Dernière ligne droite pour le télescope Hubble, la NASA va devoir le passer en mode dégradé

Eric Bottlaender
Par Eric Bottlaender, Spécialiste espace.
Publié le 05 juin 2024 à 19h49
Le télescope Hubble, photographié en orbite depuis une navette spatiale américaine © NASA
Le télescope Hubble, photographié en orbite depuis une navette spatiale américaine © NASA

La perte d'un nouveau gyroscope utilisé pour orienter le très ancien, mais très performant télescope Hubble sera lourde de conséquences. La NASA a décidé de changer de mode d'opération pour prolonger au maximum les opérations, espérant repousser l'inévitable échéance à la fin de la décennie.

Au mois d'avril, le télescope Hubble fêtait ses 34 ans, avec des performances qui sont toujours amplement au-dessus de ce que peuvent proposer une large majorité d'observatoires terrestres, mais aussi de véhicules spatiaux. Malgré tout, le « HST » vieillit. Voici déjà 15 années que la dernière mission de navette spatiale consacrée à remplacer certains de ses composants a pu prendre place, et son fonctionnement s'en ressent? Hubble était conçu pour recevoir des visites périodiques. Comme ces dernières sont terminées, il y aura forcément un jour la panne de trop.

Le 24 mai dernier, c'est l'un de ses 6 gyroscopes qui est tombé en panne, et malheureusement, cet équipement ne pourra pas être redémarré. Utilisés pour contrôler l'orientation du télescope, ces grands gyroscopes ont été changés en 2009, mais il s'agit de l'un des éléments les plus sensibles. C'est même pour cela qu'il y en a 6. Hubble n'en avait normalement besoin que de trois, les autres constituent une réserve. Mais début 2024, il n'en restait déjà plus que trois… Et donc désormais, plus que deux.

Les éléments qui tombent en panne actuellement sont les "reaction wheels", qui sont des gyroscopes de stabilisation © NASA/ESA/HST
Les éléments qui tombent en panne actuellement sont les "reaction wheels", qui sont des gyroscopes de stabilisation © NASA/ESA/HST

Un mode dégradé

Depuis des tests en 2005, la NASA sait comment opérer Hubble avec deux gyroscopes de façon efficace et sans impact pour les observations astronomiques. Ce n'est pas la limite, il reste l'option de n'utiliser qu'un seul gyroscope à la fois. Ce n'est pas idéal, parce que le contrôle d'attitude (l'orientation de Hubble) ne peut être aussi efficacement contraint. C'est un mode dégradé, ce qui pourrait avoir un impact en particulier sur les observations qui requièrent de très longs temps d'exposition.

C'est aussi ce mode, à un seul gyroscope, qu'ont finalement choisi les équipes de la NASA. Comme il en reste deux, cela revient à en conserver un inactif afin de préserver son potentiel. L'espoir est très simple, et les équipes américaines ne s'en cachent pas : elles souhaitent pousser Hubble jusqu'à au moins la fin de la décennie. Tout en sachant que par définition, les pannes sont imprévisibles, les deux gyroscopes restants pourraient tout à fait rendre l'âme cette année et condamner l'un des plus vieux satellites actifs en orbite basse. Mais compte tenu de leurs heures de fonctionnement, les responsables du projet sont confiants pour que Hubble puisse rester actif même au-delà de 2030.

Pour l'instant néanmoins, après cette remise en service en mode dégradé, les équipes sont satisfaites : Hubble se porte bien, et il a repris ses campagnes de mesures scientifiques. La baisse globale pour les observations est estimée à 25 % à partir de ce mois de juin.

Proposition à revoir

Dans son point de situation, la NASA a également pris les devants et expliqué qu'elle ne tiendrait pas compte de la proposition d'une mission de service de SpaceX et du milliardaire Jared Isaacman (Polaris) sur Hubble. Plusieurs raisons sont invoquées, et la première est la plus logique : Hubble fonctionne aujourd'hui, et l'arrivée d'un véhicule à proximité, a fortiori une capsule Crew Dragon, serait plus dangereuse pour le télescope que de ne rien faire, selon l'étude interne.

Impact sur le véhicule, risque de contamination des optiques et des instruments avec des résidus liés à la propulsion, complexité de la mission : la situation actuelle n'a pas la faveur des responsables de la NASA, qui ne ferment pas définitivement la porte pour autant.

Hubble n'a pas encore dit son dernier mot ! © NASA / ESA / HST

Il faut préciser que l'essentiel de ce que proposait la mission de service portée par Jared Isaacman consistait d'abord et avant tout à relocaliser Hubble en augmentant significativement son orbite. En effet d'ici la moitié de la prochaine décennie, les gyroscopes ne seront plus forcément le problème le plus important pour Hubble, qui fera surtout face à son freinage dans la très haute atmosphère.

Malgré tout, l'envoyer sur une orbite plus haute pour qu'il ne fonctionne pas plus longtemps ne présente pas un quelconque avantage, sauf pour ceux, nombreux, qui souhaiteraient un jour récupérer Hubble pour le désorbiter dans la soute d'une navette et l'exposer en musée.

Rendez-vous dans 10 ans ?

Désormais, il paraît clair que l'agence américaine n'étudiera pas de mission de service avant 2035, sauf problème majeur d'ici là. Et la proposition devra en particulier prendre en compte les soucis d'orientation de Hubble. Soit en y amarrant un véhicule capable de l'orienter (et qui serait compatible avec l'existant), soit en étant capable de remplacer ses gyroscopes.

Source : SpaceNews

Par Eric Bottlaender
Spécialiste espace

Je suis un "space writer" ! Ingénieur et spécialisé espace, j'écris et je partage ma passion de l'exploration spatiale depuis 2014 (articles, presse papier, CNES, bouquins). N'hésitez pas à me poser vos questions !

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Commentaires (3)
Belgarath

Autrement dit, direction l’EHPAD. Dommage.

twist_oliver

Ca donne un coup de vieux : je me souviens de son lancement et surtout de son sauvetage occulaire puis de ses magnifiques clichés.

GhostKilla

Il y a eu un avant et un après Hubble, tous ces clichés plus beaux les uns que les autres depuis qu’il fonctionne, quoi qu’il arrive il restera longtemps dans les mémoires vu le travail accompli.

Mais il est vrai qu’il serait dommage de perdre un tel outil.