Le télescope Euclid de l'ESA tient toutes ses promesses : les images sont à couper le souffle !

Eric Bottlaender
Spécialiste espace
07 novembre 2023 à 14h15
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L'amas de galaxies de Persée... Vertigineux, non ? © ESA/Euclid Telescope
L'amas de galaxies de Persée... Vertigineux, non ? © ESA/Euclid Telescope

Après des semaines de trajet et plusieurs mois de réglages, le télescope spatial de l'Agence Spatiale Européenne spécialisé dans la cartographie de l'Univers livre ses « premières images » officielles. Euclid est aussi performant que prévu, les photographies sont splendides ! La chasse à l'énergie noire peut commencer !

Il avait décollé le 1er juillet dernier, avant de démarrer ses prises d'images six semaines plus tard, une fois arrivé autour du point de Lagrange Terre-Soleil L2, dans le même voisinage que « l'autre télescope », le James Webb. Euclid avait même démarré sa campagne de qualification et d'étalonnage des instruments sur les chapeaux de roues… Avant que les équipes n'aient à gérer une grosse inquiétude.

Régler ce problème de reflet

En effet, lors des premières prises d'images, certaines en particulier sur l'instrument VIS (il y a deux instruments à bord, le VIS en bande optique visible, et le NISP en infrarouge) montraient un inquiétant reflet. Le but d'un télescope étant de collecter un maximum de lumière, l'objectif est naturellement de réduire les sources parasites au maximum : c'est pour cela qu'Euclid tourne de façon permanente le dos au Soleil, qu'il est sur une trajectoire optimisée et qu'il a été conçu pour des campagnes avec des orientations spécifiques.

Cela n'aura pas totalement suffi néanmoins, avec un reflet sur un propulseur capable de perturber l'optique et de créer un reflet parasite. Heureusement, ce type de reflet (qu'il n'est pas possible de changer) ne se manifeste qu'avec 10 % des orientations prévues pour le télescope, qui a donc bénéficié de plusieurs semaines de tests pour optimiser ses campagnes scientifiques et ne plus jamais être victime de cet ennui particulier. De quoi soulager les équipes, parce que le VIS comme le NISP ont fait leurs preuves, ils sont même au-delà des gammes de performances attendues.Euclid va pouvoir démarrer sa mission scientifique.

La préparation du télescope Euclid. © Airbus DS
La préparation du télescope Euclid. © Airbus DS

Appelez le cartographe !

Euclid va constituer, à travers ses images en particulier centrées sur les galaxies qui nous entourent, une cartographie 3D de notre univers (le capteur visible les identifie, l'infrarouge permet de les catégoriser). Des centaines de millions d'entre elles vont ainsi être classées, positionnées, labellisées sur plus de 10 milliards d'années-lumière. À terme, on comprendra donc mieux la structure de notre univers, proche, mais aussi dans son lointain passé, pour comprendre les mystères de son expansion, de la matière noire et de l'énergie sombre.

Une quête qui a déjà démarré, grâce aux clichés qui sont dévoilés ce mardi 7 novembre au grand public et qui marquent le début en fanfare des prises de mesure. Ils contiennent (comme ce fut le cas en 2022 avec le JWST) déjà suffisamment d'information pour faire l'objet de publications scientifiques… Mais ces clichés sont aussi des « bonbons », quelques merveilles pour les yeux afin de communier autour de cette étape marquante pour le télescope. « Euclid représente un bond dans notre compréhension globale du cosmos, et ces images exquises nous montrent que la mission est prête à dévoiler les réponses d'un des grands mystères de la physique moderne », explique Carol Mundell, la responsable scientifique de l'ESA. C'est aussi la concrétisation de tous les efforts d'années de préparation pour le télescope au sol, et l'assemblage des instruments : les images produites sont vraiment le produit final dont rêvaient les responsables du projet.

Un florilège de galaxies avec Persée

On y retrouve l'amas de galaxies de Persée (Perseus Cluster), que l'on a affiché en tête de l'article. Sur ce dernier, on peut distinguer à l'œil nu plus de 1 000 galaxies différentes, et dans les détails de l'image, les astrophysiciens savent que plus de 100 000 autres se cachent encore, mais seront révélées par le télescope. Bon nombre d'entre elles n'ont jamais été observées ni révélées, faute de mesures et leurs caractéristiques vont révéler la structure de ce « coin » de l'Univers. L'amas de Persée est particulièrement scruté, car il est connu dans la littérature scientifique comme une zone qui n'a pu se former et évoluer qu'avec une forte proportion de matière noire. Cartographier ce petit coin du ciel avec précision recèle donc un trésor scientifique !

La galaxie spirale... Un modèle à bien comprendre pour identifier la matière noire. © ESA/Euclid Telescope
La galaxie spirale... Un modèle à bien comprendre pour identifier la matière noire. © ESA/Euclid Telescope

La galaxie spirale IC 342

En observant les galaxies et en cartographiant certaines de leurs étoiles les plus caractéristiques, Euclid va progresser dans son étude de la matière noire : les astrophysiciens supposent aujourd'hui que c'est grâce à cette dernière que les galaxies ont leur forme et leur cohésion. Ainsi, grâce à l'étude de ces marqueurs, leur âge, leur vitesse, leur position dans les galaxies (en particulier les spirales comme IC 342), on en saura plus sur les interactions avec cette masse que l'on ne détecte pas.

Ton père est un voleur, il a mis NGC 6822 dans tes yeux... © ESA/Euclid Telescope
Ton père est un voleur, il a mis NGC 6822 dans tes yeux... © ESA/Euclid Telescope

Les galaxies irrégulières : NGC 6822

Pour observer des galaxies très anciennes, Euclid va devoir cartographier des milliers de formes différentes, et les identifier. La plupart des « vieilles » galaxies observables ressemblent plus à des amas qu'à de belles spirales comme on peut parfois les voir publiées ! Il s'agira de peaufiner la technique pour bien comprendre à la fois la dynamique de leur formation, leur forme, et ne pas les confondre avec d'autres éléments, comme de petits clusters d'étoiles et de gaz.

Moins dense qu'une galaxie, mais tout aussi complexe... © ESA/Euclid Telescope
Moins dense qu'une galaxie, mais tout aussi complexe... © ESA/Euclid Telescope

Les clusters et amas d'étoiles globuleux : NGC 6397

Cet amas d'étoiles est à seulement 7 800 années-lumière de la Terre, c'est le deuxième plus proche de notre Système solaire et seul Euclid, avec son très large champ de vue, est capable de produire des images si résolues d'une région aussi étendue. Ces clichés uniques vont servir à affiner les calculs ainsi qu'à observer des étoiles très peu brillantes et leurs caractéristiques, pour encore un peu mieux contraindre l'histoire de notre galaxie, la Voie lactée. Les mesures permettront également de comparer les calculs et le catalogue d'un autre cartographe européen, lui aussi installé au point de Lagrange L2, le télescope Gaia (qui lui, cartographie uniquement les étoiles).

Chaque télescope a sa sensibilité... Et ses clichés iconiques ! © ESA/Euclid Telescope
Chaque télescope a sa sensibilité... Et ses clichés iconiques ! © ESA/Euclid Telescope

La nébuleuse de la tête de cheval

Aussi appelée Barnard 33, cette nébuleuse fait partie des « incontournables » à photographier avec un télescope spatial ou même terrestre. Cela permet de comparer les performances, mais aussi au fil du temps d'étudier l'évolution de cette « nurserie d'étoiles », qui devrait abriter de nombreuses exoplanètes massives, à la frontière entre des planètes et des étoiles (des Jupiter chaudes, et des naines brunes).

Enfin, ne boudons pas notre plaisir, si l'on aime cette nébuleuse, c'est aussi parce qu'elle est particulièrement belle. Et même si tout ça est particulièrement subjectif comparé à la science, générer de l'émerveillement n'est jamais gâcher du temps.

Source : Communiqué de presse ESA

Eric Bottlaender

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Je suis un "space writer" ! Ingénieur et spécialisé espace, j'écris et je partage ma passion de l'exploration spatiale depuis 2014 (articles, presse papier, CNES, bouquins). N'hésitez pas à me poser v...

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Je suis un "space writer" ! Ingénieur et spécialisé espace, j'écris et je partage ma passion de l'exploration spatiale depuis 2014 (articles, presse papier, CNES, bouquins). N'hésitez pas à me poser vos questions !

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Commentaires (11)

SPH
C’est beau… mais (pour l’instant) moins impressionnant que JamesWeb <br /> … quoi que ce ne sera pas la même utilisation.
somoved
Les images montrées sont une composition des deux instruments ? Une prise d’une seul instrument si oui le quel ?
somoved
JamesWebb ne fait pas dans le visible, un des instruments ici le fait, donc on «&nbsp;pourrait&nbsp;» voir certaines de ses images avec nos yeux, alors que pour JamesWebb c’est tout simplement pas possible.<br /> Donc les deux instruments sont bien tous les deux impressionnant, mais pas de la même façon.
ebottlaender
Les images sont toutes composées des vues des deux instruments, mais ce qu’on voit est essentiellement le VIS, le NISP est de son côté utilisé pour faire de la photométrie, c’est à dire qu’il donne les informations sur la lumière reçue. Cela influe pour les couleurs, mais pas tant pour ce qu’on «&nbsp;voit&nbsp;» nous.
themancool87_1_1
En voyant ces milliards d’étoiles… soi-disant, nous sommes seuls.<br /> Quand je regarde ces photos, je ne vois que des galaxies potentiellement habitées.
boby9999
Voir le paradoxe de Fermi
nicgrover
Le choix du nom «&nbsp;Euclid&nbsp;» est-il une référence à «&nbsp;Euclide&nbsp;» le mathématicien grec ?
Fodger
Pour ceux qui cherchent un lien &gt;_&gt; : ESA - Euclid's first images: the dazzling edge of darkness
Caramel34
Tout simplement magnifique, merci !!!
pcasenove
Pour répondre à quelques questions:<br /> Oui Euclid est une référence à Euclid et à la géométrie.<br /> Les images sont une combinaison de VIS et NISP, en mode imagerie. Pas de spectro encore dans cette première publication.<br /> Bien sur que c’est moins résolu que JWST, on ne fait pas la meme chose Chaque image couvre 0.5 deg² du ciel, la pleine lune. Mais elles ont été prises en moins d’1h chacune. Une image JWST est construite sur des dizaines d’heures d’observation, couvrant une partie du ciel bien plus restreinte. En un jour de relevé Euclid, on couvre autant de ciel que Hubble sur les 30 dernières années. On ne pourrait pas faire les 15000 deg² du relevé Euclid avec JWST.<br /> Dans le relevé gigantesque d’Euclid, des objets d’intérêt seront trouvés, et des observations 'follow-up" faite depuis JWST ou des telescopes sol si les programmes sont retenus. Il peut y avoir une certaine complémentarité.
ebottlaender
Un tout petit addendum, le communiqué de presse évoque tout de même 5h de prises de vues pour l’amas de Persée
pcasenove
Oui, vous pouvez même zoomer et voir que les pics de diffraction dans Persée sur les étoiles les plus brillantes sont doublées, signe d’une double visite, avec angle de rotation différent. Je vous laisse faire le lien avec le communiqué d’avant sur les quelques soucis rencontrés !
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