Ariane 6 ne décollera pas avant l'été 2021

Eric Bottlaender
Spécialiste espace
13 juillet 2020 à 13h50
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Vue d'artiste d'Ariane 6 sur son pas de tir. Crédits CNES
Vue d'artiste d'Ariane 6 sur son pas de tir. Crédits CNES

Le grand lanceur européen, qui doit remplacer Ariane 5 et abaisser les coûts de 40 % sera retardé d’au moins six mois. En cause, des délais techniques et un impact durable de la pandémie de COVID-19.

La période de transition entraîne notamment des changements de contrats.

Du retard et une meute en embuscade 

C’était une annonce aussi délicate qu’attendue : en coulisses il se murmurait depuis des mois qu’Ariane 6 ne pourrait pas décoller d’ici la fin de l’année depuis Centre Spatial Guyanais. L’ESA et ArianeGroup ont attendu ce 9 juillet, à la réunion de l’AJPAE (Association des journalistes professionnels de l'aéronautique et de l'espace) pour expliquer que le lancement du nouveau fleuron européen serait repoussé au moins à l’été 2021. Un coup dur prévisible mais embarrassant…

D’une part car Ariane 6 est attendue pour ses performances et la réduction des coûts qu'elle suppose, et de l’autre car la concurrence progresse elle aussi. Les lanceurs japonais H-3 et américains Vulcan entreront probablement en service avant Ariane 6, avec des performances techniques équivalentes, tandis que Blue Origin prépare son lanceur New Glenn. De son côté, Falcon 9 de SpaceX continue de perturber le marché mondial avec des coûts très bas. 

Les longs échos du COVID-19… 

Pour André-Hubert Roussel (ArianeGroup) et Daniel Neuenschwander (ESA), ce retard au second semestre 2021 (certains évoquent même déjà la fin 2021) est directement lié à la crise et à la situation sanitaire du COVID-19. Le confinement et l’évacuation du Centre Spatial Guyanais, les mesures exceptionnelles mises en place depuis et des conséquences qui se répercutent sur toute la chaîne de sous-traitance ont un impact direct sur le calendrier.

Même s’ils concèdent aussi quelques soubresauts techniques, comme des difficultés avec les bras rétractables qui acheminent le carburant cryogénique au lanceur, les responsables du programme ont rappelé que les opérations n’ont pas pu reprendre aujourd'hui le rythme qu’elles soutenaient jusqu’au mois de mars. Comble de malchance, la Guyane est l’un des départements les plus touchés par l’épidémie ces dernières semaines. Lorsque la vie des travailleurs sur place et de leur proches est sur la balance, le respect du calendrier du chantier d’Ariane 6 doit rester (heureusement) secondaire. 

Vue d'artiste de la préparation d'un étage supérieur Ariane 6. Crédits CNES
Vue d'artiste de la préparation d'un étage supérieur Ariane 6. Crédits CNES

Difficiles dernières étapes 

La fin du développement d’Ariane 6 et de Vega C, les deux nouveaux lanceurs approuvés fin 2014 par l’ESA reste un sujet délicat. Tous deux utilisent le booster P120, qui doit être testé au banc une dernière fois au Centre Spatial Guyanais cet été (actuellement prévu en août).

Vega C subit par ailleurs les retards de la première version du petit lanceur, clouée au sol après un échec l’année dernière, et une météo exécrable en haute altitude en ce début d’été.

Mais pour Ariane 6 aussi il reste de grandes étapes à valider, notamment l’arrivée et l’intégration sur le site d’un exemplaire structurel du lanceur qui servira de test final pour les installations. Puis ce sera la fusée pour le vol inaugural… Dont on ne sait toujours pas aujourd’hui s’il sera au service ou non de la constellation OneWeb. Autant d’incertitudes pèsent lourd pour établir pour une date de lancement précise. 

Les clients au centre du débat 

Dans ce contexte complexe, on assiste à un véritable ballet de contrats et d’options autour des décollages pour la période 2021-2023. Le prochain lot de satellites de positionnement Galileo par exemple, qui était le tout premier contrat assigné à Ariane 6, a été transféré sur Soyouz pour pouvoir respecter les délais du déploiement.

À l’inverse, deux satellites dont le décollage était prévu sur Ariane 5 et dont le développement prend du retard pour l’opérateur européen de météorologie Eumetsat, voleront sur Ariane 6, suite à une annonce ce 2 juillet.

L’introduction d’un nouveau lanceur, d’autant plus important qu’il remplace une référence comme Ariane 5, est toujours à la merci de retards et de défis dans son développement. La baisse des coûts d’Ariane 6 est liée à des innovations technologiques (soudure à froid, fabrication additive, logiciel embarqué…) et à une chaîne de production et de lancement entièrement repensée.

Ces outils seront le socle sur lequel les futures générations de lanceurs européens, d’ores et déjà en conception, devront pouvoir se reposer. Mais un programme aussi important laissera peu de marge à l’échec…

Eric Bottlaender

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Je suis un "space writer" ! Ingénieur et spécialisé espace, j'écris et je partage ma passion de l'exploration spatiale depuis 2014 (articles, presse papier, CNES, bouquins). N'hésitez pas à me poser v...

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Je suis un "space writer" ! Ingénieur et spécialisé espace, j'écris et je partage ma passion de l'exploration spatiale depuis 2014 (articles, presse papier, CNES, bouquins). N'hésitez pas à me poser vos questions !

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Commentaires (9)

orionb1
Marrant que la source soit la NASA … 40% de réduction, c’est un beau résultat
ebottlaender
Ce n’est pas la NASA, c’est le site d’information américain NASAspaceflight.<br /> En fait l’objectif sur Clubic c’est de mettre un site d’information source lorsque ce n’est pas nous qui sommes à l’origine pure de l’information transmise. En l’occurrence j’aurais pu faire l’article compte tenu des éléments en ma possession (et des différentes retranscriptions FR de la fameuse conférence de l’AJPAE à laquelle je ne fais malheureusement pas partie), mais c’est toujours bien de mettre un lien sur un site qui avait la même info avant nous, et qui est digne de confiance.
Element_n90
La réduction des coûts de lancement de 40% avec Ariane 6, on peut y croire ou c’est les gars de la com’ qui on balancé ça histoire de donner un os à ronger à l’opinion publique pour qu’elle accepte de remettre des sous dans Ariane ?
Niverolle
Question d’autant plus pertinente que ces 40% s’adresse avant tout au marché privé. On peut très bien surfacturer les vols institutionnels, en plus des avancées technologiques (nombreuses il est vrai), pour arriver à un tel chiffre !!! Or justement, si la mise en production du premier lot d’Ariane 6 a tant tardé, c’est parce que les industriels se sont lancé dans un bras de fer avec les États membre de l’ESA pour obtenir un nombre suffisant de missions institutionnelles ainsi que des garantis financières en cas d’annulations… Il ne reste plus qu’à virer le «&nbsp;juste retour géographique&nbsp;» qui éparpille la production (au moins la COVID aura mis fin a toutes ses réunions à travers le continent) et Ariane jouera avec les même règles du jeu que les lanceurs du «&nbsp;new space&nbsp;».
ebottlaender
Non ce n’est pas juste de la com, c’est un élément qui a fait partie du design dès la base du projet, et c’est tout à fait réaliste.<br /> D’ailleurs c’est déjà une petite réduction des ambitions car à l’origine ça devait être 50% ^^
ebottlaender
Non, nous ne sommes pas aux Etats-Unis, où les vols institutionnels sont surfacturés de 40 à 100% plus cher L’ESA et l’Union Europenne paient le prix «&nbsp;commercial&nbsp;» d’Ariane 6 (et d’Ariane 5 d’ailleurs, même si elle est subventionnée).<br /> Concernant ce fameux bras de fer, il ne faut pas oublier les conditions qui ont mené au développement d’Ariane 6. En 2014 l’ESA a demandé aux industriels de financer le lanceur à 50% en leur promettant N commandes pour N lancements par an. L’objectif étant d’assurer N commandes par an du côté privé aussi pour arriver au total (il me semble) à 12 lancements d’Ariane 6.<br /> Le bras de fer a commencé quand les fameuses N commandes ne sont pas arrivées à temps pour la production, et quand l’ESA a voulu renégocier en mode «&nbsp;débloquez déjà les commandes privées, on assurera derrière&nbsp;».
Niverolle
Admettons , mais la démonstration «&nbsp;commerciale&nbsp;» n’est quand même pas si triviale, puisque l’argent du contribuable reste un facteur limitant (pour ne pas dire LE facteur limitant)…
ebottlaender
C’est en fait une vicieuse spirale qui demande de bien dimensionner son enveloppe budgétaire et ses ambitions dès le début. Car si le nombre de contrat commerciaux ne se concrétise pas, alors la fusée coûte plus cher à produire, ce qui va faire grincer des dents aux institutions publiques qui risquent eux aussi de passer moins de contrats, ce qui fera monter les prix, ce qui peut décourager les contrats privés, etc, etc.<br /> Heureusement, des contrats il y en a aujourd’hui pour Ariane 6 ^^ Au moins de quoi couvrir les premières années.
molotofmezcal
De plus en plus mal embarqué cette affaire.<br /> J’espère qu’ils planchent vraiment sur Ariane Next . .<br /> Ariane 6 n’a pas effectué sont premier vol qu’elle apparaît déjà dépassée :/.
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