Blablacar a longtemps été sous perfusion économique de Total © NeydtStock / Shutterstock.com
Blablacar a longtemps été sous perfusion économique de Total © NeydtStock / Shutterstock.com

La « pépite » française Blablacar a largement et longtemps été financée par Total grâce à un montage financier aux allures écoresponsables, révèle le journal Le Monde.

Le covoiturage est un bon moyen de se déplacer de manière plus écologique, évitant de mettre autant de voitures qu’il n’y a de personnes sur la route. Mais qu’en est-il lorsque ce moyen de déplacement est sponsorisé par Total, géant de l’hydrocarbure ? Comme l’a révélé une enquête du journal Le Monde, la startup française Blablacar aurait en effet touché d’importantes sommes d’argent de la part de la multinationale de l’énergie, désireuse de verdir son image.

Une manne pour Blablacar

Comme l’explique le quotidien du soir, autour de 2012, celle que l’on n’appelait pas encore TotalEnergies se voit imposer des nouvelles obligations par l’État. Afin de soutenir la transition écologique, l’entreprise doit soutenir un certain nombre d’actions en faveur de la sobriété énergétique. Ces efforts sont mesurés par des « Certificats d’économies d’énergie » (CEE) qu’il est possible d’acquérir auprès de structures agréées par l’État.

Malin, le pétrolier français décide de faire le plein de CEE en soutenant le covoiturage, une industrie tout à fait compatible avec son modèle économique. À l’époque, Blablacar est la seule entreprise de covoiturage à pouvoir bénéficier du mécanisme des CEE. Un accord est alors passé entre Total et Blablacar : chaque conducteur ou conductrice enregistré sur la plateforme génère plusieurs dizaines d’euros pour la startup et permet à Total d’acquérir facilement des CEE.

Publiquement, le montage est approuvé par le ministère de l’Écologie et Blablacar propose même des « cartes carburant » à ses nouveaux inscrits, à utiliser dans les stations-service du géant de l’énergie bien sûr. Problème, les détails de l’accord ont été tenus secrets et Blablacar a été la seule entreprise de covoiturage à bénéficier de ce « marché des CEE » pendant de nombreuses années. Le « leader mondial du covoiturage », comme qualifié par Emmanuel Macron en 2022, peut alors se développer rapidement et rachète même son concurrent Klaxit en avril 2023.

Le covoiturage ne décolle pas en France

La même année, un nouveau système ouvrant plus largement l’accès aux autres plateformes est mis en place pour apaiser la grogne des acteurs du secteur. Tous les services de covoiturages sont éligibles et une « prime » de 100 euros est même proposée aux nouveaux automobilistes partageant leurs véhicules, via l’intermédiaire des entreprises concernées.

Ce mécanisme de soutien massif par l’État part du principe que « chaque nouvel inscrit effectuera 225 trajets par an pendant les cinq prochaines années », précise Le Monde. Sauf qu’en réalité, plus de la moitié des bénéficiaires de la prime ont réalisé « moins de dix trajets en 2023 ». De quoi minimiser la réduction des gaz à effet de serre espérée tout en faisant croire à une réussite du dispositif.

Concrètement, le nombre de voitures en circulation en France ne baisse par contre pas, au contraire. Selon les chiffres du ministère de la transition écologique, 38,9 millions de véhicules auraient sillonné les routes de France en 2023, un chiffre en légère hausse depuis 2016. Un rapport de 2022 indique même que « seuls 3 % des passagers déclarent avoir covoituré pour leurs déplacements en voiture » et que « le taux d’occupation des véhicules reste quasi stable entre 2008 et 2019 » avec 1,4 personne par voitures en moyenne. De quoi douter de la réussite de ces nombreux plans covoiturage.

Source : Le Monde