites"dures". Dans celui des sciences sociales, ellesn'avaient pas du tout cette habitude là. Nous nous sommes ditsque c'était peut être parce qu'il n'y avait pas de traductionentre le monde des sciences humaines et le monde des entreprises.L'intuition de Plénitudes a été, et est de faire ce type detraduction. Pour cela, les membres de Plénitudes ont tousbeaucoup de pratique du terrain mais également des parcoursuniversitaires assez poussés.

Notre société est spécialisée dans trois domaines :
Les études d'ordre sociologique et culturel pour bien cerner les évolutions sociales et culturelles afin de mieux comprendre les comportements des consommateurs ; Un département management ayant pour rôle l'accompagnement des évolutions au sein des entreprises ; comme par exemple l’accompagnement des acteurs des services publics dans un univers concurrentiel. Un département d'études stratégiques & prospectives, principalement dans le domaine des services et touchant beaucoup les problématiques de l'innovation, dans des domaines clés pour notre devenir, comme par exemple la santé (produits, services et organisation du système de santé).

Nous fonctionnons en réseau avecdes laboratoires universitaires, et avec des entreprises tellesque la Société Internationale des Conseillers de Synthèse(SICS - www.sics.fr), CENECO (sociétéspécialisée dans lacommunication économique au sein de l’entreprise - ), Intelmark (société spécialisée dansl'aide à la décision - www.intelmark.fr) et PCV qui est une société quidéveloppe les capacités des entreprises à communiquer (www.pcv.fr).

PN - Vous avezdécidé d'entamer depuis peu une action de capitalisation desconnaissances. Quelles sont les raisons de ce choix ?

JMB - En premier lieu, jedirais que j'ai toujours été frappé par la déperdition desconnaissances. On sent dans de nombreuses entreprises unerichesse de savoir chez les opérateurs, les techniciens, lescadres, savoir qui n'est pas du tout utilisé. C'est une chosequi m'a toujours profondément révolté.

En second lieu, quand nous menonsdes interventions de réflexion prospective ou de prospectivestratégique pour des clients, nous sommes toujours conduits àfaire un travail de rétrospective sur le passé c'est-à-diresur la mémoire de l'entreprise pour en tirer des lignes de forcepar rapport aux questions qui se posent aujourd’hui à cetteentreprise. Ceci est extrêmement important.

Enfin, pour ce qui nous concerne,cela fait une dizaine d'années que nous sommes à la recherched'une aide à la formalisation de nos modes opératoires et denos savoir-faire. Nous y avons été incités à la fois par nospartenaires et par les membres de l'équipe. Ajoutons que lamoyenne d'âge chez Plénitudes se situe autour de lacinquantaine. Si l'on veut donc avoir une pérennité, il fautpouvoir transmettre en formant de jeunes consultants.

Ceci est donc vital car formalisernous permet d'alléger notre charge de travail, de sécuriser nosinterventions et d'affecter l'énergie mise dans la réinventionperpétuelle à une qualité plus grande dans nos interventions.L'objectif pour nous est clairement un accroissement de notreperformance par l'industrialisation de nos processus.

De plus, nous avons fait le choixde ne pas faire de certification de type ISO 9000 comme nousl'avions pensé à un moment donné. Nous n'étions passatisfaits, pour l'avoir vu dans d'autres entreprises, de cettedémarche. Nous avions le sentiment que cela ne rendait pascompte, ni en interne ni en externe, de la réalité de ce quiétait effectivement produit.

C'est pour toutes ces raisons àla fois que nous nous sommes tournés vers ce travail decapitalisation avec cette volonté de transmission et deformation de jeunes collaborateurs au sein et hors dePlénitudes.

PN - Aviez-vous faitauparavant d'autres tentatives de capitalisation desconnaissances au sein de Plénitudes ?

JMB - Tout à fait. En fait,nous travaillons depuis longtemps avec un sociologue qui nousaide régulièrement sur nos travaux en supervisant nos étudeset qui depuis longtemps également pousse pour que nousformalisions davantage les articulations entre les conceptsauxquels nous nous référons, nos procédures, nos savoir-faireimplicites, etc… L'idée était donc en gestation depuis unmoment.

PN - Il existe àl'heure actuelle d'autres méthodologies permettant de modéliserles connaissances et savoir-faire. Pourquoi avoir choisi MKSM enparticulier ?

JMB - C'est clair que nousn'avons pas fait une étude exhaustive du marché ! Mais nousavons délibérément écarté les simples mises en forme deconnaissances que proposent certains outils logiciels. Je netenais donc pas à travailler avec quelqu'un qui s'occupeuniquement des tuyaux mais de leur contenu et qui doncs'attaquerait au fond, à la structuration des connaissances.C'est vrai que la rencontre avec Jean-Louis ERMINE m'a rassuréà cet égard. Car il s'intéresse véritablement à laproblématique de transmission et de structuration desconnaissances. En cela je n'oppose pas MKSM à REX, KADS ou àl'Approche historique, laquelle est intégrée depuis longtempsdans notre démarche, car pour moi ces méthodologies sonttotalement complémentaires. De mon point de vue, les élémentsqui rapprochent ces différentes méthodes sont beaucoup plusimportants que ceux qui les éloignent.

PN - Pouvez-vous nousexposer dans les grandes lignes, les étapes que vous avezsuivies pour mettre en œuvre MKSM ?

JMB - L'ensemble du projet,jusqu'à sa finalisation, a été assez rapide puisqu'il n'aduré que six mois. Jean-Louis Ermine a interviewé deux expertsde l'entreprise, et nous avons en interne fait relire etapprécier le rendu par les autres collaborateurs ainsi que pardes clients. Nous sommes passés par toutes les étapes demodélisation préconisées dans MKSM : le modèle deréférence, le modèle du domaine, le modèle d'activité, lemodèle des concepts et le modèle des tâches.

Première étape, nousavons commencé par une réunion de cadrage. Cette premièreétape a été très importante car elle nous a permis dedéterminer ce que nous allions capitaliser. Capitaliser tout lesavoir de Plénitudes n'avait strictement aucun sens. Nous noussommes demandés ce qui finalement était le "savoircritique" chez nous. Nous sommes tombés d'accord sur lefait que ce savoir critique était l'accompagnement desconduites de changement . C'est notre spécialité, notresavoir-faire…

Deuxième étape, ladéfinition des processus élémentaires de conduite duchangement. En d'autres termes : Quels sont les processuspsychosociologiques à prendre en compte dans la conduite duchangement ? Quels sont les processus qu'il faut soit faciliter,soit inhiber ? Nous avons ainsi discerné neuf élémentsfondamentaux constitutifs de ce processus de changement.

Troisième étape, nousavons décrit les domaines d'activités. La question était :lorsque l'on mène une démarche d'accompagnement de conduite duchangement, par quelles étapes passe-t-on ? Nous avons donc faitune mise à plat de ce processus (en utilisant l'analysefonctionnelle) depuis l'analyse de la demande du client jusqu'ausuivi et à l'évaluation du plan d'action.

Quatrième étape,l'élaboration du modèle des concepts. Nous avons fait une miseà plat des concepts que nous utilisions. La question était desavoir quels étaient les facteurs humains à prendre en comptedans une conduite du changement, en distinguant bien ce qui estde l'ordre des facteurs psychiques, sociologiques, de groupe,etc. Soulignons qu'il n'existe pas, à ma connaissance, de livresynthétisant de manière aussi structurée les différentsfacteurs de changement, il a été donc très précieux pour nousde réaliser ce travail de synthèse spécifique.

Cinquième étape, lemodèle des tâches. Nous n'avons pas essayé d'être exhaustifmais plutôt de focaliser notre travail sur le repérage etl'explicitation des tâches qui s'avèrent cruciales dansl'accompagnement des conduites de changement, et sur lesquellesil nous semblait important de bien capitaliser pour former ettransmettre à de jeunes collaborateurs la spécificité de notreapproche.

PN - Avez-vousutilisé un outillage technologique spécifique ?

JMB - Le seul outillagespécifique a été l'entretien ! Nous n'avons eu aucun besoind'outillage logiciel spécifique. Nous avons seulement utiliséVisio© (pour les représentations graphiques) et lesoutils de Bureautique les plus courants.

Ensuite, nous faisons appel à deslogiciels spécifiques. Mais seulement après l’étape demodélisation. Ainsi, il faut bien modéliser les savoirs avantde recourir à des outils d'aide à la décision permettant laconstruction de scénarios. Arrivé à ce stade, il fauteffectivement des outils s'appuyant sur des éléments de logiquefloue, des éléments statistiques et pourquoi pas sur d’autresmodèles de référence tels les réseaux bayésiens. Mais làencore, pour nous, les outils sont seconds par rapport à l’objet.Notre position est clairement qu’il faut des outils, mais qu’ilssoient à leur juste place. Sinon on constate l’ambiguïtéactuelle sur des offres logicielles qui sont rebaptiséesKnowledge Management, sans travail sur le statut de laconnaissance.

PN - Le Livre deConnaissances que vous avez réalisé est donc sous format papier…

Il est effectivement sous formatpapier pour l'instant. Mais il va être mis prochainement surCD-ROM. C'est le type de diffusion que nous avons choisi en tantque support de formation pour les consultants. Ceci est lié àun besoin interne mais aussi à une commande extérieure. Nous nesouhaitons pas pour l'instant le mettre sur l'intranet tel quelcar l'acquisition de connaissances à partir de ce document doitse faire avec un minimum d'accompagnement.

PN - Quelles sont lesprincipales difficultés que vous avez rencontrées ?

JMB - Pour nous, lesdifficultés ont été des difficultés de plan de charge.C'est-à-dire qu'il a fallu se rendre suffisamment disponiblepour les interviews et les réunions, tout en faisant face ànotre activité quotidienne.

Mais en fait, ces difficultés ontété largement dépassées par le bonheur que nous avons eu àréaliser ce travail. Il a été très ludique pour nous au sensoù nous avons vu une " forme " se révéler,l'informel se formaliser. L’effet de ce travail est un effetde révélation au sens photographique du terme. De plus, ladémarche a été très rythmée, puisqu'elle n'a duré que sixmois. Notre première rencontre (ndlr : avec J-L. Ermine) a eulieu le 10 novembre 1998 et la remise du Livre de Connaissancesversion 1.1, le 28 juin 1999.

PN - Pourrait-ondésigner le travail effectué par Jean-Louis Ermine comme celuid'un "accoucheur de connaissance" ?

JMB - Tout à fait. De cepoint de vue là, Jean-Louis Ermine est une très bonne sagefemme ! (rires)

PN - Commentallez-vous gérer l'actualisation des savoirs et savoir-faire quiont été modélisés ?

JMB - En préalable, jevoudrais dire que nous nous sommes posés, à la fin du travail,la question du "statut" des connaissances que nousavions ainsi capitalisées. Une fois formalisés les différentspoints de vue de connaissance (modèle des domaines, desactivités, des concepts et des tâches), le Livre obtenuconstituait-il une connaissance "intégrée" ?

Pour nous, cela produit de laconnaissance dans la mesure où nous avons le sentiment d'avoirune reconstruction de la représentation de nos savoirs. Celan'épuise pas la totalité des effets du savoir que nousproduisons (à distinguer du discours sur le savoir), maisle fait d'aborder la question de la conduite du changement sousquatre angles différents, nous garantit au minima d'avoir uncorpus de savoir qui, malgré tout, doit ressembler au savoir quenous produisons. C'est en tout cas l'hypothèse que nous avonsposée. Ce qui est intéressant est que l'on arrive à unearticulation de ces différents points de vue.

L'actualisation des connaissancesa été prise en compte dans notre projet de capitalisation. Enfait, elle se faisait déjà mais de manière moinssystématique. A présent, nous avons une base beaucoup plusstructurée pour faire ce travail de manière plus régulière(environ tous les ans).

PN - Au final, aprèsla mise en place de ce projet de gestion des connaissancesqu'attendez-vous en termes de retour sur investissement ?

JMB - On peut distinguer unretour sur investissement interne et externe.

En termes de retour surinvestissement interne nous attendons :
Une meilleure productivité ; Une meilleure lisibilité de nos interventions par nos clients ; Une meilleure sécurisation de nos clients car notre démarche est opposable ; Le moyen donné à nos clients de faciliter leur choix : nous n'avons pas en effet la prétention d'être "bons" partout et pour toute problématique. La lisibilité de notre offre est donc meilleure.

En termes de retour surinvestissement externe c'est :
L'introduction de MKSM dans notre pratique de consulting. A coté d'outils que nous avions déjà (analyse historique, retour d'expérience, études de cas…) nous intégrons dorénavant une partie de la méthodologie MKSM dans nos interventions. La formation des consultants ; Le développement d'interventions en cours.

Prenons quelques exemples.

A l'heure actuelle il y a unedouble problématique liée à la démographie professionnelle :le stress, la fatigue au travail et le vieillissement desgénérations. Dans certains métiers, des cohortes entièresvont partir à la retraite dans cinq ou six ans. Laproblématique de la transmission des savoirs va donc devenircruciale. Nous partons aussi de l'hypothèse que s'il y a stresset fatigue, c'est peut être aussi parce que des savoirs ne sontpas reconnus.
Autre développementd'intervention en cours : le management de l'innovation. Nousnous apercevons qu'il y a beaucoup de demandes sur les outils del'innovation et également sur leur articulation avec la chaînede production de l'entreprise. Il nous semble que MKSM doit êtreplacée dans l'amont de telles démarches. Pour moi, unedémarche d'innovation est intéressante si elle n’oubliepas ce travail fondamental de capitalisation.
Entretien réaliséen Octobre 1999 par Patrice NORDEY
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