Déjà 20 ans que l'instrument ACS de Hubble découvre l'Univers, et quels clichés !

Eric Bottlaender
Spécialiste espace
09 mars 2022 à 16h20
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Hubble, le lendemain de l'installation de l'ACS. Paré pour plus de 20 ans d'observations ! Crédits : NASA
Hubble, le lendemain de l'installation de l'ACS. Paré pour plus de 20 ans d'observations ! Crédits : NASA

Le 7 mars 2002, les astronautes installaient le nouvel instrument ACS (Advanced Camera for Surveys) au cœur du télescope spatial Hubble. Ce dernier a révolutionné la façon dont on perçoit notre univers, et ses photographies sont devenues iconiques. Surtout, il continue ce travail aujourd'hui… 20 ans plus tard.

Et il faut l'espérer, le plus longtemps possible !

Votre télescope va être mis à jour : ne pas l'éteindre

Le programme est chargé lorsque la navette Columbia s'amarre au télescope Hubble le 4 mars 2002. Pour cette mission de service, il ne s'agit pas que de remplacer les pièces défectueuses, mais aussi de remplacer le dernier des instruments d'origine, la FOC (Faint Object Camera), par le grand boîtier ACS (Advanced Camera for Surveys).

Ce dernier comprend trois canaux embarquant, pour résumer, trois capteurs différents : le Wide Field Channel (WFC) pour le champ large, le High Resolution Channel (HRC) pour des vues plus précises et le Solar Blind Channel (SBC) qui opère dans l'ultraviolet. Malgré des débuts difficiles et une panne avec un court-circuit qui rend son capteur HRC inopérant, l'ACS est à présent en fonction depuis 20 ans, et certains de ses clichés sont parmi les plus connus des images de notre Univers.

L'ACS a pris plus de 125 000 photos au cours de sa carrière, et il est devenu depuis 2010 l'instrument le plus utilisé sur Hubble. Parmi ses nombreux usages, on peut noter qu'il a aidé à comprendre la distribution de la matière noire dans l'univers, à détecter les objets les plus distants possibles avec Hubble, à rechercher des exoplanètes massives et à étudier l'évolution de clusters de galaxies. Comme le précise Marco Chiaberge, responsable de l'étalonnage de l'ACS pour l'agence européenne, « il y avait dès l'origine le sentiment que l'ACS changerait notre perception même de l'astronomie spatiale ». Voici quelques-uns de ces clichés restés dans l'histoire (bien qu'il y en ait tant d'autres).

Le Deep Field

Le champ ultra profond et ses galaxies. Crédits : NASA/ESA/HST
Le champ ultra profond et ses galaxies. Crédits : NASA/ESA/HST

Le « Hubble Ultra Deep Field » (ou champ profond de Hubble) est sans doute le cliché le plus célèbre que l'on doit à l'ACS. Révélé en 2004, il fit cependant intervenir un autre instrument (le NICMOS) pour pouvoir capturer la lumière de ces galaxies dont le nombre semble infini et qui, pour les plus éloignées d'entre elles, ont 13 milliards d'années. Ces photons sont nés seulement 400 à 800 millions d'années après le Big Bang…

Il existe plusieurs versions de l'UDF, qui a changé la perception du public sur l'astronomie lointaine et l'incroyable nombre de mondes qui nous entourent.

Les lentilles gravitationnelles

Les Frontier Fields. Crédits : NASA/ESA/HST
Les Frontier Fields. Crédits : NASA/ESA/HST

Les « Frontier Fields » ont gardé l'esprit du champ profond, mais utilisé un phénomène physique peu utilisé jusqu'alors, l'effet de lentille gravitationnelle, pour observer encore plus loin dans le passé.

Cette variation sur le même thème réunit elle aussi des milliers de galaxies, pour une image qui a pris 1 330 heures à être construite (840 orbites). L'effet de lentille a révélé des galaxies 10 à 100 fois moins brillantes que les capacités maximales de Hubble à ces incroyables distances.

L'effet de lentille gravitationnelle d'Abel 1689. Crédits : NASA/ESA/HST
L'effet de lentille gravitationnelle d'Abel 1689. Crédits : NASA/ESA/HST

Ici, le cluster de galaxies Abel 1689. Il y a des trillions d'étoiles au sein d'Abel 1689. Pourtant Hubble et son ACS furent les premiers à utiliser cet amas supermassif en tant que lentille gravitationnelle ! Elle est mise en avant dans cette sélection car ce cluster a permis via les images de l'ACS d'en apprendre plus sur la répartition de la matière noire au sein de l'Univers.

Pluton, avant qu'elle soit cool

Pluton, vue depuis l'orbite terrestre... A la résolution maximale ! Crédits NASA/ESA/HST
Pluton, vue depuis l'orbite terrestre... A la résolution maximale ! Crédits NASA/ESA/HST

Les fameuses dernières photographies de Pluton… Avant celles prises par la sonde New Horizons ! Ces clichés ont aujourd'hui terriblement mal vieilli, mais ils ont été nécessaires à plusieurs titres. D'abord parce que l'équipe de New Horizons cherchait à préparer au mieux son unique survol de la planète naine (savoir quelles zones sombres ou claires le survol allait inspecter était important), mais aussi pour inspecter les environs et confirmer la présence ou non de satellites naturels ou d'anneau de poussière.

Entre 2002 et 2003, le télescope Hubble a réalisé plusieurs campagnes d'observation pour une cartographie très basse résolution de Pluton. Le survol n'aura lieu que 12 ans plus tard…

Exoplanètes et lumières échos

Non, ce n'est pas l'œil de Sauron. Crédits : NASA/ESA/HST
Non, ce n'est pas l'œil de Sauron. Crédits : NASA/ESA/HST

Le mystérieux Fomalhaut b… En 2008, Hubble publie la première image dans le domaine visible de cette supposée exoplanète, au milieu du titanesque champ de débris gelés qui entoure l'étoile Fomalhaut. Mais surprise, après plusieurs années, l'intensité lumineuse de ce point décroit, et il finit par disparaître. Pourquoi ? Comment ? La question n'a pas encore de réponse définitive, mais c'est avec l'ACS que l'humanité a pu observer ce phénomène !

La lumière de V838 Monocerotis. Crédits : NASA/ESA/HST
La lumière de V838 Monocerotis. Crédits : NASA/ESA/HST

Les échos de lumière de V838 Monocerotis. Début 2022, l'étoile V838 Mon. vit sa luminosité augmenter temporairement de plus de 600 000 fois sa valeur usuelle ! Une éruption encore mal comprise, mais qui a créé une véritable « vague » de lumière, qui a progressé puis s'est reflétée sur différents milieux : poussières, amas de gaz…

Les échos ont été observés longtemps, et l'ACS est toujours périodiquement tourné vers cette étoile et la zone qui l'entoure pour tenter d'en comprendre l'origine.

Retour au commencement : le Têtard

Et soudain, des galaxies par milliers. Crédits : NASA/ESA/HST
Et soudain, des galaxies par milliers. Crédits : NASA/ESA/HST

Les 6 000 galaxies derrière le Têtard. À 400 millions d'années-lumière de nous, cette grande galaxie s'est disloquée, laissant une « traînée » du plus bel effet. Le Têtard (ou UGC 10214) fut utilisé en 2002 pour montrer les capacités opérationnelles de Hubble avec l'ACS. Le résultat fut riche en surprises, car non seulement la galaxie du Têtard était parfaitement visible (ce qui était hautement espéré), mais en plus les clichés ont révélé la présence d'environ 6 000 galaxies, de toutes formes, couleurs, âges et formations en arrière-plan. C'est à ce moment-là que les capacités d'observation du champ profond ont été confirmées. Les arrière-plans allaient vite être mis en avant…

Source : ESA Hubble

Eric Bottlaender

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Je suis un "space writer" ! Ingénieur et spécialisé espace, j'écris et je partage ma passion de l'exploration spatiale depuis 2014 (articles, presse papier, CNES, bouquins). N'hésitez pas à me poser v...

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Je suis un "space writer" ! Ingénieur et spécialisé espace, j'écris et je partage ma passion de l'exploration spatiale depuis 2014 (articles, presse papier, CNES, bouquins). N'hésitez pas à me poser vos questions !

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Commentaires (2)

PaowZ
Merci pour ces magnifiques clichés…<br /> Quand je vois celui du Deep Field, je n’arrive pas à me figurer que la quantité de matière est finie… avec ces milliards de galaxie et ses milliards d’étoiles en chacunes d’elles. Des chiffres que notre esprit ne peut appréhender.
nicgrover
C’est vrai que l’on oublie souvent le bazar organisé qui se passe au dessus de nos têtes… Sans parler du bruit infernal… Heureusement c’est loin, très loin de nous…<br /> Merci encore M Eric pour ce superbe article, quand on aime on ne compte pas.
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