Christian HARBULOT de l’EGE - Ecole de guerre économique

09 juillet 2001 à 00h00
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Une certaine vision de l'intelligence économique et de la guerre de l'information, par Christian HARBULOT responsable de l'EGE du groupe ESLSCA.

AB - Monsieur HARBULOT bonjour. Pouvez-vous me présenter votre parcours et votre établissement l'EGE (Ecole de guerre économique) ?

CH - Ma formation est orientée sciences humaines : IEP de Paris, licence d'histoire et DEA d'analyse comparée des systèmes politiques.

Je travaille depuis le milieu des années 1980 sur la problématique de l'information dans les rapports de force économiques.

A ce titre, j'ai initié la démarche d'intelligence économique avec Philippe BAUMARD dès 1992 en convaincant Jean-Louis LEVET d'être notre intermédiaire pour lancer un groupe de travail sur ce thème au Commissariat Général du Plan.

Le résultat est la publication du rapport «Intelligence économique et stratégie des entreprises» en 1994.

Depuis cette date, je me suis spécialisé sur la gestion offensive des sources ouvertes et son application opérationnelle dans le monde des entreprises. La création en 1997 de l'Ecole de guerre économique département de l'ESLSCA, en est la conséquence directe.

AB - Quels sont les objectifs de l'EGE en matière de formation ?

CH - Il n'existait pas en Europe d'enseignement de troisième cycle sur les nouveaux métiers de l'information répondant au durcissement de la compétition mondiale.

Or, les entreprises ont besoin aujourd'hui de jeunes diplômés disposant d'une double compétence, le savoir-faire humain en matière d'intelligence économique et la maîtrise des outils sur Internet.

Notre spécialité à l'EGE est de préparer les futurs diplômés à la vie pratique de l'entreprise dans le cadre d'affrontements concurrentiels complexes.

L'actualité est riche en évènements. Le rachat manqué de Lucent par Alcatel, la déstabilisation de Danone, les pièges tendus aux entreprises sur la très délicate question des commissions, l'affaire Bergasol, l'affaire Belvédère ne sont que les pièces émergées de l'iceberg.

AB - A qui s'adressent les programmes de l'Ecole ?

CH - Aussi bien à des BAC+4 qu'à des cadres, des consultants ou des fonctionnaires en reconversion. Nous prenons également des candidats qui ont une pratique confirmée et qui manifestent une passion pour ces nouveaux métiers.

A ce titre, nous reprenons à notre compte la tradition américaine qui consiste à donner une chance à des atypiques qui se révèlent ensuite être de redoutables professionnels de l'information. C'est l'avantage d'être dans une structure privée !

AB - Certes. Quelle est la ligne directrice choisie par l'Ecole depuis sa création ?

CH - Nous voulons créer à moyen-long terme une véritable école qui comporte plusieurs années d'enseignement et qui ait une vocation européenne. Des contacts sont pris depuis un an pour faire aboutir ce projet.

Nous lançons dès septembre prochain un laboratoire de recherche privé (LAREGE), associé à un laboratoire public, le LABCIS de Poitiers. Il s'agit d'une première car seules les écoles d'ingénieurs bénéficient pour l'instant de cette liberté d'entreprendre. Le LAREGE a pour objectif de capitaliser la connaissance qui est produite dans notre petite structure (23 élèves par an en moyenne).

Plusieurs publications et études ont déjà été réalisées ici depuis 4 ans. Je pense en particulier au numéro spécial de la revue Panoramiques «L'information, c'est la guerre», à l'ouvrage de l'amiral (cr) LABOUERIE «De l'action» paru chez Economica, à l'ouvrage de Didier LUCAS et Alain TIFFREAU «Guerre économique et information, les stratégies de subversion» paru chez Ellipses en 2001.

Leur valeur a été reconnue sur le marché et c'est ce potentiel en R/D du réseau EGE qui nous a incité à passer à la vitesse supérieure.

Par ailleurs, nous préparons pour le numéro de janvier 2002 de la revue Géostratégiques, un important dossier de 100/120 pages sur la guerre économique du temps de paix.

Il n'est pas impossible que nous organisions à l'automne 2002, en partenariat avec cette même revue, un colloque à la Sorbonne pour faire ressortir de l'oubli un des grands doctrinaires français des rapports de force économiques, Henri HAUSER qui fut l'un des maîtres à penser de Fernand BRAUDET et de Marc BLOCH.

AB - Pouvez-vous me donner votre définition de l'intelligence économique ?

CH - Je préfère les définitions simples. L'intelligence économique est un ensemble de méthodes et d'outils qui doivent aider l'entreprise à optimiser l'usage collectif des sources ouvertes pour renforcer son développement et l'aider à affronter la concurrence.

AB - D'après vous, les entreprises françaises sont-elles vulnérables face au 'brain drain' initié par d'autres pays occidentaux ?

CH - Les situations sont très variées. Vous trouvez le meilleur comme le pire...

Le problème principal est la méconnaissance par l'ancienne génération des chefs d'entreprise de la société de l'information. Il en résulte une certaine confusion dans le management interne de l'information.

Le seul phénomène d'accélération dans la prise de conscience est la conséquence des multiples crises informationnelles qui touchent depuis deux ans des grandes comme des petites entreprises.

Les pertes brutales de parts de marché, les chutes manipulées de cours boursiers, les contournements habiles de réglementation, les multiples barrières de protectionnisme invisible qui persistent dans les économies les plus libérales sont souvent la résultante de jeux informationnels difficiles à décrypter.

Les entreprises françaises sont de plus en plus confrontées à ce challenge. C'est une des conséquences de l'effritement de notre système d'influence à l'étranger depuis la mise en oeuvre de la convention OCDE.

AB - Qu'en est-il de la guerre de l'information aujourd'hui entre l'Europe, la France en particulier, et les Etats-Unis ? Face au risque d'espionnage du type Echelon, la cryptologie est-elle la seule parade ?

CH - Il suffit d'aller visiter un site comme www.infoguerre.com pour avoir un aperçu de l'étendue du sujet. Les Etats-Unis veulent nous imposer une stratégie d'information dominance sous le contrôle combiné de leurs agences fédérales de renseignement et de leurs entreprises.

Cette prétention de «l'empire américain», au sens romain du terme, est malsaine à terme pour la coexistence pacifique et la loyauté de la concurrence dans les échanges commerciaux.

L'Europe doit préserver son autodétermination et le débat dépasse très largement les mesures prises au niveau de la cryptologie. La réaction du Parlement européen au problème soulevé par le système Echelon est une première réaction encourageante. Il en faudra beaucoup d'autres à l'avenir pour contenir les prétentions américaines à vouloir imposer mécaniquement leur vision du monde...

AB - Pour conclure, selon vous, jusqu'à quel point la distance critique fait-elle obstacle à la manipulation de l'information ?

CH - L'individu est de moins en moins «armé» pour faire face à cette source de menaces. C'est la raison pour laquelle nous privilégions le travail en équipe, la pluridisciplinarité, la transversalité dans le partage de l'information, la combinaison du renseignement et des sources ouvertes, et surtout une vision stratégique des décideurs sur ces enjeux compétitifs en pleine mutation.

AB - Monsieur HARBULOT, je vous remercie pour ces observations.
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