Quels changements pour Vega-C, l'amélioration du petit lanceur européen ?

Eric Bottlaender
Spécialiste espace
06 juillet 2022 à 10h27
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Vue d'artiste de Vega-C pour son premier vol, avec LARES-2 et six Cubesats © ESA
Vue d'artiste de Vega-C pour son premier vol, avec LARES-2 et six Cubesats © ESA

Les derniers préparatifs sont en cours pour le décollage de Vega-C, au Centre spatial guyanais. Après des années de développement, c'est un lancement très attendu. Mais 10 ans après le tir inaugural de la première version, qu'est-ce qui change avec Vega-C ?

Plus qu'une semaine pour la voir s'envoler…

Vega (c'est plus fort que toi)

Le 13 février 2012, le plus petit des lanceurs européens décollait pour la première fois vers l'orbite. Une réussite pour son maître d'œuvre italien, Avio, mais aussi pour une trentaine d'entreprises en sous-traitance, ainsi que les agences nationales qui ont participé à l'aventure (le CNES français, notamment).

Capable d'emmener des satellites de plus de 1 400 kg en orbite basse polaire, Vega est une fusée tournée vers les satellites d'observation de la Terre. Et même si son prix élevé ne la rend pas si attractive sur le papier, c'est assez vite une réussite : le carnet de commandes est plein.

La fusée se compose de trois étages avec des ergols solides à poudre, le P80 (qui est le plus gros et le plus lourd), puis le Zefiro-23 et le Zefiro-9 (qui est le plus léger). L'ensemble presque en orbite, c'est l'étage supérieur AVUM qui se charge d'emmener le satellite précisément à l'altitude et l'inclinaison voulue, grâce à son moteur à ergols liquides qui peut s'allumer plusieurs fois.

Vega-C est belle et bien originaire de toute l'Europe, même si le maître d'œuvre est italien © ESA
Vega-C est belle et bien originaire de toute l'Europe, même si le maître d'œuvre est italien © ESA

Vega-C, pour quoi faire ?

Si l'aventure Vega commence avec des chiffres de bon augure, tout n'est pas parfait. La cadence de production et de vol ne dépasse pas trois décollages par an, ce qui limite considérablement ses usages. Il y a aussi eu des problèmes de fiabilité avec deux échecs en 2019 et 2020, résolus depuis.

Enfin, la capacité de la fusée se montre un peu bâtarde : les satellites d'observation en orbite basse sont de plus en plus gros, ou alors très petits et il faut pouvoir en emporter beaucoup. L'ESA, Avio et Arianespace (qui vend commercialement les services) choisissent dès la fin 2014 de mettre en place plusieurs évolutions. Il y a par exemple le dispositif SSMS, qui permet de placer et d'éjecter sur le même vol des satellites de toutes les tailles, du CubeSat de 10 cm de côté jusqu'à des unités de 300 kg. Mais la décision majeure, c'est Vega-C (pour « Consolidée »).

De l'extérieur, Vega-C ressemble beaucoup à la génération précédente. Pourtant, contrairement à ce que l'on imagine, les changements sont majeurs, ce n'est plus la même fusée ! Elle décollera toujours de Guyane, et toujours sur la ZLV (Zone de Lancement Vega)… mais même cette dernière a été modifiée, car Vega-C est plus grande et plus lourde. Il a donc fallu adapter le grand portique mobile dans lequel est assemblé le lanceur à la verticale. Le centre de contrôle lui-même a été déplacé !

Avant d'entrer dans les détails techniques, présentons l'argument principal pour cette évolution : la fusée est presque deux fois plus puissante qu'auparavant (avec 2,2 à 2,5 tonnes en orbite polaire), et peut embarquer des satellites plus volumineux grâce à une nouvelle coiffe… Tout en proposant, sur le papier au moins, des coûts similaires à ceux de la génération précédente.

Vega-C, comme Vega, est assemblée à la verticale sous le portique mobile de la ZLV © ESA/CNES/CSG
Vega-C, comme Vega, est assemblée à la verticale sous le portique mobile de la ZLV © ESA/CNES/CSG

Tout changer, ou presque

Transporter plus pour le même prix ? Vega-C doit cette prouesse aux améliorations portées à pratiquement tous ses éléments. Le plus puissant et le plus visible, c'est le premier étage à ergols solides P80, qui est remplacé par un P120C plus long, au plus grand diamètre, plus lourd surtout (60 tonnes de plus).

Le P120C est commun entre Vega-C et Ariane 6 (il sert alors de booster auxiliaire), et utilise des techniques de production plus automatisées : cela permettra une fois les deux lanceurs en service de se reposer sur une production en série. C'est aussi l'élément le plus médiatisé, avec trois tests au sol spectaculaires réalisés en 2018, 2019 et 2020.

De la même façon, le plus petit étage Zefiro-23 laisse place au Zefiro-40. On retrouve au-dessus le seul élément inchangé entre Vega et Vega-C, le Zefiro-9, puis un étage supérieur amélioré avec une fois encore des réservoirs plus gros, l'AVUM+.

Préparation d'un booster P120C. Pas si petit... © ESA/CNES/Arianespace/CSG/ S. Martin
Préparation d'un booster P120C. Pas si petit... © ESA/CNES/Arianespace/CSG/ S. Martin

Les clients sont là

Les capacités améliorées de Vega-C devraient sur le papier garantir une nouvelle vitalité au petit lanceur européen (qui n'est d'ailleurs pas si petit, au regard de lanceurs du NewSpace), avec les tirs à venir au service de la constellation européenne Copernicus, la poursuite de l'envoi de satellites à haute résolution comme les Pléiades NEO d'Airbus DS, ou des missions plus exotiques. On peut d'ores et déjà citer l'envol prévu en 2023-24 de la petite navette automatisée Space Rider, capable de rester en orbite basse plusieurs semaines ou mois avec des charges utiles internes et externes… Il faudra cette fois être à l'heure au rendez-vous : le lancement inaugural de Vega-C était initialement prévu en 2018 !

Mais Vega-C est adaptée à de nombreux profils, jusqu'à la sonde interplanétaire (il faudrait néanmoins qu'elle soit légère). Si ses débuts sont concluants, Vega-C devrait être rapidement sollicitée : deux tirs sont prévus en 2022, puis deux à quatre en 2023 (il reste deux autres Vega « classiques » à envoyer), et entre quatre et six ensuite, à minima. Avio prévoyait en 2015 d'en produire environ six par an. Mais gare, l'invasion de l'Ukraine a changé la donne, les équipes y produisent une partie de l'AVUM+…

Test au sol d'un booster P120C en Guyane. Les tirs de qualification ont pris du temps... © ESA/CNES/Arianespace/CSG/JM Guillon
Test au sol d'un booster P120C en Guyane. Les tirs de qualification ont pris du temps... © ESA/CNES/Arianespace/CSG/JM Guillon

Vega-C, et encore après…

Surtout, Vega-C devrait constituer une base plus solide que la version précédente pour des évolutions. L'agence spatiale européenne finance notamment le volet « Vega E » (pour « Evolution ») qui devrait voler pour la première fois en 2026, en remplaçant les étages Zefiro-9 et AVUM+ par un seul étage à propulsion liquide équipé d'un moteur méthane-oxygène liquide. Il est aussi question d'une « mini-Vega » (adaptée aux décollages très légers) et d'une « Vega-C+ » avec une seule modification sur le premier étage et le passage au P120C+, un peu plus long et 4,4 tonnes plus lourd.

Toutefois pour envisager sereinement ces lanceurs futurs, il faudra convaincre, ce qui passe par une réussite du vol inaugural de Vega-C. C'est prévu mercredi 13 juillet, à 13 h 13.

Ca y est, votre grand satellite est enfin arrivé au centre de lancement ! Finalement, il ne reste plus que quelques détails, et tout sera réglé… Non ? Eh bien, pas toujours. Il y a de bonnes raisons pour lesquelles les satellites restent en général un bon mois à proximité du pas de tir !
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Source : CNES

Eric Bottlaender

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Je suis un "space writer" ! Ingénieur et spécialisé espace, j'écris et je partage ma passion de l'exploration spatiale depuis 2014 (articles, presse papier, CNES, bouquins). N'hésitez pas à me poser v...

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Je suis un "space writer" ! Ingénieur et spécialisé espace, j'écris et je partage ma passion de l'exploration spatiale depuis 2014 (articles, presse papier, CNES, bouquins). N'hésitez pas à me poser vos questions !

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