Hubble : tout savoir sur le télescope orbital

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Télescope Hubble de la NASA
Le télescope Hubble en orbite

C'est le télescope orbital de référence, et il fête ses 30 ans en 2020. Le Hubble Space Telescope, c'est une aventure scientifique hors du commun, un succès incroyable et une histoire pleine de rebondissements.

Le télescope Hubble, aussi appelé HST (Hubble Space Telescope) est une véritable clé de notre compréhension de l'Univers, et cela depuis notre Système Solaire jusqu'à la plus lointaine galaxie jamais découverte, à 13,37 milliards d'années-lumière. Les chiffres qui le concernent donnent rapidement le tournis. Plus de 15 000 citations dans des articles scientifiques, 30 ans de service, 120 Go d'images transmises chaque jour vers le sol et six missions de navettes... Hubble est le bond de géant de l'observation en orbite.

Hubble réparation
Les astronautes réparent le télescope Hubble

Un œil dans l'espace

Hubble est un impressionnant télescope orbital de 13,2 mètres de long et 4,2 m de large (panneaux déployés), constitué d'une partie optique avec un miroir principal de 2,4 m de diamètre, qui a été usiné avec une précision de seulement 10 nanomètres ! Derrière cette partie optique se trouvent les instruments scientifiques de la mission : ses quatre capteurs adaptés à différents domaines astronomiques (Hubble « voit » dans des domaines de fréquence plus importants que l'œil humain en infrarouge et jusqu'aux ultraviolets), ainsi que son « pointeur d'étoiles » qui lui permet de rester verrouillé sur une cible. Enfin, on y trouve aussi le matériel qui lui permet de se stabiliser, l'ordinateur de bord, et de quoi transmettre ses données. Jusqu'en 1999, elles étaient dupliquées au sein même de Hubble sur... des bandes magnétiques !

Ce très gros télescope de 11 tonnes, qui a pu voir le jour grâce à une contribution de la jeune agence européenne (ESA) à la fin des années 70, a été emmené en orbite le 24 avril 1990, au sein de la large soute de la navette spatiale américaine Discovery. Il entrait en service un mois plus tard.

Hubble M-82
La galaxie Messier-82 vue par Hubble

L'incroyable problème

En réalité, Hubble voit... flou. Malgré la précision incroyable utilisée lors de sa fabrication, quelques semaines après la mise en service, les équipes au sol doivent se rendre à l'évidence : il y a un gros problème. Impossible de faire le point correctement sur les sources de lumière importantes, présence d'artefacts sur les images... Une grande enquête commence. Catastrophe : le miroir construit par Perkin-Elmer à grand frais est faussé.

Il se trouve qu'un instrument de calibration utilisé pour usiner le miroir souffrait d'une erreur. Lors de premiers tests au sol, des résultats inexacts avaient d'ailleurs été montrés mais comme l'instrument, construit spécifiquement pour le projet, était considéré comme le plus précis au monde, c'est la mesure des tests qui avait été considérée comme fausse. En 1992, les médias ne se privent pas de parler de Hubble comme un véritable fiasco. Un grand nombre de photographies de l'Univers ont pu être prises, et elles ne sont pas toutes ratées, mais celles impliquant des sources de lumière distantes sont floues. La faute à 22 micromètres d'erreur !

Pire : le miroir de Hubble ne peut pas être changé, c'est la pièce principale. Certains plans évoquent un retour du télescope via la navette, voire la fabrication d'une réplique. Mais les chercheurs vont persévérer, aidés par les équipes d'ingénieurs. On ne peut pas corriger le miroir ? Il faut donc annuler l'erreur sur les instruments de mesure ! C'est ce qui est réalisé en 1993, lors de la première mission de service pour Hubble. Le capteur principal est remplacé par un autre incluant la déformation, tandis qu'un instrument, appelé COSTAR, utilise deux miroirs secondaires pour supprimer le défaut à destination des autres instruments de Hubble.

Ce qui est amusant, c'est d'entendre et lire que Hubble a été réparé, alors que c'est l'inverse : tous les instruments ont été déréglés pour prendre en compte le défaut et l'annuler.

Hubble Jupiter
Jupiter et sa lune Ganymède vues par Hubble

Quelques petites découvertes

Le télescope Hubble est un instrument incroyablement souple d'utilisation. En 30 ans, il a été utilisé pour énormément d'études différentes. Dans notre Système Solaire par exemple, il a pu observer quelques astéroïdes proches de la Terre, mais aussi toutes les planètes sauf Mercure, les nuages de Jupiter (notamment l'impact avec de la comète Shoemaker-Levi 9), ses lunes, les geysers d'Encelade autour de Saturne, les tempêtes sur Uranus et Neptune. Il a pu découvrir quatre des cinq lunes de Pluton et Arrokoth, l'objet le plus lointain jamais survolé par une sonde. Hubble est impliqué dans la découverte de la plupart des planètes naines de la Ceinture de Kuiper, et « chasse » régulièrement la potentielle Planète 9.

Mais Hubble, ce sont aussi les extraordinaires images d'étoiles voisines, de nuages de gaz, de supernovae, des pouponnières d'étoiles et des galaxies, grâce aux clichés que l'on appelle le « champ profond de Hubble ». Hubble, ce sont des données qui ont été indispensables pour estimer l'âge de l'Univers, son expansion, l'action des trous noirs supermassifs, la masse et la taille de la Voie Lactée, ou les effets de lentilles gravitationnelles. Et puis ce sont bien entendu des images dont la saisissante beauté a su inspirer génération après génération de jeunes et moins jeunes, scientifiques et simples observateurs.

Hubble Galaxies
Chaque point lumineux de cette image est une galaxie !

Fin des réparations

Si Hubble est toujours actif aujourd'hui, il le doit à cinq missions hors du commun et aux capacités des navettes américaines. Ces missions en 1993, 1997, 1999, 2002 et 2009 ont sauvé Hubble non seulement en s'adaptant à son erreur de miroir, mais en remplaçant et améliorant quasiment tous ses instruments pour qu'il puisse rester à la pointe des découvertes astrophysiques au début du 21e siècle. La dernière mission STS-125, qui normalement n'aurait pas dû avoir lieu après la catastrophe de Columbia (les navettes ne pouvaient se rendre que sur l'ISS), a permis de donner un potentiel maximum au vieillissant télescope, en remplaçant notamment ses six roues gyroscopiques qui lui permettent de s'orienter très précisément (pour économiser leur potentiel, seules deux sont utilisées à la fois).

Les équipes au sol, dix ans après la dernière réparation, retiennent parfois leur souffle : malgré ses extraordinaires résultats et ses apports récents à l'astronomie (Hubble a par exemple observé la comète interplanétaire 2i/Borisov), le télescope tombera un jour en panne. Ou n'arrivera plus à s'orienter. Sans navettes et sans moyens robotiques appropriés, Hubble est condamné. Les équipes espèrent d'ici là continuer de le ménager, pour mettre en service son « successeur » le télescope James Webb (JWST) en 2021.
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Commentaires (17)

euskafreez
Où sont donc passés ceux qui ridiculisaient cette belle réalisation technique à ses débuts?
ebottlaender
Ils s’indignent sur autre chose (et sur Internet, depuis !)
Felaz
Tellement vrai…
nirgal76
Ca me rappelle le vieux jeu « Shuttle - the space flight simulator » de Vektor Grafix sur Amiga /Atari ST où l’une des missions était de réparer Hubble. J’en ai passé du temps là dessus.<br /> https://atari.greenlog.fr/shuttle-the-space-flight-simulator/
louchi
Merci pour cet article. J’avoue que je suis resté scotché quelques minutes devant cette photo de cluster de galaxies…c’est pas la première fois que je vois ça, hein, mais c’est toujours aussi…vertigineux…incroyable. Merci
juju251
Ah, Hubble ! <br /> Des débuts pour le moins compliqué, mais un télescope majeur qui a permis nombre de découvertes importantes.<br /> Et pour le grand publique, c’est une merveilleuse source de fantastiques images de l’univers. <br /> Rien que d’entendre ou de lire son nom me met des étoiles dans les yeux ! <br /> D’ailleurs, les fonds d’écran que j’ai sur mes 2 PC viennent du site d’Hubble.
Element_n90
…quelqu’un sait combien cette bête a fini par coûter? Entre le prix de fabrication et le coût des missions navettes (qui n’étaient pas donné)? Finalement, on en aurait fabriqué un autre, peut-être que l’on en aurait eu pour moins chère non?
sami17220
Bon article
ebottlaender
Pas vraiment, non. Parce que les missions navettes ont coûté cher mais à chaque voyage, elles ont amélioré le télescope, en changeant notamment ses capteurs pour qu’ils soient toujours plus performants.<br /> Et comme c’est une pièce unique, ça coûterait très cher à refaire à l’identique, alors qu’on cherche à faire mieux. C’est un peu le cas du JWST qui en est à presque 20 ans de développement et 10 milliards de budget : c’est un bijou révolutionnaire, mais pour le suivant on tentera de faire autrement.
kellog89
Et que se passera t-il quand il sera en panne définitive? Ramené à Terre ou un déchet de plus dans l’espace?
ebottlaender
A moins d’être sauvé et récupéré (même si aujourd’hui on n’a ni les moyens ni la volonté ni le véhicule pour le faire) il restera quelques temps un gros débris, pas plus ou moins dangereux que les quelques autres milliers, avant de rentrer se consumer dans l’atmosphère d’ici une ou deux décennies.
Niverolle
Pour un seul « Hubble », il y a eu pas moins de 16 « Keyhole » qui ne sont ni plus ni moins que des Hubbles pointés en direction de la Terre. Et comme ces versions militaire (avec optique adaptative et tout ce qui va bien) sont probablement toutes aussi coûteuse à l’unité qu’Hubble, ça fait relativiser le coût de la mission scientifique…<br /> Quand aux missions de maintenance, aussi difficiles et spectaculaire soient-elles, ce ne sont rien d’autres que le minimum du savoir et savoir-faire qu’il faut acquérir avant de pouvoir rêver de conquête spatiale.
srochain
Dire que l’optique du télescope n’a pas été réparée et que ce sont les instruments exploitant le flux optique qui leur est transmis par le télescope (formule optique Ritchey-Chrétien en variante de Casegrain) qui ont été déréglés pour s’adapter au défaut du miroir primaire est absolument faux. La correction a bien été apportée dans la chaine optique du télescope par l’insertion du COSTAR (Corrective Optics Space Telescope Axial Replacement) qui corrige « l’image » après renvoi par le miroir primaire et avant son exploitation par les instruments scientifiques. D’ailleurs COSTAR le dit très bien à travers le nom qui lui a été donné.<br /> La technique de correction sur défaut est couramment utilisée en optique astronomique et faisable uniquement si le défaut est uniforme. Certaines optiques de type Schmidt procèdent à une correction par anticipation, c’est le cas des modèles Schmidt-Cassegrain, le plus vendu dans le monde des astronomes amateurs après le modèle de Newton. Le miroir primaire sphérique de cette formule optique allant inéluctablement créer une aberration de sphéricité, une lentille de forme assez exotique appelée lame de Schmidt intercepte la lumière à l’avant du télescope et la déforme de sorte que le défaut du primaire la redresse avant de la transférer au miroir secondaire. Bref, c’est seulement pour vous dire que c’est bien le télescope qui a été réparé et pas les instruments scientifiques qui ont étés déréglés.<br /> Seule une caméra grand champ (qui d’ailleurs a été installée bien après l’ors d’une autre mission de maintenance) a été modifiée par rapport à la structure qu’elle aurait eu si elle avait été installée derrière un télescope correcte, se trouve être différente du projet initial car le COSTAR ne réglait pas son problème particulier de grand champ. Il reste que le résultat de cette modification si elle est très très satisfaisante donne un résultat tout de même un peu inférieur à ce qu’aurait fourni Hubble avec un primaire correcte, car les deux miroirs additionnels de COSTAR diffuse un peu de la lumière reçue ; dans un instrument, moins il y a de surfaces optiques (lentilles ou miroir) moins on perd de lumière.<br /> Serge Rochain
srochain
En tout cas elle a couté la tête de toute la division optique de Perkin Elmer qui l’a fermé à la suite de cette affaire.
srochain
Ramener à Terre, c’est impossible beaucoup trop dangereux mais éventuellement en mer, ça l’est <br /> C’est ainsi qu’à fini la station MIR en pilotant sa chute dans un océan (je ne me souviens plus si c’était le pacifique ou l’indien)<br /> Par ailleurs, c’est un peu gros pour la désintégrer dans l’atmosphère en toute sécurité
ebottlaender
D’une part, on parle de COSTAR au sein de l’article mais aussi et surtout, COSTAR a été enlevé en 2009 (il est d’ailleurs visible au Smithsonian à Washington), et ce sont bien les instruments de Hubble qui sont chacun équipés de leur optique adaptative correctrice. L’affirmation n’est donc pas « absolument fausse ». L’instrument WFPC-2, qui n’était pas concerné par COSTAR, a été le premier a intégrer un défaut inverse de celui du miroir pour pouvoir fonctionner correctement.<br /> D’autre part COSTAR n’a pas tout à fait été intégré dans la chaîne optique, il a pris la place de l’instrument HSP au sein du télescope.
srochain
Les missions d’amélioration successives avaient aussi la charge de remonter Hubble qui perd constamment de l’altitude en raison du freinage des particules atmosphériques encore nombreuse à cette altitude en regard de la surface et du profile anti-aérodynamique de l’engin. De plus cette perte d’altitude le fait accélérer en raison de la troisième loi de Kepler qui impose une vitesse d’autant plus élevée que l’altitude est faible et là c’est une zone de conflit entre le ralentissement du à la densité moléculaire du milieu et de la loi de gravitation qui l’accélère. Intéressant sur le plan de la dynamique orbitale, mais un vrai casse-tête paradoxal pour garder une altitudes constante, ce qui est bien plus facile pour les géostationnaires à 36000 km au-dessus du sol avec infiniment moins de particules atmosphériques résiduelles.
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