Uber : la Cour de cassation requalifie le lien avec le chauffeur en relation salariale !

Alexandre Boero
Chargé de l'actualité de Clubic
04 mars 2020 à 15h33
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Uber
© Tero Vesalainen / Shutterstock.com

La plus haute autorité judiciaire française vient de rendre un arrêt déterminant dans la relation qui unit la plateforme de VTC et ses conducteurs établissant, de fait, une jurisprudence. Clubic vous détaille la décision.

Deux jours avant une manifestation prévue au siège français d'Uber, la Cour de cassation a rendu un arrêt, ce mercredi 4 mars 2020, par lequel elle a rejeté le pourvoi des filiales française et néerlandaise de la société américaine. La juridiction a ainsi requalifié la relation entre le géant des VTC et un chauffeur en contrat de travail. Une première en France. La Cour de cassation estime que la connexion du conducteur à la plateforme numérique établit ce lien de subordination entre Uber et lui.


La cour d'appel était déjà allée dans le sens de la requalification

Un bref rappel des faits s'impose pour dérouler tranquillement la réponse apportée par la Cour de cassation à la question qui lui était posée, à savoir de décider si la relation entre Uber et un chauffeur est salariale ou non. Après avoir vu son compte être désactivé par Uber en avril 2017, le privant d'activité, un chauffeur, qui exerçait sur la plateforme depuis le 12 octobre 2016, a saisi le conseil de prud'hommes de Paris pour demander la requalification de sa relation contractuelle avec Uber en contrat de travail, outre une demande d'indemnités.

Le 28 juin 2018, la juridiction prud'homale parisienne s'était déclarée incompétente, considérant le contrat comme étant de nature commerciale.

La décision qui a tout changé fut rendue par la cour d'appel de Paris, le 10 janvier 2019. Dans leur arrêt, les juges avaient affirmé que le contrat liant le chauffeur à Uber était bien un contrat de travail. Ce qui n'était pas du goût d'Uber, qui s'est pourvue en cassation.


Uber ne satisfait pas les exigences posées par le statut d'indépendant

La Cour de cassation a donc donné raison à la Cour d'appel, confirmé sa décision ainsi que le lien entre Uber et ses chauffeurs.

Plus précisément, les juges ont rappelé que pour être considéré comme travailleur indépendant, comme l'insinue Uber, il faut pouvoir se constituer sa propre clientèle, avoir la liberté de fixer ses tarifs et celle de définir les conditions d'exécution de sa prestation de service. Le contrat de travail, lui, est défini par un lien de subordination qui repose sur le pouvoir de l'employeur de donner des instructions, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner le non-respect de celles-ci.

Un chauffeur Uber, précise la Cour, ne constitue pas sa propre clientèle et ne fixe pas ses propres tarifs. Il ne détermine pas non plus les conditions d'exécution de sa prestation de transport. Cela commence à faire beaucoup. Mais ce n'est pas tout ! La juridiction rappelle également que l'itinéraire est imposé au chauffeur qui, s'il ne le suit pas, peut se voir imposer des corrections tarifaires.


Un statut d'indépendant considéré comme « fictif » par la Cour de cassation

Les règles d'Uber donnent, en outre, le droit à la société californienne de provisoirement déconnecter le conducteur de son application, à partir du moment où celui-ci refuse trois courses. Il peut même carrément perdre l'accès à son compte s'il dépasse un certain taux d'annulation de commandes ou de signalements abusifs de comportements dits « problématiques. » La plateforme, enfin, décide seule des conditions d'exercice de l'activité.

La Cour de cassation considère donc que le statut d'indépendant du chauffeur n'est que « fictif » et affirme que « le fait que le chauffeur n'ait pas l'obligation de se connecter à la plateforme et que cette absence de connexion, quelle qu'en soit la durée, ne l'expose à aucune sanction, n'entre pas en compte dans la caractérisation du lien de subordination. »

En Angleterre, en Suisse, aux États-Unis et maintenant en France, partout dans le monde, la politique d'Uber est plus que contestée, ce qui pourrait, à terme, menacer l'équilibre économique déjà peu fiable de la plateforme américaine, qui subit aujourd'hui un terrible revers.

Source : Cour de cassation

Alexandre Boero

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Journaliste, chargé de l'actualité de Clubic. Reporter, vidéaste, animateur et même imitateur-chanteur, j'ai écrit mon premier article en 6ème. J'ai fait de cette vocation mon métier (diplômé de l'EJC...

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Journaliste, chargé de l'actualité de Clubic. Reporter, vidéaste, animateur et même imitateur-chanteur, j'ai écrit mon premier article en 6ème. J'ai fait de cette vocation mon métier (diplômé de l'EJCAM, école reconnue par la profession), pour écrire, interviewer, filmer, monter et produire du contenu écrit, audio ou vidéo au quotidien. Quelques atomes crochus avec la Tech, certes, mais aussi avec l'univers des médias, du sport et du voyage. Outre le journalisme, la production vidéo et l'animation, je possède une chaîne YouTube (à mon nom) qui devrait piquer votre curiosité si vous aimez les belles balades à travers le monde, les nouvelles technologies et la musique :)

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Commentaires (11)

Jean_DelCapitaine
Le rendu de la cour de Cassation montre que le droit du travail français n’est plus adapté aux réalités actuelles.<br /> Il ne faut pas changer Uber mais le code du travail…<br /> Moins de lois, et plus de liberté accordée à l’individu.
Mrpolnar
Les gueux doivent trimer pour nous. Vive les bourgeois.
EnLighter
Pour rappel, le droit est un ensemble de règles qui permet la vie en société et pour ce faire, ces règles gomment certaines libertés afin de s’assurer que l’on ne tombe pas dans « la loi du plus fort » (je résume, car l’espace commentaire de Clubic n’est pas le lieu pour un cours de droit et de philo). Liberté totale = loi du plus fort. Le droit du travail permet donc de rétablir une forme d’égalité dans la relation entre l’employeur (le fort) et le salarié (le faible car non propriétaire des moyens de production). Donc heureusement que ce droit existe. Qu’il doive évoluer, je suis le premier à être d’accord, mais faut pas pousser non plus … Les plateformes comme UBER s’appuient sur le numérique pour contourner les règles de droit locales afin de maximiser leurs profits. C’est du parasitisme économique d’un système qui avait trouvé un équilibre fragile en fonction de son histoire sociale. Donc je suis d’accord pour que les choses évoluent et se modernisent mais je ne suis pas prêt à accepter que l’on se serve de la technologie dans ce sens. C’est à UBER de trouver l’équilibre entre profit et charges dans le respect des règles de l’endroit où il s’installe, et non le contraire.
mcbenny
Donc tu es d’accord avec ce jugement je suppose, qui critique le fait que le chauffeur n’est justement pas libre. Ou alors il faut considérer qu’être un travailleur indépendant suppose par défaut le manque de liberté ?
Blues_Blanche
Selon certains il faudrait changer les lois en faveur des entreprises qui mettent en place des bizness models qui contournent le système en défaveur de l’employé et de l’état (donc nous) pour être dans le vent.<br /> Le jugement est protecteur pour l’employé (statut que Uber refuse au passage). C’est un emploi intérimaire à temps partiel et modulable, mais un emploi quand même.
Jean_DelCapitaine
Le chauffeur reste libre de ne pas travailler pour Uber. Rien ne l’y oblige. Il peut changer de métier.<br /> En enfermant les nouvelles activités dans les carcans de lois dépassées, on se tire une balle dans le pied. Après les 35 heures, la France est déjà à genoux.
Jean_DelCapitaine
« Règles », « déloyale »…<br /> Merci d’avoir enfoncé le clou sur nos valeurs socialistes dépassées.<br /> De plus, nul n’est tenu d’être chômeur, la liberté d’entrepreneur existe aussi. Mais quand un pays a 5 millions de fonctionnaires, c’est un concept de capitaliste éhonté…
Blues_Blanche
Ho le troll, c’est trop évident cette fois
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