Un mois après l'échec du lanceur Vega, l'enquête livre ses conclusions

Eric Bottlaender
Par Eric Bottlaender, Spécialiste espace.
Publié le 21 décembre 2020 à 18h30
Un étage supérieur Avum, tel que celui qui a causé l'échec du vol VV17. Crédits ESA/S.Corvaja
Un étage supérieur Avum, tel que celui qui a causé l'échec du vol VV17. Crédits ESA/S.Corvaja

La catastrophe du vol VV17, le 17 novembre dernier, avait donné beaucoup d'indices aux enquêteurs grâce aux données de télémesure. Un mois plus tard, le constat est là : c'était bien un branchement inversé. La commission indépendante livre une série de mesures pour éviter d'autres échecs à l'avenir.

VV18 aura-t-il lieu au début du printemps ?

Le vert sur le vert, et le rouge…

Décidément, il est des erreurs qui coûtent cher. Dès la création d'une commission d'enquête « indépendante » le 17 novembre, les données transmises par le lanceur après l'allumage de l'étage supérieur AVUM laissent peu de place au doute.

Est-il possible qu'un ingénieur ou technicien ait mal relié les câbles qui orientent la tuyère moteur ? Après avoir épuisé toutes les autres pistes, les enquêteurs diligentés par Arianespace et l'ESA ont en effet conclu qu'il s'agissait d'une « simple » inversion. Toutefois, une telle erreur est révélatrice de carences, non seulement lors de l'assemblage lui-même, mais aussi dans le processus d'inspection et de validation, ainsi que dans les tests réalisés entre l'assemblage de l'étage AVUM et son installation sur Vega. Ce sont ces étapes qui rendent incompréhensibles et honteuses ce genre d'erreurs.

D'autres grossiers échecs de qualité ont témoigné de carences similaires dans la dernière décennie : des capteurs forcés à l'envers sur un lanceur Proton en 2013, ou un étage Fregat configuré pour le Kazakhstan et décollant à plusieurs milliers de kilomètres de là, à Vostotchnyi en 2017. Il s'agissait à chaque fois de problèmes imputables autant à la technique qu'au contrôle.

Contrôle surprise

Plus précisément, l'enquête a conclu à un « défaut de qualification au niveau de la conception du lanceur », et recommande plusieurs actions, d'abord sur les deux prochains lanceurs déjà assemblés.

Il faudra des inspections et des tests supplémentaires, que ce soit sur le matériel comme lors des étapes de fabrication. L'ESA et Arianespace ont également émis des recommandations permanentes à mettre en œuvre sur les étapes de fabrication, d'intégration et même d'acceptation, sur les lignes d'assemblage en Italie et en Guyane.

Certains n'ont pas tardé, après cet échec, à pointer du doigt les responsabilités de l'entreprise italienne Avio, qui a ces dernières années gagné de haute lutte un contrôle « total » de la chaîne industrielle de Vega jusqu'à son lancement. Dans un communiqué, cette dernière affirme qu'elle mettra tout en œuvre pour améliorer le processus qualité.

En 2021, Vega devra non seulement refaire ses preuves, mais accueillir la nouvelle version Vega C. Crédits ESA/S.Corvaja.
En 2021, Vega devra non seulement refaire ses preuves, mais accueillir la nouvelle version Vega C. Crédits ESA/S.Corvaja.

Retour à haut risques

Sans garanties, les décollages de Vega devraient pourtant reprendre d'ici le mois de mars prochain. Le lancement sera crucial pour les ambitions d'observation d'Airbus Defense and Space, celui de la première unité de Pleiades Neo, satellite commercial à haute résolution. Un nouvel échec ferait entrer l'ensemble de la filière de lanceurs européens, déjà dans une mauvaise passe, dans une crise sans précédent.

*Quelques guillemets en effet, les autorités de rattachement étant toutes parties prenantes dans Vega.

Source : ESA

Par Eric Bottlaender
Spécialiste espace

Je suis un "space writer" ! Ingénieur et spécialisé espace, j'écris et je partage ma passion de l'exploration spatiale depuis 2014 (articles, presse papier, CNES, bouquins). N'hésitez pas à me poser vos questions !

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Commentaires (10)
nicgrover

Quoi il n’y a pas de détrompeur sur ce matériel de haute technologie ? C’est insensé…

Wifi93

Pour aller au plus simple, pourquoi ne pas avoir des connecteurs de couleurs différentes et numérotés pour éviter ce genre d’erreur stupide ? Bleu 2 va avec bleu 2 , jaune 5 avec jaune 5 …

ebottlaender

Les détrompeurs n’enlèvent pas le risque d’erreur. Ca enlève une grande partie de l’intelligence requise pour ne pas se tromper, c’est vrai. Mais rien ne dit qu’il n’y en avait pas.
C’est bien pour ça que l’erreur n’est que très partiellement du côté de l’humain (ou l’idiot, ou le méchant) qui a fait le branchement, mais plus du côté du contrôle qualité et des procédures de vérification.

LeToi

C’est plutôt une bonne nouvelle que l’erreur soit si simple. Ça veut dire que le reste de la conception est correcte

Element_n90

Arrêtes un peu !! Pas fichu de brancher le fil de couleur sur la couleur correspondante et tu trouves que c’est une bonne nouvelle ??!! On n’es plus fichu de faire correctement des opérations simples mais, tranquille man, y a pas de problème, files-moi le beudo et on vas se refaire une partie de Fortnite !!

wedgantilles

Pas vraiment. Surtout qu’un test aurait du révélé ce genre de chose. Comme si pour les voitures ont pouvait avoir le volant qui tourne à l’opposé de la normale sans que le moindre test n’est détecté le problème.

Niverolle

Certes, mais la répétition (pour ne pas dire l’accumulation) des ces erreurs de manip, montre un problème structurel du secteur spatial ukrainien.

pecore

Je croyais que dans l’aérospatiale on appliquait la loi de Murphy. Apparemment pas ou de telles erreurs n’arriveraient pas. Une boulette aussi bête qui coute des millions d’euros et une grosse perte de confiance, c’est vraiment lamentable et nul mais le pire c’est que cela aurait tout aussi bien pu arriver sur un vol habité.

LeToi

Ça veut tout de même dire qu’il ne devrait pas y avoir besoin de mois ou d’années de développement supplémentaires pour résoudre le problème…

dredd

Que Vega soit un échec, on s’y attendait. On attend le lanceur Navi pour revenir dans la concurrence.