Mais pourquoi la capsule Starliner n'a-t-elle toujours pas décollé avec ses premiers astronautes ?

Eric Bottlaender
Spécialiste espace
25 mai 2024 à 08h37
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La capsule Starliner au sommet de sa fusée Atlas V début mai. Elle n'a pas pu décoller... © United Launch Alliance
La capsule Starliner au sommet de sa fusée Atlas V début mai. Elle n'a pas pu décoller... © United Launch Alliance


Miné par des années de retard, le projet Starliner devait enfin emmener ses premiers astronautes sur la Station spatiale internationale en ce mois de mai. Malgré tout, il s'agit d'un matériel neuf, et de nouveaux problèmes sont apparus une fois sur la zone de lancement. Le tir est pour l'instant repoussé au 1er juin.

Cela fera bientôt 10 ans (en septembre) que la NASA a choisi les capsules Starliner de Boeing et Crew Dragon de SpaceX pour retrouver la capacité d'emmener ses astronautes vers la Station spatiale internationale. Cette décision a ensuite été repoussée jusqu'en janvier 2015, car l'industriel évincé, Sierra Space, avait demandé une enquête. Depuis, l'histoire a pris un tour amer pour Starliner. La NASA a conservé sa volonté d'opérer deux capsules habitées différentes pour disposer de systèmes indépendants et pouvoir faire jouer la concurrence, mais Crew Dragon a embarqué 13 équipages différents en orbite depuis 2020, tandis que Boeing a souffert de problèmes en reports.

Il a fallu attendre 2022 pour que le 2e vol d'essai non habité vers l'ISS soit un succès, et les ennuis n'étaient pas encore terminés. Changements de parachutes, l'invraisemblable découverte d'un ruban adhésif inflammable utilisé sur l'ensemble des systèmes internes… Le chemin fut long et pénible. Cher aussi pour Boeing, car la NASA a payé un prix fixe, tous les dépassements sont pour l'industriel (plus de 1 milliard de dollars déjà). L'hiver dernier, Boeing a déclaré que sa capsule était prête. Et un espace est enfin dégagé dans le calendrier en ce mois de mai.

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L'enchaînement infernal

Starliner devait décoller le 6 mai 2024, mais la météo a décidé de ne pas collaborer. Un jour plus tard, alors que les astronautes étaient déjà à bord, ils ont dû débarquer, car United Launch Alliance a relevé une très faible anomalie indiquant une fuite sur une vanne de l'étage supérieur Centaur de la fusée.

Quelques jours ont passé, et après une réunion avec les responsables de la NASA, la décision a été prise de rapporter Starliner et sa fusée Atlas V sous son portique d'assemblage pour pouvoir accéder aux différents éléments. Mais patatras, lors d'une inspection après réparation, c'est une autre fuite qui est détectée, celle-ci directement sur la capsule ! En effet, son module de service (qui lui apporte ses ressources en air, électricité et propulsion) souffre d'une très faible mais réelle fuite d'hélium sur un propulseur. Malchance ? Défaut de jeunesse ? Surabondance de précautions ? Quoi qu'il en soit, les équipes ont passé toute cette semaine à observer la situation et à la documenter.

La capsule Starliner s'approche de l'ISS en 2022, lors de son vol inhabité réussi © NASA
La capsule Starliner s'approche de l'ISS en 2022, lors de son vol inhabité réussi © NASA

Il va falloir se décider

Pas question pour la NASA d'envoyer ses deux astronautes, les vétérans « Butch » Wilmore et « Suni » Williams tant qu'il restera des doutes. Les autres systèmes pour un premier vol habité présentent déjà suffisamment de risques (ce fut la même chose pour Crew Dragon).

La date du lancement est désormais provisoirement fixée au 1er juin. Mais d'ici là, l'agence américaine, Boeing et ULA vont se réunir pour faire le tour du problème le 28 mai et donner le feu vert ou non pour retourner sur la zone de lancement. Il faudra probablement décider que faire entre envoyer la capsule en orbite ou la démonter de son lanceur pour inspection et changement du matériel. Mais dans ce cas, Starliner pourrait faire face à de nouveau plusieurs mois de reports… Trouvera-t-elle enfin le chemin vers l'ISS ?

Source : SpaceNews

Eric Bottlaender

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Je suis un "space writer" ! Ingénieur et spécialisé espace, j'écris et je partage ma passion de l'exploration spatiale depuis 2014 (articles, presse papier, CNES, bouquins). N'hésitez pas à me poser v...

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Je suis un "space writer" ! Ingénieur et spécialisé espace, j'écris et je partage ma passion de l'exploration spatiale depuis 2014 (articles, presse papier, CNES, bouquins). N'hésitez pas à me poser vos questions !

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Commentaires (9)

gamez
franchement j’sais pas du tout.
Bidouille
Plutôt que de sympathiques astronautes, ne pourrait on pas mettre dedans Poutine, Kim Jong machin et quelques autres personnages aussi sympathiques. Le risque serait moins grand, au cas où.
Chirokee
A la place des astronautes, je me ferais porter pâle. Car, franchement, monter dans un bidule signé Boeing c’est prendre beaucoup de risque
gianferrari_eric
est-ce que l’Europe sait envoyer des hommes dans l’espace?
tinou7789
vivants ?
marco3522
C’est quand même insensé tous ces problèmes. Y en avait-il autant à l’époque d’Apollo 11?
promeneur001
Est-ce que les problèmes de qualité et de démotivation ont lieu aussi dans cette division de Boeing ?
MattS32
marco3522:<br /> C’est quand même insensé tous ces problèmes. Y en avait-il autant à l’époque d’Apollo 11?<br /> Les moyens mis en œuvre à l’époque étaient sans commune mesure avec ceux mis en œuvre aujourd’hui.<br /> Le budget global d’Apollo, c’était l’équivalent d’à peu près 180 milliards de dollars d’aujourd’hui, et plus de 400 000 personnes ont travaillé dessus. Celui de Starliner est de 4 milliards et la NASA se fait déjà taper sur les doigts parce que certains estiment que c’est trop…<br /> Les règles de sécurité à l’époque n’étaient pas les même non plus. On n’enverrai plus aujourd’hui dans l’espace des astronautes avec des combinaisons rafistolées au scotch… Le fait que la capsule doit être réutilisable engendre également forcément encore des contraintes supplémentaires par rapport aux modules d’Apollo, tous a usage unique.<br /> Et à ça s’ajoute une perte de compétence : le développement de capsules habités a été quasiment inexistant aux USA des années 70 aux années 2000 (et pas qu’aux USA d’ailleurs, la base de Soyouz date aussi des années 60-70, même s’il y a bien sûr eu des évolutions depuis au fil des générations). Du coup ils repartent quasiment de zéro, avec des ingénieurs n’ayant jamais travaillé sur ces sujet.
Chirokee
Les dépenses ne sont certes pas comparables mais depuis Apollo tout le monde profite des installations de l’époque. La Navette bien sûr mais aussi et surtout Artemis.<br /> Pas de VAB, de JSC, de KSC, de SSC, de crawler et de Crawlerway etc.<br /> Merci aux pionniers, ça fait gagner du temps et de l’argent. Comme des coucous nous profitons du nid des autres. Combien cela couterait-il s’il avait fallut tout construire aujourd’hui depuis la page blanche c’est-à-dire sur les anciens marais ?<br /> Et entre nous, le SLS n’est rien d’autre que de la récup depuis la Navette : Réservoir externe + SRB.<br /> Bref, encore merci
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