Il descend, et puis plus rien : le petit atterrisseur Hakuto-R s'est sans doute crashé sur la Lune

Eric Bottlaender
Spécialiste espace
26 avril 2023 à 14h00
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Il n'est sans doute pas arrivé dans cet état-là, malheureusement © iSpace
Il n'est sans doute pas arrivé dans cet état-là, malheureusement © iSpace

Difficile aventure que de se poser sur la Lune. L'atterrisseur (privé) japonais Hakuto-R a réussi en grande partie sa descente de l'orbite lunaire vers la surface hier… avant d'accélérer vers le sol et de perdre le contact. Les équipes, malgré leur tristesse, préparent déjà une deuxième mission.

Il transportait notamment le petit rover Rashid.

Un nouvel échec sur la Lune

Pour toutes les missions non chinoises de ce millénaire, la surface lunaire semble être bien difficile à atteindre. En effet, les succès de la Chine avec Chang'E 3 (2013), Chang'E 4 (2019) et Chang'E 5 (2020) contrastent avec les échecs des autres nations. L'atterrisseur privé israélien Beresheet et la tentative de l'agence indienne avec Vikram se sont soldés par des crashs en 2019.

Tout porte à croire ce matin que le petit atterrisseur Hakuto-R de l'entreprise japonaise iSpace s'est à son tour écrasé ce 25 avril vers 18 h 42 (heure de Paris), à la fin de sa descente vers le régolithe dans l'énorme cratère Atlas. Dans un communiqué publié la nuit suivante, iSpace a expliqué qu'à la lecture des données de télémesure, les équipes ne s'attendaient plus à pouvoir prendre contact avec Hakuto-R, qui s'est très probablement crashé à haute vitesse.

Replié, le petit rover Rashid aurait dû rouler environ deux semaines sur la surface du cratère Atlas © iSpace / MBRSC
Replié, le petit rover Rashid aurait dû rouler environ deux semaines sur la surface du cratère Atlas © iSpace / MBRSC

Les équipes y ont cru

La situation au cours de la tentative était relativement confuse. En effet, les responsables, dont Takeshi Hakamada (fondateur d'iSpace), ont expliqué que l'atterrissage devait se dérouler en cinq phases (freinage depuis l'orbite à 100 kilomètres d'altitude ; freinage au-dessus du site ; orientation précise pour l'atterrissage ; freinage terminal ; et sonde à poser). Durant ces étapes, le direct diffusait une vidéo sans qu'il soit précisé à quel moment les données affichées étaient issues de simulations ou transmises par la sonde. Quoi qu'il en soit, le suspense fut le même pour les équipes du centre de contrôle et pour les spectateurs à partir du moment de l'atterrissage attendu : le flux de données était interrompu. Hakuto-R n'a jamais repris le contact.

Dans son communiqué, iSpace précise qu'il semble que l'atterrisseur ait freiné à peu près le temps prévu pour se poser, sans toutefois arriver au sol. Ses réservoirs vides, il aurait ensuite accéléré en se rapprochant de la surface avant de perdre le contact.

Du mieux pour la prochaine fois ?

Cette déconvenue est difficile pour iSpace, qui avait pourtant donné des gages avec son approche de la Lune en 100 jours et le contrôle de son orbite autour de notre satellite naturel. Elle l'est d'autant plus que l'atterrisseur transportait le petit rover Rashid des Émirats arabes unis, qui ne pesait que 10 kilos, mais qui représentait un ambitieux projet pour les équipes de l'agence spatiale locale (projet auquel la France a d'ailleurs participé avec ses scientifiques et des caméras Caspex).

L'entreprise japonaise conserve l'ambition de devenir la référence privée du transport de charges vers la surface lunaire et prépare déjà son deuxième atterrisseur pour un lancement en 2024. Il ne reste qu'à souhaiter aux équipes de bien cerner le problème qui a condamné cette première tentative…

Source : SpaceFlightNow

Eric Bottlaender

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Je suis un "space writer" ! Ingénieur et spécialisé espace, j'écris et je partage ma passion de l'exploration spatiale depuis 2014 (articles, presse papier, CNES, bouquins). N'hésitez pas à me poser v...

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Je suis un "space writer" ! Ingénieur et spécialisé espace, j'écris et je partage ma passion de l'exploration spatiale depuis 2014 (articles, presse papier, CNES, bouquins). N'hésitez pas à me poser vos questions !

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Commentaires (12)

nicgrover
Aller une deuxième mission pour retrouver la première et lui donner une sépulture…<br /> Les japonais ne désarment pas comme quoi la Lune doit représenter quelques chose d’important pour que beaucoup de pays s’y précipitent…
fredolabecane
Décidément… avec Mouloud des émirats qui c’est crashé aussi pas de chance…
Chirokee
Une entreprise chinoise porte le même nom ou presque (iSpace)
Martin_Penwald
Adieu, Jean Castex, on ne t’oubliera pas …<br /> .<br /> .<br /> .<br /> .<br /> .<br /> Aaaah, CasPex.
Mister_Georges
Et pendant ce temps Ingenuity continue à voler sur Mars depuis 2 ans…
ebottlaender
Quand les gens comprendront-ils que c’est pas la même chose entre un petit atterrisseur de 100 kg conçu et réalisé par une boite privée pour un budget plancher, avec plus de 4 mois passé dans l’espace, et une mission Apollo à plusieurs dizaines de milliards, vol piloté par deux astronautes pilotes d’essais et accompagnés à chaque étape par la plus grosse agence du monde ?<br /> Oui, les véhicules étaient rudimentaires. Non, ils n’y sont pas allés pépère (n’oubliez jamais les décès sur le chemin). Et Oui, ça a bien marché.<br /> Les comploplo à 2 balles…
Keoden
En 1969 ils ont envoyé plusieurs fois leur lanceur Saturne (presqu’aussi gros que le dernier bb de spacex) sans soucis alors que la ils sont tout juste content qu’il ait décollé.<br /> En 1969 ils ont fais voler un avion supersonique ouvert au grand public alors qu’ils galèrent a faire voler correctement un 737 max…<br /> Bref
Ipoire
C’est encore la faute a Rashid… Ok je sors
philouze
« En 1969 ils y sont allés pépère… »<br /> Le programme Appolo, c’est tout ce qu’on peut appeler sauf « pépère » et justement, la correction humaine à l’alunissage c’était le gros problème du dossier, et heureusement qu’elle était là au moins pour le premier voyage, ça s’est joué pas loin du crash.
LeChien
Et ils n’étaient pas loin de ne pas repartir (du sol lunaire).
kasuya_mishima
Bonjour à tous,<br /> Pourquoi est-ce si dure d’alunir? ou de se poser sur mars?<br /> S’il n’y a pas ou peu d’atmosphère il faut une force moteur pour ralentir c’est bien cela ?<br /> Pourquoi arrivent t’ils si vite ? c’est la planète ou le corps céleste qui les attires?<br /> En connaissant le poids de l’appareil, la « force » d’attraction, la distance qui sépare le module de la surface les moteurs ne peuvent pas ajuster leur puissance « automatiquement » ?<br /> D’ailleurs la puissance des moteurs pour ralentir est elle la même que pour décoller de la terre (je sais pas si je m’exprime bien) en comparaisons je veux dire.<br /> Merci pour vos éclairages.
ebottlaender
Alors Mars c’est complexe parce qu’il faut gérer une arrivée à haute vitesse et l’effet atmosphérique qui est différent de celui sur Terre. Mais la Lune est censée être un peu plus facile car il n’y a pas d’atmosphère. Reste qu’il faut passer de la vitesse orbitale (autour de la Lune) à zéro. Il y a plusieurs moyens de le faire, avec un gros moteur à puissance ajustable, ou plusieurs petits. Mais allumer des moteurs dans le vide (surtout quand on est une petite boite avec des moyens limités), surtout après 4 mois de trajet, ce n’est pas aussi facile que ça, il peut y avoir une panne. Ou à l’inverse, une surconsommation d’ergols (le carburant).<br /> En plus de ça, il faut gérer la descente. Ici, c’était avec un mix de radar et d’observation optique avec traitement d’image, ce qui est compliqué car la Lune c’est une des scènes les plus trompeuses en terme de perspective que l’on puisse imaginer. Par exemple il suffit que les équipes aient mal simulé le truc sur Terre et que d’un coup l’algorithme décide de changer 2 ou 3 fois de trajectoire car il détecte qu’il va se poser sur un bord de cratère (alors que pas forcément) et vlan, on a consommé trop de carburant. Ou alors, un propulseur se coupe durant la descente. Ou bien, à cause d’un effet de « sloshing » (l’ergol créé une vague dans son réservoir), il crachotte.<br /> Bref, il peut y avoir des dizaines de raisons qui font qu’un moteur s’éteint trop tôt. On l’oublie mais la chine, pour pouvoir réussir ses missions, a fortement investi dans des bancs d’essais sur Terre et d’importants moyens de simulation.
kasuya_mishima
Merci<br /> ebottlaender:<br /> Alors Mars c’est complexe parce qu’il faut gérer une arrivée à haute vitesse<br /> Pourquoi arriver si vite ? un module à vitesse 0 (si cela existe d’être immobile dans l’espace) sera attirer par la planète et de ce fait va quand même arriver très vite vers la surface?<br /> Pour la lune un parachute ou des airbag c’est possible, pour ralentir ou réduire l’impact au sol?<br /> ebottlaender:<br /> la chine, pour pouvoir réussir ses missions, a fortement investi dans des bancs d’essais sur Terre et d’importants moyens de simulation.<br /> Est le résultat de ces simulations sont partagés avec tous les acteurs de « l’espace » ?<br /> ebottlaender:<br /> la Lune c’est une des scènes les plus trompeuses en terme de perspective que l’on puisse imaginer.<br /> Un endroit « plat » sur la lune cela existe, c’est si difficile de se poser là où on la décider?<br /> Et une camera pour piloter depuis la terre par un homme ? Le temps de transmission est trop élevé?<br /> Beaucoup de question mais j’essaye de comprendre comment ont-ils réussi il y 54 ans (mon âge ) sans aller vers complotisme comme j’ai pu le lire loin de là. Il me semble qu’ il y a eu aussi des atterrissages sur Venus alors vous comprendrez que cela interroge de voir autant d’échecs sur un astre si proche ne présentant pas un environnement « hostile » si je puis m’exprimer ainsi, vent, chaleur, relief etc.
ebottlaender
Je laisse Mars de côté, c’est un autre sujet.<br /> Alors non, les programmes (en particulier ceux de la Chine) ne sont pas partagées à tous les acteurs de l’espace. Néanmoins la Lune est relativement bien documentée, il n’y a pas de secret : il faut freiner, rester bien orienté, et choisir dans les dernières centaines de mètres un site pas trop casse-gueule où se poser en douceur.<br /> La Lune a ses propres pièges. Si on y va sur une zone où le Soleil est à son zénith, on ne voit pas du tout le relief (c’est tout blanc, surtout pour les capteurs embarqués). Du coup, les atterrissages sont tentés avec un angle solaire qui met en valeur le relief. Mais à quelle altitude est-on ? On le voit bien sur la descente de Chang’E 4, c’est trompeur.<br /> Du coup il faut le radar en même temps, et il faut que l’ordinateur de bord ne se plante pas. Car en effet, même si la Lune est proche, le temps de corriger « à la main » est trop long, les véhicules sont donc autonomes (avantage d’Apollo, des pilotes peuvent rapidement prendre les commandes si on se dirige vers un rocher ou cratère comme pour Apollo 11). L’environnement est bien hostile, mais chaque corps céleste est différent. C’est le cas aussi pour Venus, qui permet de bien freiner dans l’atmosphère très dense avant de déployer un parachute (problème sur Venus, c’est l’environnement qui va bouffer et détruire le véhicule en quelques minutes/heures).<br /> Double malus sur la Lune, les zones les plus plates sont aussi celles qui scientifiquement, n’intéressent pas grand monde.
kasuya_mishima
Merci pour ce complément d’information, il faut dire que l’actualité spatiale depuis ces 5 dernières années est florissantes avec tous ces exploits MARS, Curiosity, Insight, Perseverance, Bennu … Alors j’ai une fausse impression (confirmé par vos explications) que la Lune c’est « banal » .<br /> J’ai bien conscient que tout cela est complexe d’ailleurs c’est peut-être pour ça que l’on emploi le mot « exploit » <br /> Bon j’espère que tout sera au point pour le retour de l’homme sur la Lune.
ebottlaender
Il faut se souvenir aussi que dans les années 60 les projets lunaires habités ou non ont commencé de manière catastrophique. Les surveyor et autres Luna qui s’y sont posés étaient à la fois rudimentaires et particulièrement robustes (donc lourds). Les entreprises qui s’y essayent actuellement ont des moyens plus poussés mais des éléments plus petits, moins robustes et moins testés.<br /> Il y aura encore des échecs sur la Lune comme ailleurs, Space Is Hard !
Blackalf
ebottlaender:<br /> Ou bien, à cause d’un effet de « sloshing » (l’ergol créé une vague dans son réservoir), il crachotte.<br /> Il n’y a pas de compartiments (généralement des cloison trouées) comme dans les camions/semis citernes, précisément pour éviter les mouvements de la masse du carburant ? ^^
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