Près d'un humain sur sept possède une adresse se terminant par gmail.com. En l'espace de deux décennies, Google a réussi à rendre et à maintenir son service de courriels incontournable, mais connaissez-vous son histoire ?
Bien avant l'apparition des réseaux sociaux et des services de messagerie comme Slack ou Teams, trier sa boîte mail était une corvée obligatoire et parfois même quotidienne. L'espace de stockage laissé par les fournisseurs était quelque peu limité, et les outils mis à la disposition des utilisateurs plutôt rudimentaires – une époque que les moins de vingt ans ne connaissent donc pas.
Au milieu des années 2000, une jeune entreprise californienne du nom de Google lance son propre service de courriels, avec pour objectif de révolutionner un Internet qui était encore loin de ressembler à ce que nous connaissons aujourd'hui.
Trop beau pour être vrai
C'est un phénomène que l'on retrouve chaque année : certaines entreprises adorent nous faire des poissons d'avril (quel mauvais goût…). Google n'est évidemment pas étranger à cette pratique et s'y est régulièrement essayé depuis le début de son existence. Cela n'a toutefois pas pas découragé Michael Liedtke, journaliste de l'Associated Press (AP), d'accepter une invitation à se rendre au siège de l'entreprise le 1er avril 2004, pour y découvrir quelque chose que certains jugeaient digne d'être vu.
C'est un certain Larry Page, cofondateur de Google, qui l'accueillit dans un petit bureau, assis devant un ordinateur portable et affichant « un sourire malicieux », raconte l'agence de presse américaine. Il lui montra une boîte de réception, ouverte dans le navigateur de Microsoft de l'époque, Internet Explorer. L'expérience était fluide et rapide, avec une interface épurée. Surtout, l'entrepreneur souligna l'absence d'un bouton de suppression sur la page principale, la firme de Mountain View faisant le pari qu'il n'y aurait jamais besoin de se débarrasser d'un seul message sur son nouveau service, baptisé Gmail.
De fait, chaque utilisateur s'est vu attribuer 1 Go d'espace de stockage, de quoi préserver environ 13 500 courriels, contre 30 à 60 pour les principaux services concurrents. Ce chiffre paraissait tellement absurde que l'AP a reçu de nombreux messages de lecteurs affirmant que Google lui avait joué un sacré tour. « Cela faisait partie du charme, créer un produit que les gens ne croient pas réel », commente Paul Buchheit, le créateur de Gmail. « Cela a en quelque sorte changé la perception qu'ils avaient des types d'applications possibles au sein d'un navigateur web. »
Un service innovant « Made by Google »
Selon Marissa Mayer, cadre de Google à l'époque de la conception de Gmail, le projet devait se concentrer « sur les trois S : stockage, recherche et vitesse » (soit storage, search and speed, dans la langue de Richard Branson). Il était hors de question pour l'entreprise de ne pas réutiliser le savoir-faire acquis avec son moteur de recherche. Puisque sa boîte mail doit contenir des milliers de messages, autant aider ses utilisateurs à les retrouver facilement en quelques mots clés.
Naturellement, il s'agissait de laisser Gmail fouiller dans les messages reçus et envoyés, afin de collecter des données utiles non seulement à la recherche, mais également et surtout à l'affichage de publicités ciblées. Là encore, Google va réutiliser ses compétences dans un domaine qui n'a rien à voir avec le courrier électronique, à savoir la publicité, pour offrir à ses utilisateurs un service gratuit à vie.
Gmail a connu des débuts modestes, les inscriptions n'étant possibles que sur invitation. « Lorsque nous avons lancé le service, nous ne disposions que de 300 machines, de très vieilles unités dont personne ne voulait », explique Buchheit à l'AP. « Nous n'avions une capacité suffisante que pour 10 000 utilisateurs ».
Alors que Google a progressivement amélioré son infrastructure, ce système d'inscription est resté en place pendant quelques années, obligeant de nombreux utilisateurs à rechercher une de ces invitations tant désirées partout sur la toile. Pour la petite histoire, j'ai obtenu mon compte Gmail à cette époque, grâce à une âme charitable sur un forum de jeux vidéo.
Trois ans après son lancement, le 14 février, Google permettra à n'importe qui de s'y inscrire, sans invitation. Aujourd'hui, le service de courrier électronique de ce qui est devenu, entre-temps, un géant de la tech compte 1,8 milliard de comptes actifs.
La pierre angulaire d'un empire du web
Plus qu'un simple moyen de communiquer et de recevoir des newsletters, Gmail est devenu la pierre angulaire de l'écosystème de Google. Dans les années qui ont suivi, l'entreprise a lancé Google Maps, Google Drive, Google Docs, Google Photo, Google Agenda, Hangout (devenu Meet), acquis YouTube et dominé les secteurs de la navigation sur internet et de la téléphonie mobile avec Google Chrome et Android. Pour vous connecter à tous ces services et sauvegarder vos données, vous avez besoin d'un compte Google, et donc d'une adresse e-mail se terminant par gmail.com.
Au fil des années, la boite mail s'est développée et est devenue plus complète. L'espace de stockage n'a cessé de croître pour atteindre les 15 Go dont bénéficient désormais tous les utilisateurs disposant d'un compte Google. Gmail permet aussi d'installer des thèmes et des extensions pour personnaliser son expérience. Enfin, la détection des spams est continuellement améliorée, les reléguant plus que jamais au statut de reliques d'une époque révolue (du moins, en théorie).
Si le succès de Gmail est d'abord dû à son efficacité et à ses fonctionnalités, le tout à un prix imbattable, il est aussi resté populaire en devenant un véritable passeport pour se connecter à des services tiers. Plus besoin de connaître plusieurs mots de passe pour différents sites et applications : il suffit d'avoir un compte Google. Il est donc presque impossible de s'en défaire, un peu comme pour illustrer la difficulté de se dégoogliser.
Les années 2020 : un tournant pour Gmail ?
Le service doit s'adapter à un Internet destiné à évoluer sans cesse à une vitesse vertigineuse. Nombreux sont ceux qui prédisent la fin du courrier électronique, les réseaux sociaux étant appelés à le remplacer selon certains. Google ne ménage pas ses efforts pour que son service reste incontournable, en le dotant d'une interface de messagerie instantanée, en le rendant toujours plus pratique et en simplifiant la vie de ses utilisateurs. Et, bien sûr, en en faisant l'une de ses premières plateformes à bénéficier des innovations acquises avec l'intelligence artificielle générative.
Alors, à quoi ressemblera Gmail dans 20 ans ? Répondre à cette question relèverait de la divination, et lire dans les entrailles des œufs de Pâques ne permet malheureusement pas de s'y essayer. Cependant, on peut imaginer que Google n'est pas près de l'envoyer dans son fameux cimetière des services abandonnés, tant il fait profondément partie de son écosystème, mais également, pour le meilleur et pour le pire, de notre quotidien.
Source : The Associated Press
Geek hyper connecté et féru de podcasts, je suis toujours en train de lire ou écouter des points infos en tout genre. Entre histoire, tech, politique, musique, jeux-video et vulgarisation scientifique : toute l'actualité (ou presque) attise ma curiosité. Sinon, j'aime le rock et le lofi, les game-nights toujours trop longues, les bons films et les nanards.
Lire d'autres articles
