Les véhicules hybrides rechargeables pollueraient deux à quatre fois plus qu'estimé

Rémi Bouvet
Publié le 05 octobre 2020 à 17h23
hybrid

Le principal argument de vente des véhicules hybrides rechargeables repose sur leurs faibles émissions de CO2 ; sauf qu'en réalité, celles-ci sont nettement sous-estimées.

Comme n’importe quel véhicule commercialisé, un véhicule hybride rechargeable est soumis à des tests d’homologation qui mesurent ses émissions de gaz à effet de serre ; ces tests sont malheureusement souvent accusés de ne pas refléter les émissions réelles des voitures. Cette critique est d’autant plus fondée pour les véhicules électrifiés. La raison : ils sont équipés d'un moteur à combustion et d'un moteur électrique, et leurs émissions dépendent très fortement des habitudes de conduite de leur propriétaire ; plus encore que dans le cas des voitures équipées d’un seul moteur à combustion.

Les habitudes de conduite de plus de 100 000 conducteurs décortiquées

En matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre pour le secteur automobile, l’Europe a fixé le cap : celles-ci doivent diminuer d’environ 40 % d’ici 2030. Pour parvenir à cet objectif, les constructeurs ont recours à diverses stratégies ; parmi celles-ci, l’hybridation des véhicules. Or, une récente étude, menée conjointement par l'institut allemand Fraunhofer pour la recherche sur les systèmes et l'innovation (ISI) et le Conseil international pour le transport propre (ICCT), montre que les valeurs d’émissions communiquées de ces véhicules sont très éloignées des valeurs réelles.

« En moyenne, les valeurs réelles de consommation de carburant et d'émissions de CO2 des véhicules hybrides rechargeables pour les conducteurs privés en Allemagne sont plus de deux fois plus élevées que celles enregistrées par la procédure de test officielle. Pour les voitures de société, l'écart est même quatre fois supérieur aux valeurs officielles », rapporte Patrick Plötz, coordinateur de la Business Unit Energy Economy au Fraunhofer ISI et auteur principal de l'étude.

Cette déclaration s’appuie sur une enquête d’envergure. Elle se base sur des éléments recueillis auprès de plus de 100 000 conducteurs de véhicules électriques hybrides rechargeables répartis aux quatre coins du globe : Europe, Amérique du Nord et Chine. Les chercheurs ont étudié des données anonymes sur l’utilisation de ces véhicules, renseignées par les utilisateurs eux-mêmes sur des portails tels que MyMPG (États-Unis) et Spritmonitor (Allemagne) ; cela inclut également les voitures de société.

Des moteurs électriques finalement très peu utilisés

Le constat est sans ambiguïté : la plupart des conducteurs ne rechargent pas souvent leur véhicule. Ainsi, la majorité des trajets s’effectuent grâce au moteur à combustion.

Concrètement, en Allemagne, les utilisateurs privés ne rechargent leur véhicule hybride que trois jours sur quatre ; pour les voitures de société, la fréquence de recharge tombe à un jour sur deux. Par conséquent, en moyenne et au niveau mondial, les véhicules hybrides rechargeables privés n’effectuent que 37 % de leur kilométrage en mode électrique ; pour les véhicules de société, cette valeur n’est que de 20 %.

Le hic, c’est que les tests d’homologation ont une prévision d'utilisation du véhicule en mode électrique bien plus optimiste : 69 % dans un cadre privé, 63 % dans un cadre professionnel. Forcément, par rapport à la réalité, cela réduirait drastiquement la consommation de carburant et donc les émissions de CO2.

L’étude rapporte ainsi : « La part réelle de la conduite électrique des VHR est, en moyenne, environ la moitié de la part considérée dans les valeurs d’homologation. Pour les voitures des particuliers, le facteur d'utilité moyen (UF) - la proportion de kilomètres parcourus sur un moteur électrique par rapport aux kilomètres parcourus sur un moteur à combustion - est de 69 % pour le NEDC (Nouveau cycle européen de conduite), mais seulement d'environ 37 % pour la conduite en conditions réelles. Pour les voitures de société, l’UF moyen est de 63 % pour le NEDC ; en conditions réelles, il est de 20 % ».

Si le prorata électrique/thermique avancé par le NEDC peut sembler aberrant, de fait, les pratiques du conducteur ont une réelle incidence sur celui-ci. Et de fait, la part d’utilisation du véhicule en mode électrique varie beaucoup selon les pays.

D'après le rapport, les bons élèves se trouvent principalement en Norvège et aux États-Unis : les conducteurs privés de véhicules hybrides qui résident dans ces deux contrées roulent en moyenne 53 % et 54 % respectivement en électrique. Situation inverse en Chine, où seulement 26 % de la distance parcourue repose sur l'électrique, toujours dans le cadre d’un usage domestique. En Allemagne, 43 % des trajets se pratiquent en électrique chez les privés, mais seulement 18 % pour les voitures de société.

Des préconisations pour changer les habitudes des conducteurs

Les auteurs de cette étude demandent à la Commission Européenne de réévaluer ses procédures de test et d’avoir recours à des valeurs plus pertinentes pour le NEDC.

Vous l’imaginez, au regard de l’impact des habitudes de conduite des automobilistes, ils préconisent aussi quelques mesures incitatives pour modifier les comportements ; et celles-ci risquent ne pas plaire à tout le monde…

Par exemple, les chercheurs prescrivent de conditionner les subventions octroyées lors de l’acquisition d’un véhicule hybride à la démonstration d’une conduite réellement électrique de la part du propriétaire de la voiture ; dans un contexte professionnel, ils exhortent les gestionnaires de parcs automobiles à faciliter la recharge et à restreindre le budget essence/diesel pour inciter les employés à mieux exploiter les capacités électriques de leur véhicule.

Enfin, les chercheurs souhaitent que les constructeurs augmentent l’autonomie des véhicules hybrides de 50 à 90 kilomètres et limitent la puissance du moteur à combustion ; cela, toujours dans l’optique de contraindre les conducteurs à conduire essentiellement en électrique.

Peter Mock, directeur l’ICCT, conclut : « Les gouvernements nationaux devraient fournir des incitations fiscales uniquement pour les modèles de véhicules hybrides rechargeables qui offrent une grande autonomie électrique et limitent la puissance du moteur à combustion intégré ».

Rémi Bouvet
Par Rémi Bouvet

Aucun résumé disponible

Vous êtes un utilisateur de Google Actualités ou de WhatsApp ?
Suivez-nous pour ne rien rater de l'actu tech !
Commentaires (0)
Rejoignez la communauté Clubic
Rejoignez la communauté des passionnés de nouvelles technologies. Venez partager votre passion et débattre de l’actualité avec nos membres qui s’entraident et partagent leur expertise quotidiennement.
Commentaires (10)
Bombing_Basta

Ça devient une marotte…

Tant qu’on ne mesurera pas les émissions des voitures en conditions réelles, avec un panel de conducteurs choisis au hasard (voulant bien participer) et bien on aura cette polémique qui durera.

C’est comme ça que je me retrouve avec une voiture essence sensée consommer max 6l/100 en ville, et que les bons jours, je suis au mieux à 7.5 litres, et que je monte si je suis énervé à 8.5 litres…

pascal16

Les commerciaux avec des Prius hybrides vous diront qu’ils consomment plus qu’avec une voiture normale car leur comportement routier est à l’opposé de ce qui permet à une hybride d’être rentable.

MattS32

C’est essentiellement un problème d’usage : les gens achètent des hybrides rechargeables sans comprendre le principe d’une hybride rechargeable, en croyant que c’est juste une hybride avec une batterie plus grosse. Mais une hybride rechargeable, si on ne peut pas charger quasiment tous les jours, au boulot ou à la maison, ça ne sert à rien, mieux vaut une hybride simple, qui sera plus légère.

Et ce problème est encore amplifié par les avantages fiscaux aux entreprises, qui font que beaucoup se retrouvent avec des PHEV en véhicule de fonction, mais avec une boîte qui ne paye que le carburant, pas les recharges électriques. Du coup, l’utilisateur l’utilise comme une hybride classique… le poids en plus.

Après, faut aussi relativiser : même avec x2-x4 par rapport à l’homologation, ça reste moins gourmand que toutes les essences équivalentes. Sur une Prius PHEV, x2-x4, ça donne une plage de 2.6-5.2 l/100km. Y a pas une seule berline essence équivalente qui soit homologuée pour si peu.

Idem si on regarde par exemple le Captur PHEV. Ça donne 3-6 l/100km, alors que le Captur TCe 130 (quasi équivalent en performances) est donné pour 6.2-6.4 l/100km… Et encore, la consommation réelle est sans doute là aussi supérieure à la valeur d’homologation, même si le cycle WLTP donne des résultats plus réalistes.

cirdan

On pourrait bien se douter qu’une entreprise de livraison qui achète une flotte d’hybrides rechargeables avec une autonomie électrique de 40 à 50 kms ne va pas en profiter beaucoup. Ni celui qui habite en immeuble et qui doit galérer pour trouver une prise.
Par contre, ils vont tous profiter d’incitations fiscales et de la fameuse vignette Crit’Air 1.
Cette étude ne m’étonne pas, il y a beaucoup d’hypocrisie dans ce domaine mais on ferme les yeux, un peu pour favoriser les constructeurs et beaucoup pour se donner une bonne conscience écologique.

cirdan

Autant utiliser les hybrides non rechargeables, elles peuvent être remarquables en autonomie, notamment chez Toyota.
Après, c’est sûr que si on conduit comme une brute, il n’y a aucune bonne solution.

zoup01

Un phev, si tu ne prends pas la peine de la recharger à domicile tous les jours ne sert quasiment à rien…

Autant prendre le modèle essence équivalent qui consommera moins puisque moins lourd ( et te coûtera moins cher).

Nissart

le concept de l’hybride est batard de base. C’est vraiment de la transition lente vers quelque chose de plus vertueux.

MattS32

« Autant prendre le modèle essence équivalent qui consommera moins puisque moins lourd ( et te coûtera moins cher). »

Non, quand même pas. Parce qu’une hybride rechargeable reste une hybride. Si on charge jamais, une hybride classique consommera un peu moins, mais une thermique pure consommera plus, à part peut-être sur autoroute.

Automobile Magazine a fait de mesures « batterie vide » sur le Captur PHEV, en usage réel, ils sont restés à seulement de 5.4 l/100 en ville…

le_cassos

tout à fait, jamais compris l’utilité de la chose. Soit t’achètes une caisse tout électrique soit thermique mais pas les 2 ensemble. Ca ne rime à rien, tu as toujours les désagréments du thermiques, à savoir tous les fluides, filtres, boite de vitesse, encrassement moteur, pot échappement, pollution. Et de l’autre côté une batterie qui se décharge à vitesse grand V, peu de kilomètres en tout électrique, poids, …
La caisse hybride ou plutôt batarde.

jcc137

Je n’arrive pas à comprendre comment les gens font pour se laisser berner par le modèle hybride qui conjugue les deux inconvénients du thermique et de l’électrique.
Soit on continue avec du thermique et on allège le poids à charge d’un moteur électrique (et de sa lourde batterie) et on fait des économies de consommation, soit on prend du global électrique et on en finit avec les problèmes spécifiques au thermique, c’est quand même là son avantage non négligeable.