Un nouvel audit tire à boulets rouges sur le programme de lanceur géant SLS

Eric Bottlaender
Par Eric Bottlaender, Spécialiste espace.
Publié le 12 mars 2020 à 17h52
SLS étage central 2
Le premier étage du lanceur lourd SLS. Crédits NASA/Jared Lyons

Le Space Launch System (SLS) sort encore de sa trajectoire... budgétaire. Celui qui est aujourd'hui le programme spatial le plus cher à n'avoir jamais volé cumule les retards et les mauvaises gestions. Et c'est le bureau des audits de la NASA qui l'écrit.

Génération Artemis

« Vous faites partie de la génération Artemis ! » Chaque semaine, à tous les événements, la communication très maîtrisée de la NASA ne manque pas une occasion de transmettre son message. Artemis, voilà le plan pour fédérer les américains autour d'un projet : revenir au spatial habité autour et sur la Lune, puis vers Mars. Malheureusement, le projet qui forme la colonne vertébrale d'Artemis, c'est le lanceur géant SLS (Space Launch System). En développement depuis 2010, le programme est devenu celui de tous les excès : budget pharaonique, retards incessants, interventions politiques à répétition et mauvaise gestion des sous-traitants. Une fois de plus, le bureau des audits de la NASA, l'OIG (Office of Inspector General) tire la sonnette d'alarme : d'ici 2024 au rythme actuel, les contribuables américains auront dépensé 50 milliards de dollars pour le lanceur, sa capsule Orion et les infrastructures au sol.

Dérapages contrôlés

Début 2019, la NASA a transmis au Congrès américain (qui décide chaque année de son budget) des documents sur les coûts du programme SLS et de la capsule Orion... Or l'OIG déclare dans son rapport qu'un an plus tard, ils sont déjà dépassés de 33%, pour les montants comme pour les délais. Et d'ici le premier vol, cela pourrait atteindre 43%... Le premier décollage de SLS, justement, ne cesse d'être repoussé : officiellement il est encore inscrit pour novembre 2020, mais les officiels et leur échanges (amplement relayés dans la presse américaine) évoquent maintenant le second semestre 2021 pour une date raisonnable. A l'origine, ce devait être en 2017...

Il faut avancer

Chacun des trois grands sous-traitants (Boeing, Northrop Grumman et Aerojet Rocketdyne) est épinglé dans le rapport, mais une part importante des retards actuels reposent sur les épaules de Boeing, qui avait semble-t-il transmis des agendas incomplets, de mauvaises estimations financières et qui s'est heurté à des difficultés techniques. Le développement du lanceur à lui seul était estimé à 10.8 milliards en 2014 et devrait atteindre 18.3 milliards à son premier décollage. Lequel paraît encore bien éloigné aujourd'hui : l'étage central de SLS est actuellement en test sur le site de Stennis et prendra encore plusieurs mois pour réaliser l'essai « Green Run » avec ses quatre moteurs à pleine puissance.

Ensuite seulement il prendra la route de la Floride, pour un assemblage qui est généralement source de retards supplémentaires pour des lanceurs aussi grands... Si la NASA a fait amende honorable à la lecture du rapport et engagé des mesures pour corriger les écarts, Boeing a aussi annoncé hier que les retards et dépassements étaient liés à la perte de compétence et aux nouveaux procédés à développer. L'argument clé concerne la mise en place d'une production en petite série : au second exemplaire de SLS, les problèmes auront été résolus. Difficile, étant donné ce contexte, de continuer d'assurer au public que les américains marcheront à nouveau sur la lune en 2024.

Source : The Verge
Eric Bottlaender
Par Eric Bottlaender
Spécialiste espace

Je suis un "space writer" ! Ingénieur et spécialisé espace, j'écris et je partage ma passion de l'exploration spatiale depuis 2014 (articles, presse papier, CNES, bouquins). N'hésitez pas à me poser vos questions !

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Commentaires (10)
yAAm

On dirait un mégot de cigarette géant…

Niverolle

Les moyens ont augmentés mais les objectifs et les standards de sécurité aussi: retourner sur la Lune juste pour quelques jours et avec un risque sur vingt de perdre l’équipage, c’est devenu totalement impensable…

BetaGamma

Boeing va mal, vraiment très mal…

Jolan

Oui, mais j’ai vu une interview très inintéressante sur le sujet.

  1. c’était un contexte de guerre froide et de course de prestige qui n’existe plus aujourd’hui. La plupart des missions sont d’ailleurs internationales d’une façon ou d’une autre.
  2. la population d’aujourd’hui n’acceptera pas aussi facilement les morts que le programme des années 60 à fait. Du coup, on avance très très prudemment. On fait énormément d’essais qui dès qu’il y a le moindre début de pépin est considéré comme un échec.
  3. Le délais annoncé par Kennedy, correspondait à un double mandat présidentiel. Le voyage vers mars ne se fera pas sur la durée d’un mandat américain, ni même sur un double mandat. Le président américain n’a donc aucun intérêt à prendre de risques financiers ou humains top important (surtout compte tenu du point 1) - tous les bénéfices politiques reviendront à son successeur. Il font donc un peu style dans le discours, mais dans les faits c’est un pas en avant deux en arrière.
  4. le voyage humain n’a pas de réel intérêt. Il n’y a rien que des robots ne pourrait faire.
    Tous cela risque de faire que le voyage humain vers Mars risque de prendre pas mal de temps.
carinae

clair … c’est la fête a Boeing en ce moment … C’est peut être pour ça que Trump ne veut plus d’Europeens ! :-):face_with_thermometer:

elonus_muskator

l’article ne cite même pas le fait que le SLS est le successeur du programme constellation initié par Bush et annulé par Obama, pou être repris ensuite.
Cette fusée est donc en développement depuis 2006…
Il y a actuellement deux hérésies flagrantes dans l’industrie spatiale : ce SLS qui fait figure d’arlésienne depuis ~15 ans, et le starship qui est de la poudre aux yeux pour croyants incultes et qui ne volera jamais. L’homme sur mars en 2022 promettait Musk il y a seulement deux ans. Mais les promesses de musk n’engagent que les idiots qui y croient…

xryl

Vu le prix de la clope, ils ne le fournissent que dans des paquets anonymes de 1.

xryl

Un beau ramassis de haine en boite pour quelqu’un dont le pseudo sert d’étendard à son (anti)-héros. Attendons 2022 avant de faire un procès d’intention. Ce qui est clair, ce que SpaceX a réussi à redonner l’envie de regarder vers les étoiles là où la NASA n’inspirait plus franchement l’envie. Rien que pour ça, c’est un succès flagrant.

fg03

C’est quoi le rapport avec Musk ? Il me semble je suis pas un pro que la il s’agit uniquement du programme américain de la NASA, pas d’une entreprise privée qui fabrique des lanceurs réutilisables comme SpaceX à vocation de gagner du pognon pour lancer des satellites… parce qu’envoyer des gens sur la lune ou sur mars ca coute un bras et ne rapporte rien… je pense pas que Musk avec les problemes de tresorerie qu’il a est dans cet optique de gaspiller du pognon qui au passage n’appartient pas aux américains, mais aux actionnaires, contrairement à la NASA qui doit vivre des subsides des impots américains.
Le problème c’est un peu le même partout ailleurs quand ce sont les pouvoirs publics qui lancent des projets… c’est parce que le privé s’en tape… ca rapporte quedalle (genre la recherche fondamentale médicale, explorer les planetes de la galaxie). Les états font des appels d’offre pour sous traiter, et la ils rappliquent tous vu que c’est l’etat qui va banquer et comme par hasard, les délais ne sont pas tenus, les budgets explosent…

Niverolle

« du pognon qui au passage n’appartient pas aux américains, mais aux actionnaires, contrairement à la NASA qui doit vivre des subsides des impots américains » ==> Sauf que dans les faits, le développement du Falcon 9 a été financé à 50 % par le contribuable américains ! Et bien plus si on tient compte du fait que les entreprises sous contrat avec la NASA on librement accès au savoir et savoir faire du centre Goddard (des décennies de recherche et développement financé par les impôts américains). Rajoutons à tout cela un nombre de missions institutionnelles qui garanti à lui seul la rentabilité du lanceur, et on est en droit de s’interroger la prise de risque des actionnaires. De fait, la NASA n’a absolument pas le choix de laisser tomber ses contractants, il faut que sa marche coûte que coûte; on le voit bien avec toute l’expertise en t-shirts bleus qui débarque (au frais du contribuable évidement) dans les locaux de Space X au moindre pépin.
C’est bien simple toute cette industrie fonctionne sur ce schéma, sans aucune exception: si ce n’est pas la NASA, c’est l’USAF qui paye (ou les deux à la fois dans le cas de Space X) ! Que l’on soit le grand méchant vilain pas beau Boeing, le super cool Space X, ou le trop mignon petit Rocket Lab.