L’accord entre la startup française Mistral et Microsoft provoque des remous à Bruxelles, tandis que Paris se congratule

Corentin Béchade
Publié le 28 février 2024 à 08h18
Le partenariat entre Microsoft et Mistral fait grincer des dents à Bruxelles © IB Photography / Shutterstock
Le partenariat entre Microsoft et Mistral fait grincer des dents à Bruxelles © IB Photography / Shutterstock

Tout juste noué, le mariage entre Microsoft et Mistral AI, jeune entreprise française, provoque déjà des remous. L’Union européenne estime que Paris n’a pas joué franc jeu.

Microsoft devient-elle un peu trop dominant dans le secteur critique de l’intelligence artificielle ? La France a-t-elle saboté des directives européennes pour protéger ses startups ? Les élus hexagonaux sont-ils trop sensibles aux lobbys américains de la tech ? Toutes ces questions et d’autres sont au cœur de nouvelles discussions à Bruxelles suite à l’investissement de Microsoft dans la jeune pousse Mistral AI.

L'UE regarde Microsoft de très près

Résumons l’affaire : le 26 février, Microsoft annonce investir 15 millions d’euros dans Mistral, l’entreprise hexagonale qui souhaite bousculer la domination de ChatGPT avec son nouveau chatbot surnommé « Le Chat ». L’accord est signé en grande pompe, Microsoft se félicite de cette opportunité de « débloquer de nouvelles opportunités commerciales » et Mistral annonce que son modèle de langage sera disponible sur le nuage Azure du géant.

Du côté de l’exécutif français, on se félicite aussi. Marina Ferrari, la toute fraîchement élue secrétaire d’État au Numérique, explique à La Tribune qu’il faut « se réjouir de cet accord » et que c’est une bonne chose « qu’une jeune entreprise française réussisse un partenariat de cette ampleur avec Microsoft ». Sauf qu’au-dessus, cette nouvelle fait grincer des dents. Quelques heures après l’annonce du partenariat, les autorités anticoncurrentielles européennes se sont mises à demander une enquête formelle pour déterminer si la domination de Microsoft dans le secteur de l’IA générative ne venait pas enfreindre les règles des 27.

Microsoft est déjà regardée de très près sur le sujet en raison de son investissement massif dans OpenAI. Dans ce cadre-là, l’investissement supplémentaire dans Mistral pourrait donner trop de pouvoir à un seul acteur, explique Reuters.

Un timing suspect

Mais il ne s’agit pas que d’une histoire de gros sous. Les autorités européennes se sont également ému du timing de cette annonce, quelques semaines à peine après l’adoption risquée de l’IA Act. Le gouvernement français et Mistral ont, à l'époque, poussé de toutes leurs forces pour que le texte soit le plus tendre possible avec les entreprises européennes, quitte à le faire quasiment capoter sur la ligne d’arrivée.

« Cette histoire semble avoir été une couverture pour une opération de lobbying des grandes entreprises technologiques américaines », a dénoncé Kim Van Sparrentak, députée européenne. « Les régulateurs se sont fait rouler », estime l’élue. L’Open Markets Institute, une ONG spécialisée dans le droit à la concurrence en Europe, estime que « cette annonce montre bien que les arguments pour faire échouer l’IA Act sur l’autel des “champions européens” n’étaient qu’une mascarade ».

La secrétaire d’État au Numérique se défend quant à elle d’un quelconque conflit d’intérêts. À La Tribune, elle précise que l’état n’avait « pas connaissance des négociations commerciales de Mistral » et que la position française visait simplement à « défendre l’intérêt général, par rapport à l’état du développement de l’IA dans notre pays ». À voir si Bruxelles se laisse convaincre.

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Par Corentin Béchade

Journaliste depuis quasiment 10 ans, j’ai écumé le secteur de la tech et du numérique depuis mes tout premiers chapôs. Bidouilleur (beaucoup), libriste (un peu), j’ai développé une spécialisation sur les thèmes de l’écologie et du numérique ainsi que sur la protection de la vie privée. Le week-end je torture des Raspberry Pi à grands coups de commandes 'sudo' pour me détendre.

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g-jack

Et il y a quelques semaines l’argument de Niel n’était pas de dire dans les médias qu’il était important que la France développe sa propre AI pour justement garder sa souveraineté numérique et surtout être garant des données utilisées ?

Kriz4liD

Entre ce qui est dit et ce qui est fait…
Moi je vois la un coup de Microsoft pour que Mistral ne part pas chez la concurrence.

Yannick2k

le problème n’est pas l’IA, c’est l’accord avec Microsoft, une société non européenne…

pecore

“Mieux vaut un demon qu’on connait qu’un ange qu’on ne connait pas !”

Je ne suis pas fan des IA et de leur omniprésence. Mais s’il faut vraiment qu’on en passe par elles, un moindre mal serait qu’elles soient créées et contrôlées par nous, plutôt que par d’autres pays.

On s’est assez plaints de ne pas avoir notre propre réseau social Européen. Ne faisons pas la même erreur avec l’IA.

philouze

raz le bol d’Azur, comme si on pouvait pas bosser en cloud sans azure/aws

bizbiz

C’est pas pour dire mais comme le dirait l’autre, Bruxelles « commence à nous les briser menu menu » !

Binbin

Pourquoi Mistral AI n’a-t-il pas conclu un partenariat avec OVH cloud ?

Pourquoi le gouvernement français qui a protesté à la proposition de nomination d’une américaine au poste clé de la commission de régulation des géants de la tech, permet à Microsoft de resserrer son étau sur la startup Mistral AI ?

Je rappelle que Microsoft a investi 100 fois plus dans le concurrent de Mistral AI, à savoir Open AI, et qu’il est toujours très aventureux d’avoir un investisseur qui a aussi investi, de surcroit à un niveau incommensurablement plus élevé chez votre concurrent…

Et on parle de plus de Mircrosoft qui nous a démontré son incroyable et extraordinaire capacité à éliminer toute forme de concurrence dans le domaine du système d’exploitation depuis près de 50 ans…

Je suis juste consterné…

Cynian90

C’est pas juste une histoire de flouze ? Les gérants de Mistral se tappaient quoi, 300k$ par an ? Ils se sont fait combien de millions en un an là ?

TNZ

ça pourrait être un truc du genre … mais, pour moi, c’est plutôt une opération de rachat semi-déguisée d’un concurrent potentiellement sérieux à la suprématie naissante de MS dans le domaine de l’IA.

Cette méthode de rachat déguisé est une manip’ courante dans le business model US. Ils veulent être tout seul sur le sujet et imposer leur façon de voir à toute la planète (avant qu’un cadre légal soit posé).

Et nos technocrates qui se félicitent … je suis dépité. Comment peut on afficher une telle incompétence et un cynisme aussi flagrant ? Plus ça va plus il est difficile de ne pas faire de parallèle avec des épisodes sombres de l’histoire. Y’a des baffes qui s’perdent !

MattS32

Les modèles de Mistral AI sont déjà disponibles chez OVH : OVH lance de nouvelles fonctionnalités pour "démocratiser" l'intelligence artificielle

Mais le but d’une entreprise comme Mistral, c’est de maximiser l’utilisation de ses modèles. Pour ça, il faut qu’un maximum de gens puissent y accéder. Donc ça tombe sous le sens qu’il faut qu’ils sont disponibles chez un maximum de prestataires fournissant des services d’accès à des modèles d’IA.

Si une entreprise est cliente des services Azure et a besoin d’un LLM, elle va pas utiliser celui de Mistral s’il n’est disponible que chez OVH ou si elle doit se créer sa propre instance privé sur Azure (plus coûteux, tant en facturation par Azure qu’en personnel pour le gérer).