Haine en ligne : on sait quels sites, services et plateformes se verront imposer des obligations renforcées

Alexandre Boero
Chargé de l'actualité de Clubic
17 janvier 2022 à 20h40
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© Burst / Pexels
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La nouvelle « super-autorité » française audiovisuelle et numérique, l'ARCOM, a confirmé lundi l'étendue de son scope en matière de lutte contre la haine en ligne, affirmant qu'elle imposera de plus lourdes obligations auprès de divers opérateurs, réseaux sociaux et plateformes en ligne en France, donc beaucoup sont sollicités quotidiennement.

Dans le cadre de la réglementation et des obligations des plateformes en ligne en matière de lutte contre les contenus haineux, la France est sur le point d'entrer dans une nouvelle ère. Le décret appliquant l'article 42 de la loi du 24 août 2021 (sur le respect des principes de la République) a enfin été publié au Journal Officiel, le 16 janvier 2022. Ce dernier fait peser sur les plateformes en ligne de nouvelles obligations en matière de lutte contre les contenus haineux illicites et vient aussi encadrer les activités de modération de ces contenus. Mais attention, seuls les sites, réseaux, services et plateformes les plus importants sont concernés. L'ARCOM mènera une concertation auprès des plateformes visées durant ce premier trimestre 2022, et adoptera ses lignes directrices.

Haine en ligne : ce qui va changer

Le décret du 14 janvier 2022 est utile en ce qu'il nous livre le seuil de connexions à partir duquel les opérateurs de plateformes en ligne (et nous détaillons lesquels dans la deuxième partie de notre article) doivent concourir à la lutte contre la diffusion publique de contenus haineux illicites, sous l'autorité de l'ARCOM, l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique, née du rapprochement du CSA et de la Hadopi. Deux niveaux sont prévus par le texte.

  • Les opérateurs de plateforme en ligne dont l'audience dépasse 10 millions de visiteurs uniques mensuels

Les acteurs qui dépassent ce seuil seront soumis à diverses obligations, comme celle leur imposant de coopérer avec les services répressifs. Ils devront aussi mettre en place des dispositifs de notification des contenus illicites et de traitement de ces dernières. Une obligation de transparence sur la modération des contenus sera aussi imputée aux plateformes. Un suivi est d'ailleurs prévu en 2022 d'ores et déjà.

  • Les opérateurs dont l'audience dépasse 15 millions de visiteurs uniques mensuels

Outre les précédentes obligations, les opérateurs dépassant ce second seuil seront aussi contraints d'évaluer les risques de dissémination (de diffusion) des contenus illicites sur leurs services. Ils devront prendre des mesures pour lutter contre cette dissémination, sans pour autant porter atteinte à la liberté d'expression. Voilà un joli branle-bas de combat qui se profile.

Dans le cadre de ses nouveaux pouvoirs, l'ARCOM aura la possibilité de sanctionner les acteurs qui ne respectent pas ces multiples obligations à hauteur de 6 % de leur chiffre d'affaires mondial de l'exercice précédent, ou d'une amende de 20 millions d'euros.

Les acteurs (opérateurs, plateformes, services en ligne) concernés

Le décret évoque les « opérateurs de plateforme en ligne », mais derrière cette qualification juridique, on retrouve différentes familles d'acteurs en ligne. En premier lieu, ce dont nous avons parlé précédemment s'applique aux services de communication en ligne, c'est-à-dire aux moteurs de recherche, aux agrégateurs et aux comparateurs de prix. Ensuite, on retrouve les marketplaces, les places de marché au sens large (e-commerce ou places collaboratives de covoiturage et autres). Les boutiques d'applications sont concernées, tout comme les réseaux sociaux et les sites de partage de contenus. Ça en fait du monde !

Mais rappelez-vous, seules les plateformes dont le nombre de visiteurs uniques mensuels est supérieur à 10 millions relèvent de ces obligations, et cela réduit leur nombre. On peut tout de même affirmer que les réseaux sociaux Facebook, WhatsApp, Instagram, SnapChat, TikTok, LinkedIn, Pinterest ou Twitter seront concernés, tout comme les moteurs de recherche, boutiques, marketplaces et autres plateformes Google, YouTube, Google Play Store, l'Apple Store, Bing, Amazon, Fnac, AliExpress, Leboncoin, Microsoft, Cdiscount et tous les autres sites, plateformes ou médias qui peuvent héberger du contenu interactif, des commentaires et tout outil de communication, identifiables à l'aide du baromètre Mediametrie, par exemple.

Ces nouvelles dispositions, dont l'entrée en application est imminente, ne s'appliqueront que jusqu'au 31 décembre 2023, et pas au-delà. N'oublions pas qu'à cette date-là sera entré en vigueur le futur règlement européen sur les services numériques (le Digital Services Act, ou DSA), dont l'adoption est en bonne voie. Son entrée en vigueur prévaudra alors sur le texte français.

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Commentaires (28)

Kratof_Muller
Bien, toute réponse répressive motivera la partie adverse pour trouver les moyens d’y échapper, je prévois donc une augmentation du nombre de sites sur des réseaux alternatifs ainsi qu’une augmentation de leur fréquentation, il ne manquera plus qu’à interdire Tor, I2p ou Freenet.
KarlC
Il y a un truc de prévu pour la haine présidentiel ?
KK-O-QQ
Et pour les sites hébergés en France dans une langue étrangère ?
benben99
Évidemment ca va être détourné pour faire de la censure politique prochainement
Kratof_Muller
Le goudron et les plumes électroniques ?
Kratof_Muller
Y a le robot de google traduction qui veille ^^
JohnnyG
MESSAGE DE MODERATION :<br /> On s’aventure sur un terrain glissant.<br /> Merci de rester dans les limites hors racisme, prererance nationale et assimilé.
JohnnyG
MESSAGE DE MODERATION<br /> Pourquoi a quasiment a chaque message la theorie du complot surgit.<br /> Tu sais ce qui se passe quand tu prend cette voie.
keyplus
encore un machin ou les politicards vont recaser leurs petits copains
Popoulo
Die neue französische «&nbsp;Super-Autorität&nbsp;». Comme un relent de déjà-vu.
lepef32
En fait ce genre de système est l’équivalent appliqué a une société toute entière d’une cour de recréation de maternelle où la maîtresse répète sans cesse aux uns et aux autres:<br /> «&nbsp;Joue avec x&nbsp;»<br /> «&nbsp;Soit gentil avec x&nbsp;»<br /> Ect ect<br /> Rien d’étonnant que ca passe comme une lettre a la poste dans la société d’enfants/ados dans des corps d’adultes dans laquelle nous vivons …<br /> Il n’y a rien de mal a aimer ou haïr une categorie de personne selon son sexe, race, orientation sexuelle et le crier sur tous les toits ca s’appelle juste le libre arbitre qui est censé etre la base d’une société saine d’adultes responsables … Nous ne sommes plus dans ce type de société depuis un moment.<br /> En revanche ca peut devenir un problème s’il y a un appel a l’agression et c’est ca qui doit etre puni
benben99
Il y a une époque avant M6 ou on pouvait discuter beaucoup plus librement sur ce forum. Dommage.
backsec
Encore le discours sur le libre arbitre. Ça devient saoûlant de lire le «&nbsp;je fais ce que je veux parce que je suis libre&nbsp;».<br /> Sans rentrer dans le débat de ce qui est moralement/humainement bon ou mauvais de penser, en quoi est-ce être un adulte responsable que de «&nbsp;crier sur tous les toits&nbsp;» la catégorie de personnes sur laquelle se porte une haine ? En fait c’est même tout le contraire.<br /> Nos pensées sont nos ressentis personnels, donc intimes. En quoi est-ce légitime de devoir constamment déballer son intimité publiquement ?<br /> Les réseaux sociaux incitent à se mettre à nu (au sens figuré, quoique) en permanence et à ne plus avoir ce qui fait de nos pensées la chose la plus personnelle et intime que nous ayons. Certains aiment ça, c’est peut-être pathologique. Quoiqu’il en soit je ne qualifierais pas un tel homme de «&nbsp;libre&nbsp;». D’ailleurs pourquoi parler d’«&nbsp;homme&nbsp;» quand on a affaire à un mouton ?
backsec
C’est assez marrant comme comparaison.<br /> Dans les années 30 en Allemagne, la presse stigmatisait certaines catégories de la population en les faisant passer pour des malades ou les responsables de la misère des Allemands purs jus. De la belle manipulation qui a créé une adhésion massive… Et on sait comment ça a fini pour ces personnes pointées du doigt.<br /> Ici on parle au contraire d’éviter l’INCITATION à la haine. Et l’incitation peut mener à des actions radicales concrètes.<br /> Et vous trouvez que c’est une situation identique ?
JohnnyG
Même avant M6 le complotisme de bas étage n’avait pas sa place.<br /> J’y traîne mes guêtres depuis suffisamment longtemps pour avoir une idée sur la question alors merci de ne pas me prendre pour un jambon…
backsec
Désolé je rebondis sur vos dires même si un peu HS : Clubic fait toujours partie du groupe M6 ? Je croyais que ce n’était plus le cas depuis belle lurette ?
AlexLex14
Plus depuis 2018, non. Clubic a repris son indépendance
backsec
Merci pour la précision.<br /> Je viens justement de tomber sur un article indiquant que des «&nbsp;fondateurs&nbsp;» initiaux avaient repris les rênes en 2018/2019.
AlexLex14
De rien
backsec
Tu me cites pour me répondre mais as-tu remarqué que tu rejoints bien mes propos finalement sur la liberté et ses limites ? À moins que j’ai mal interprété tes propos, ou toi les miens ?<br /> Quant à la référence aux années 30, là encore je répondais à notre VDD (je le «&nbsp;quote&nbsp;») qui a ramené la question à cette époque précise pour la comparer à notre situation actuelle. Donc au lieu de remonter aussi loin à avancer une supposée absence de connaissances historiques, remonte juste de quelques posts pour constater que je n’ai fait que citer un VDD comme tu le fais avec moi.<br /> Quant à ta dernière réflexion sur les Gafam, je crois que là également ton propos rejoint le mien non ?<br /> Je suis peut-être devenu un «&nbsp;vieux&nbsp;», mais je trouve aussi que les jeunes semblent de plus en plus c***. Mais j’imagine que mes ainés avaient la même impression, quoiqu’avec les réseaux sociaux je pense que la regression de la jeunesse s’est faite sur une pente bien plus raide.<br /> Juste une petite réflexion sur l’utilité scientifique du QI au passage : IQ is largely a pseudoscientific swindle | by Nassim Nicholas Taleb | INCERTO | Medium<br /> Bref, j’ai voulu également te citer pour répondre à ton premier post de cette news sur lequel tu fais part de ta nostalgie d’un internet libre… Mais internet a-t-il déjà été libre ? As-tu déjà remarqué que dans tous les espaces d’expression (forums, espaces commentaires, réseaux sociaux…), tu ne peux t’exprimer qu’après une inscription finalisée par la validation de CGU t’intimant de limiter ta parole ? Internet n’a rien de libre (au sens liberté totale), et ne l’a jamais été.<br /> Tu pestes également sur ton post de la contrainte faite sur la pensée alors que cette news fait référence à l’incitation à la haine contre une catégorie de personnes. Avoir une pensée haineuse est une chose, exprimer cette pensée haineuse en est une autre.<br /> Après je te rejoints sur la définition relative de la haine. À quel point peut-on nous interdire de nous exprimer ? C’est une question trop vaste pour être débattue ici et ce n’est de toute façon pas le lieu.<br /> Mais il suffit de se ballader sur certains sites pour constater certains propros objectivement litigieux ne serait-ce que par leur généralisation et l’incitation parfois aux actes : «&nbsp;tous les xxx sont des voleurs&nbsp;», «&nbsp;les xxx ne devraient pas exister&nbsp;», «&nbsp;tous les ennemis de la religion xxx doivent mourir et j’appelle donc à faire xxx&nbsp;», etc.
pecore
Effectivement, dès qu’il est question de modérer certains propos sur internet l’on trouve des personnes pour hurler qu’on bafoue leur liberté. Bizarrement on entend presque jamais ces personnes là sur d’autres sujets, ou alors c’est que leurs messages sont supprimés avant d’être lus.<br /> Alors je vous livre un scoop : nous vivons dans un état de droit, avec des règles. Non !? Si. Ces règles protègent, notamment, les gens contre les agressions, qu’elles soient physiques, verbales ou écrites. Ces mêmes règles visent aussi à prévenir ces agressions en les rendant, sinon impossibles, du moins aussi difficiles que possible.<br /> Vous tous qui vous plaignez d’être opprimés parce qu’on ne vous laisse pas crier votre haine de ceci ou de cela ou qu’on ne vous laisse pas donner libre cours à votre méchanceté naturelle, imposer vos frustrations et votre manque de retenue à des personnes qui n’ont rien demandé, j’aimerai qu’on puisse vous envoyer pendant un an dans un pays qui n’a pas ces règles, pour que vous puissiez voir si c’est tellement mieux.
backsec
Je reprends sur la question de l’internet libre.<br /> À mon sens il ne l’a jamais été. Il a toujours été, comme tous les autres media, sujet à la loi. La différence avec les autres media est que la Justice a mis du temps à s’appliquer dessus au même titre que les autres «&nbsp;vieux&nbsp;» media.<br /> Lorsqu’un particulier injure ou diffame sur un forum internet (ou ici pourquoi pas) ou un réseau social, il se retrouve soumis aux mêmes lois qu’un journaliste dans un journal papier, et donc à la même juridiction, à savoir celle sur la liberté de la presse.<br /> Bien évidemment lorsque je parle d’internet libre, je fais référence à la parole. Il existe bien sur internet la notion de libre pour les logiciels mais là on touche à la propriété intellectuelle qui est un autre sujet (un logiciel libre existe bien contrairement a la parole libre).<br /> Concernant les CGU, je t’assure qu’elles font référence à des interdictions de parole et engage ta seule responsabilité en cas d’infraction. Les responsables des sites internet (forums, réseaux sociaux…) se laissent le droit de te radier/bannier/etc si ils estiment que tu enfreins une règle.<br /> On parle d’adresse internet quand tu vas sur un site (forum, réseau social…). J’aime bien cette notion car tu peux faire le parralèle avec la «&nbsp;vraie&nbsp;» vie (physique) : tu vas chez quelqu’un (personne morale ou physique), donc tu obéis à ses règles et tu restes soumis à la loi.<br /> Après oui, chaque citoyen peut s’exprimer. Et sa parole n’a pas moins de legitimité, quelque soit sa classe sociale, son métier… Mais comme dans la «&nbsp;vraie&nbsp;» vie, ta parole est limitée. Il ne te viendrait pas d’insulter une personne gratuitement que tu croiserais dans la rue juste parce qu’elle apparatient à une catégorie (éthnie, sexe, aspect physique…) de personnes. Pourquoi en serait-il autrement pour ta parole écrite alors ?<br /> Et par haine, il est fait référence aux paroles dicriminentes et surtout d’incitation à la haine (discriminente) et la violence. Oui tu peux avoir la haine et même le dire comme par exemple «&nbsp;je haïe les personnes dans les transports en commun qui montent dans la rame avant de laisser les autres voyageurs descendre&nbsp;». Mais tu as aussi le droit de haïr une personne de façon discriminatoire, ce sont tes pensées personnelles et ton droit, mais pas fircément d’agir au sens de tes pensées (le dire publiquement, refuser un poste à une personne à cause de ses origines, appeler à la violence contre xxx, etc.).
Mel92
Merci au journaliste d’avoir mis le lien vers la loi. On y apprend que s’en est fini de l’anonymat sur les réseaux sociaux puisque pour avoir le droit d’écrire, il faut obligatoirement fournir son vrai nom au réseau. Ce nom est conservé, ce qui fait qu’il va être facile de retrouver l’auteur de n’importe quel message (c’est l’objectif de la loi : retrouver physiquement les auteurs de la haine en ligne).<br /> En soit, ça ne me gène pas tant que ça, mais il y deux petits trucs très inquiétants :<br /> en cas de fuite, la correspondance pseudo/vrai nom/adresse mail circulera dans la nature. C’est certain que tôt ou tard ça va arriver…<br /> on va recevoir de la publicité ciblée en fonction de notre vrai nom qui indique bien souvent le sexe de la personne (Mohammed va recevoir de la publicité pour le cousous, Bélinda pour des tutos beauté, Paul pour des outils de bricolage, Marie pour des vêtements, Kevin pour des… etc. etc.). Il va être difficile de se cacher.<br /> Autrement, pour le bouton « strike ce message » qui va nécessairement apparaître dans l’interface pour signaler (en réalité effacer directement), n’importe quel message de n’importe qui, je m’en moque n’étant pas spécialement rédacteur sur les réseaux.
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