Loi Sécurité globale : comment la proposition s'est (largement) imposée dans le débat public

Alexandre Boero
Par Alexandre Boero, Journaliste-reporter, responsable de l'actu.
Publié le 23 novembre 2020 à 15h30
© Pixabay
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Bénéficiant du régime de procédure accélérée, la proposition de loi de la majorité a été adoptée par l'Assemblée nationale, vendredi. En attendant que le Sénat se prononce, les opposants au texte sont de plus en plus nombreux, et sont loin de s'arrêter à l'Hémicycle.

Signe de la tension extrême qui règne autour de la proposition de loi Sécurité globale, l'Assemblée nationale était littéralement barricadée, vendredi 20 novembre, pour le vote et l'adoption par la même du texte par les députés en première lecture. L'objet de la discorde, c'est l'article 24 de la proposition de loi. Celui-ci prévoit l'interdiction de la diffusion d'images de policiers en intervention. Les opposants y voient une loi liberticide, avec une entrave sévère à la liberté d'expression et au droit d'informer.

Le gouvernement recule, évoquant une violation qui devra être « manifeste », et protégeant le « droit d'informer »

Après plusieurs jours de débats parfois houleux, le gouvernement, qui avait déposé un amendement, est parvenu à faire adopter par l'Assemblée nationale le très controversé article 24 de la proposition de loi Sécurité globale, à 146 votes pour et 24 contre. Après avoir mis de l'eau dans son vin et tenté de calmer la grogne ambiante, le gouvernement a donc réussi son pari.

Le saviez-vous ? 🤔

La loi de Sécurité globale n'a pas encore été définitivement adoptée, contrairement à ce que l'on pourrait croire. Pour l'instant, seule l'Assemblée nationale l'a adoptée, en première lecture. Comme la procédure accélérée a été retenue, la navette parlementaire s'en trouvera limitée, certes, mais il faudra, d'abord, que le Sénat se prononce à son tour sur cette proposition de loi, pour que celle-ci soit définitivement adoptée.

Désormais, l'article 24 de la loi prévoit de punir de 45 000 euros d'amende et d'un an d'emprisonnement « le fait de diffuser, par quelque moyen que ce soit et quel qu'en soit le support, dans le but manifeste qu'il soit porté atteinte à son intégrité physique ou psychique, l'image du visage ou tout autre élément d'identification, autre que son numéro d'identification individuel, d'un agent de la police nationale, d'un militaire de la gendarmerie nationale ou d'un agent de police municipale, lorsque ces personnels agissent dans le cadre d'une opération de police ».

Concrètement, qu'est-ce qui change par rapport à la version initiale ? Si vous êtes observateur(trice), vous remarquerez que le gouvernement a souhaité indiquer que l'intention malveillante se doit d'être « manifeste » s'agissant de la diffusion, notamment sur les réseaux sociaux, d'une image d'un représentant des forces de l'ordre. L'Assemblée nationale a souhaité mettre en évidence le fait que ce nouveau délit, ô combien critiqué, ne doit pas porter préjudice « au droit d'informer ». Interrogé dimanche soir à ce sujet dans l'émission BFM Politique, le ministre de la Justice, Éric Dupond-Moretti, a rappelé qu' « il n'est pas question d'interdire à des journalistes de filmer ».

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Les médias ne veulent pas être placés « sous le contrôle » de la police

La proposition de loi, qui vise aussi à encadrer l'utilisation de drones notamment lors des manifestations ainsi que la disponibilité en temps réel des images captées par les caméras mobiles des policiers et gendarmes, a causé plusieurs manifestations ces derniers jours en France, toutes motivées par la volonté de faire disparaître dans sa forme actuelle l'article 24 du texte.

Qu'ils soient gilets jaunes, militants défenseurs des droits, étudiants ou journalistes, beaucoup ont protesté dans la rue, ce week-end, notamment dans la capitale. Certains redoutent en effet que l'adoption de cette loi ne mette fin symboliquement à la répression policière et à la documentation de violences en manifestation, qui forcément, sans images, n'existeraient théoriquement plus.

Pour les journalistes désireux de couvrir les manifestations, un système d'accréditation à obtenir auprès de la Préfecture de police pourrait être mis en place. « Les journalistes n’ont pas à se rapprocher de la Préfecture de police pour couvrir une manifestation. Il n’y a pas d’accréditation à avoir pour exercer librement notre métier sur la voie publique. Nous refuserons, pour cette raison, d’accréditer nos journalistes pour couvrir les manifestations », ont écrit, vendredi, plusieurs médias dans une tribune. Car demander une accréditation pour couvrir une manifestation reviendrait, selon eux, à être sous contrôle de la police, au nom d'une prétendue protection policière.

À gauche et à droite, comme dans la rue, la proposition de loi est encore loin de faire l'unanimité. Les prochaines discussions promettent d'être, une fois de plus, houleuses.

Par Alexandre Boero
Journaliste-reporter, responsable de l'actu

Journaliste, responsable de l'actualité de Clubic. En soutien direct du rédacteur en chef, je suis aussi le reporter et le vidéaste de la bande. Journaliste de formation, j'ai fait mes gammes à l'EJCAM, école reconnue par la profession, où j'ai bouclé mon Master avec une mention « Bien » et un mémoire sur les médias en poche.

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nicgrover

Macron assure ses arrières… L’affaire Benalla est passée par là…

nikon561

dans tout ce que contient cette loi vous ne retenez, comme tous les médias, que l’épouvantail destiné a canaliser les critiques et éventuellement sauter a la fin pour faire croire a une reculade…

AlexLex14

Si tu as lu notre article initial, en date du 4 novembre, nous soulevions trois articles pouvant avoir un rapport avec un contexte tech et numérique : les articles 21, 22 (qui ont disparu des débats) et l’article 24 : https://www.clubic.com/pro/legislation-loi-internet/actualite-19885-police-reseaux-sociaux-et-drones-ce-que-prevoit-la-loi-securite-globale-portee-par-darmanin.html

Aujourd’hui, et c’est tout l’intitulé de l’article, nous essayons d’expliquer « comment » la loi s’est installée dans les débats, qui la défend et pourquoi, qui la soutient, et pour cet article 24 pose problème aux yeux d’une partie de l’opinion.

Les considérations politiques, nous n’avons pas à nous en occuper. La motivation : c’est d’essayer de donner les clés pour que chacun puisse se faire son idée, pas de faire de l’idéologie politique :slight_smile: le but étant de rester neutre.

Voili voilou

tangofever

Le DROIT A LA BAVURE POLICIÈRE à été actée par un texte de loi.
La grogne monte , Macron prend les devants avants les manifs à venir en donnant la LIBERTÉ de frapper aux policiers sans être inquiétés, comme ça il pourra mieux les utiliser.
La presse qui le défendait tant, on verra quand les journalistes vont être éborgnés, les doigts explosés, le matériel confisqué.
Parce qu’il ne faut pas croire que les journalistes seront protégés sous couvert de la liberté de la presse, sont’ils généralement appréciés par cette profession ?
Et puis pourquoi une loi pour les FLICS et pas pour les autres, les professeurs et tout les actifs du service public, etc…

mang_kon_si_kaow

Comme d’hab c’est pour votre bien

cirdan

« Comme la procédure accélérée a été retenue, la navette parlementaire s’en trouvera limitée, certes, mais il faudra, d’abord, que le Sénat se prononce à son tour sur cette proposition de loi, pour que celle-ci soit définitivement adoptée. »
Elle sera législativement adoptée, mais pour qu’elle le soit définitivement avec ces articles il faudra qu’elle évite une censure du Conseil Constitutionnel qui sera surement saisi.

« Certains redoutent en effet que l’adoption de cette loi ne mette fin symboliquement à la répression policière »
Si ça met fin à la répression policière, c’est plutôt une bonne chose, non ? :wink:

Cette loi a pour but de créer une bulle d’intervention afin de cacher les interventions des forces de l’ordre aux yeux de tous. Elle prend pour excuse la diffusion d’images de policiers sur les réseaux sociaux dans le but de les identifier publiquement. Mais la ficelle est un peu grosse, l’arsenal législatif qui permet de sanctionner ces faits existe déjà.
La Police est au service des citoyens, ses interventions n’ont pas à être cachées dans nos pays démocratiques. Dans les pays autoritaires, ça se comprend…
Un débat qui a largement dépassé nos frontières :

nirgal76

« Certains redoutent en effet que l’adoption de cette loi ne mette fin symboliquement à la répression policière et à la documentation de violences en manifestation, qui forcément, sans images, n’existeraient théoriquement plus. »…mouais.
De ce qu’on comprends de cet article, c’est que les images existeront puisque c’est la diffusion public qui deviendrait interdite sous certaines conditions, pas la captation qui elle reste « libre ». La seule possibilité de diffuser des images de violences policières où les policiers pourraient être identifié sera donc à la justice (populaire, pas la populiste sur twitter).

AlexLex14

Absolument, très bonne précision

nikon561

mais oui bien sur. déjà aujourd’hui, en l’état ou la captation est autorisée, les FDOs menacent pour faire cesser la captation ou effacer les images. alors demain avec cette loi…

noname78

la dictature avance à pas feutrés… En quoi celà gêne t’il les policiers d’être filmés ?. Si ce n’est pour camoufler les bavures comme avec les gilets jaunes.
Déjà sur internet vous ne pouvez plus poster votre avis si il ne correspond pas à la pensée unique imposée par les médias mainstream. Nous nous dirigeons subrepticement vers un monde à la Orwell. Ce n’est pas de bonne augure.