Catastrophe, Vega C rate sa mission avec deux précieux satellites Pléiades Neo

Eric Bottlaender
Par Eric Bottlaender, Spécialiste espace.
Publié le 21 décembre 2022 à 11h15
Vega C sur sa zone de lancement dédiée. Avant le décollage, le portique est reculé et mis en sécurité. Crédits : ESA/CNES/Arianespace/CSG/JM Guillon
Vega C sur sa zone de lancement dédiée. Avant le décollage, le portique est reculé et mis en sécurité. Crédits : ESA/CNES/Arianespace/CSG/JM Guillon

Pour sa première mission commerciale, Vega C décollait ce 21 décembre du Centre spatial guyanais avec deux satellites d'observation de la Terre Pléiades Neo. Malheureusement, un problème est survenu lors de l'action du deuxième étage de la fusée, qui n'a pas atteint l'orbite. Lanceur et satellites sont détruits.

Le secteur des lanceurs européens n'avait pas besoin de ça.

Une nuit difficile

Une semaine après le décollage très réussi d'Ariane 5, les équipes du Centre spatial guyanais remettaient le couvert dans la nuit du 20 au 21 décembre, cette fois avec le lanceur Vega C. Un tir qui, à l'origine, devait avoir lieu en novembre, mais qui avait été retardé à la suite d'un problème sur la coiffe. Cette fois, tout était prêt, la météo était favorable et le compte à rebours final s'est terminé à 2 h 47 (Paris) pour un décollage plein nord vers l'Atlantique.

Le premier étage P120C a semble-t-il parfaitement réussi sa mission, faisant bondir Vega C de son site de lancement, et l'accélérant durant deux minutes jusqu'au-delà des 60 kilomètres d'altitude. Puis, le premier étage s'est séparé et le deuxième étage Z-40 a pris le relais. Mais rapidement, les équipes au sol ont observé un problème (officiellement à 2m 27s) et après trois minutes de vol, il est devenu évident que la fusée déviait fortement de la trajectoire prévue. À cause d'une « sous-pression », le Z-40 n'a pu accélérer comme prévu ni emmener la fusée vers l'espace ou l'orbite. Les étages suivants (Z-9 et AVUM+) étaient condamnés avec coiffe et satellites.

Airbus DS subit l'échec

Le P.-D.G. d'Arianespace, opérateur de ce vol (le deuxième pour Vega C, mais le premier vol commercial) a tenu à rappeler qu'une enquête était mise en place, conjointe entre Arianespace, Avio et l'ESA. Mais surtout il s'est excusé auprès d'Airbus Defence & Space, le client qui venait de perdre deux bijoux d'ingénierie, des satellites Pléiades Neo.

Ces derniers, qui devaient rejoindre les deux autres unités Neo déjà en orbite, étaient des éléments clés pour la stratégie commerciale d'Airbus DS dans le domaine de l'observation terrestre « haut de gamme » à haute résolution. Les Pléiades Neo ont des optiques capables de photographier le sol à une résolution native de 30 cm/pixel… Ils sont très sollicités autour du monde, y compris par l'État français, et cette perte (même si les satellites sont probablement assurés) sera significative pour la stratégie de l'entreprise.

Lors du direct du lancement, la déviation de trajectoire du lanceur n'a pas fait de doutes. Crédits : Arianespace (YouTube)
Lors du direct du lancement, la déviation de trajectoire du lanceur n'a pas fait de doutes. Crédits : Arianespace (YouTube)

2023 s'annonce compliquée

Côté lanceurs, l'Europe continue de s'enfoncer dans la crise. Ariane 6 n'est pas là (et les tests sont d'ores et déjà retardés), il ne reste que deux exemplaires d'Ariane 5, Soyouz est interdite de vol et maintenant Vega fait l'objet d'une enquête après cet échec. Une véritable catastrophe, car les besoins européens sont particulièrement importants dans les années à venir…

Un tel échec va donc encore mettre une pression supplémentaire sur les partenaires européens, les assureurs et les clients. Or la réputation de Vega C, dans un domaine sous forte pression de la concurrence du NewSpace qui arrive à grands pas, n'était déjà pas extraordinaire. Avec trois échecs sur les huit derniers vols, il faudra travailler dur pour rétablir la confiance.

Source : Nasaspaceflight

Par Eric Bottlaender
Spécialiste espace

Je suis un "space writer" ! Ingénieur et spécialisé espace, j'écris et je partage ma passion de l'exploration spatiale depuis 2014 (articles, presse papier, CNES, bouquins). N'hésitez pas à me poser vos questions !

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Commentaires (10)
PaowZ

C’est dommage et absolument dommageable pour les crédits à allouer dans le futur. Les clients pourraient commencer à regarder la concurrence, sans parler de la perte matérielle…
Oh non… le secteur n’avait pas besoin de ça.

g-m1n1

Très dommage pour nous européens.

Il faut que l’UE reste derrière et subventionne le temps d’avoir un concurrent européen crédible.

La souveraineté a un prix.

gemini7

J’ai vu le sujet sur le JT ce matin, mais ils n’ont rien expliqué, je suis content de lire ton article, pour avoir des explications sur ce raté, très dommageable pour les lanceurs Européens, j’espère qu’ils trouveront une solution au plus vite, car si l’on doit passer par les Américains, ça va nous coûter cher.
Et nous n’avons pas vraiment les moyens financiers, du moins, je pense, peut-être qu’on les a.

odyssseus

Etonnant qu’aucune mesure de récupération n’existe déjà pour sauver les satellites (parachutes, méga-airbags, rétro fusées, etc), un plan B, quoi.

ebottlaender

Ca part d’un bon sentiment, mais en l’état ce n’est pas possible, en tout cas pas sans rajouter plusieurs tonnes de matériel (ce qui annulerait toutes les capacités de la fusée). Les parachutes et airbags ne serviraient à rien car les satellites ne sont pas fabriqués pour atterrir (choc) et encore moins pour faire un tour dans l’océan (eau + sel), tandis qu’un système à rétrofusées amènerait énormément de complexité pour un dispositif très lourd (et qui lui aussi serait soumis à des échecs potentiels).

xryl

Si, c’est l’assurance. Et c’est plutôt bien car ça n’influe pas sur les paramètres de vols qui sont déjà très très compliqué pour Vega C.

Lesdits satellites seront remboursés et refabriqués (probablement amélioré entre temps, ce qui n’est pas forcément une mauvaise chose).

Le vrai problème, c’est la perte d’exploitation: pendant env 2 ans (le temps de re-fabrication), l’opérateur va devoir financer l’infrastructure pour les 2 satellites en orbites, sans avoir les entrées d’argent prévues par les 4 satellites. Et c’est là que les états, donc nous, y donnons de nos taxes.

sylvebarbe78

Rien de surprenant, Vega = échec, pas d’Ariane 6, c’est à l’image de la France et de l’Europe en général… :joy::joy::joy:

thebachman

@sylvebarbe78 Sérieusement, y a rien de drôle…

SPH

C’est triste. C’est tout ce que je peux dire… :face_with_thermometer:

sylvebarbe78

Je sais bien que cela n’est pas drôle mais voyez vous je préfère hélas en rire (nerveusement). Nos programmes spatiaux sont à l’image de l’Europe et de nos politiques = décrépitude. Les scientifiques en aucun cas ne sont responsables de cette situation, simplement victimes des décisions ou plutôt indécisions des premiers qui viendront d’ ici quelques années nous annoncer que « notre » espace est morte.