Exceptionnel James Webb : voici la sélection officielle des premières images !

Eric Bottlaender
Spécialiste espace
12 juillet 2022 à 21h20
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Les galaxies de la Quintette de Stephan, et une myriade d'autres plus lointaines derrière elles. L'une des premières images scientifiques du télescope James Webb...
Les galaxies de la Quintette de Stephan, et une myriade d'autres plus lointaines derrière elles. L'une des premières images scientifiques du télescope James Webb...

De la première dévoilée par Joe Biden depuis la Maison Blanche hier soir aux suivantes déchiffrées en direct ce 12 juillet dans l'après-midi, la première sélection d'images du télescope James Webb est fascinante. Elle montre surtout les capacités extraordinaires de ces nouveaux instruments pour comprendre l'univers.

Ces clichés vont émerveiller une nouvelle génération d'astronomes petits et grands !

Observer l'Univers comme nous ne l'avions jamais vu. La promesse était belle, aujourd'hui, elle est tenue. Certes, les capteurs du télescope James Webb fonctionnent dans l'infrarouge proche et moyen, il nous montre donc par définition ce que nous ne pourrions jamais « voir ». Mais l'adaptation de ces clichés à nos yeux respecte des codes scientifiques, il ne s'agit pas d'une licence artistique. Et la résolution elle, nous fait entrer dans une nouvelle dimension. Après l'émerveillement de Hubble qui se poursuit depuis les années 90, l'astronomie spatiale est bien entrée dans une nouvelle ère avec James Webb. Le résultat de 20 années d'attente et de travail pour des équipes qui peuvent, enfin, savourer le parfum d'une mission accomplie. Place à la science, donc. Et même pour nous, qui ne sommes pas astrophysiciens, place à la découverte, à une nouvelle lumière sur notre univers. Et au rêve, un peu…

Plongée dans un tout petit coin de notre gigantesque univers. Crédits NASA/ESA/CSA/JWST/STScl
Plongée dans un tout petit coin de notre gigantesque univers. Crédits NASA/ESA/CSA/JWST/STScl

SMACS 0723, le premier champ profond du Webb

Ce cliché, qui est celui dévoilé par le président américain dans la nuit, est en effet saisissant. Il faut observer, au centre, le groupe de galaxies qui se situe 4.6 milliards d'années-lumière de notre planète… Et dont la masse génère un effet de lentille gravitationnelle pour découvrir, en périphérie, des galaxies très peu visibles. Ces dernières (notamment celles en rouge) ont émis leur lumière il y a plus de 13 milliards d'années. Le cliché, sur lequel des milliers de galaxies de toutes formes et tailles sont visibles, n'aura nécessité que 12.5h d'exposition ! Et si cela vous semble long, sachez que pour le Hubble Extra Deep Field, le télescope avait eu besoin de collecter la lumière durant 22 jours d'exposition cumulée ! La surface couverte par ce cliché profond de SMACS 0723 est équivalente à celle que représente un grain de riz tenu par un adulte à bout de bras sur le ciel de nuit… Comme l'ont dit les responsables scientifiques de la mission en fin d'après-midi « nous faisons des découvertes avec cette image alors qu'on n'a même pas vraiment essayé ». Prometteur !

Les astrophysiciens espèrent via les premires campagnes, mesurer les exo-atmosphères de planètes rocheuses. Crédits NASA/ESA/CSA/JWST/STScl
Les astrophysiciens espèrent via les premires campagnes, mesurer les exo-atmosphères de planètes rocheuses. Crédits NASA/ESA/CSA/JWST/STScl

WASP 96b, dans l'atmosphère d'une exoplanète géante

L'observation du spectre atmosphérique infrarouge des exoplanètes est l'un des thèmes majeurs pour le télescope Webb, comme nous le précisait Pierre-Olivier Lagage (l'un des responsables de l'instrument MIRI) il y a quelques mois. Il n'est donc pas étonnant de retrouver le spectre de WASP-96b, une géante gazeuse à 1150 années-lumière de la Terre… Qui est immédiatement devenu le plus détaillé jamais obtenu pour une exoplanète. Selon l'équipe scientifique, on y retrouve d'ores et déjà la preuve qu'il y a bien des molécules d'eau sur cette géante (ce qui avait été prouvé par Hubble en 2013), mais aussi des indices qui montrent qu'il y a une atmosphère avec d'épais nuages.

Deux instruments différents, deux visions de NGC 3132... Crédits NASA/ESA/CSA/STScl
Deux instruments différents, deux visions de NGC 3132... Crédits NASA/ESA/CSA/STScl

La nébuleuse de l'anneau austral, version magnifiée

Dans cette nébuleuse NGC 3132, on retrouve un duo d'étoiles, et des détails… Qui n'avaient jamais pu être magnifiés jusqu'ici. La structure du nuage de gaz éjecté lorsque l'une des deux est passée au stade de la naine blanche, sa complexité, l'extraordinaire tapisserie de galaxies qui se cache derrière la nébuleuse, le cliché est d'une beauté saisissante. Il permet aussi d'appréhender les différences entre les instruments du télescope, avec un duo présenté qui montre les résultats collectés par l'instrument NIRCam ainsi que par MIRI. Les deux ont leurs différences et vont permettre des découvertes particulières !

Les points qui n'ont pas les "six branches" caractéristiques du Webb sont des galaxies... Crédits NASA/ESA/CSA/JWST/STScl
Les points qui n'ont pas les "six branches" caractéristiques du Webb sont des galaxies... Crédits NASA/ESA/CSA/JWST/STScl

La Quintette de Stephan, plongée au cœur des galaxies

Là encore, les galaxies en interaction, ce lent télescopage à des échelles dépassant l'entendement, se livrent en détails inédits. Lorsque Hubble en révélait les délicats détails, cette fois le cliché du Webb permet d'aller jusqu'à observer les étoiles, les millions de points qui constituent ces clusters. Les scientifiques peuvent maintenant étudier les ondes de choc de cette collision, mais aussi la composition des nuages de gaz qui s'effilochent vers l'infini, et leur origine. L'image elle-même est disponible avec une résolution inédite, agrégat de 150 millions de pixels grâce à 1000 clichés du JWST et travaillés ensemble. Et là encore, les instruments permettent des mises en abîme différentes, en particulier dans les régions riches en gaz et en poussière entourant le trou noir supermassif au centre d'une de ces galaxies.

Festival d'étoiles dans la Carène. Crédits NASA/ESA/CSA/JWST/STScl
Festival d'étoiles dans la Carène. Crédits NASA/ESA/CSA/JWST/STScl

La nébuleuse de la Carène, plongée en poésie

Pour « finir » (car après tout, ce n'est qu'un début), les capteurs se sont tournés vers la nurserie d'étoiles NGC 3324, dans la nébuleuse de la Carène. L'occasion de montrer avec quelle facilité et quel contraste ce nouveau télescope peut montrer la lumière des jeunes étoiles à travers ce nuage de poussière stellaire. Capturer les premiers instants des étoiles sera l'un des sujets d'étude majeur pour le James Webb. La poussée de gaz et de poussière au bord de cette « falaise » génère des effondrements, qui peuvent donner naissance aux étoiles. De quoi répondre à plusieurs questions majeures de l'astrophysique moderne, comme ce qui détermine le nombre d'étoiles à se former dans une certaine région, ou avec quelle masse elles peuvent « naitre ». Le télescope Webb permettra aussi de les recenser et de quantifier l'influence d'une région avec des étoiles très jeunes et très énergétiques. Enfin, il ne faudrait pas oublier la puissance visuelle d'un tel cliché…

Source : ESA

Eric Bottlaender

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Je suis un "space writer" ! Ingénieur et spécialisé espace, j'écris et je partage ma passion de l'exploration spatiale depuis 2014 (articles, presse papier, CNES, bouquins). N'hésitez pas à me poser v...

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Je suis un "space writer" ! Ingénieur et spécialisé espace, j'écris et je partage ma passion de l'exploration spatiale depuis 2014 (articles, presse papier, CNES, bouquins). N'hésitez pas à me poser vos questions !

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Commentaires (29)

Felaz
C’est juste magique…
solistice
Effectivement, rien de plus à ajouter.
phoenix2
Que personne me dise qu’on est seul dans l’univers, ça foisonne de vie.
ypapanoel
je me demandais si le James Webb serait vraiment visuellement le successeur d’Hubble, même si j’avais beaucoup d’attente.<br /> Encore pas fini de régler, il semble déjà validé pour les 20 prochaines années au moins. Au plaisir d’en voir plus, c’est juste magique!<br /> Quand je pense à tous les autocentrés nihilistes qui nous bassinent à longueur de temps pour des non-sujets… Feraient mieux de lever le nez. ça les ferait respirer.<br /> Et nous aussi
ptitepuce
Waaaaah c’est d’une beauté saisissante, j’attendais les photos avec impatience, ce James Web atteint les objectifs que beaucoup de passionnés attendaient !<br /> Une telle qualité de prise de vue, c’est impressionnant, limite révolutionnaire j’ai envie de dire.<br /> Les cieux ce sont la plus belle chose que l’on a à observer au-dessus de nos têtes, un spectacle gratuit, sans limite, naturel, et apaisant, l’univers est insaisissable, mais que c’est renversant !
Bourgneuf
L’événement le plus important de l’été, au minimum…ça rappelle l’émotion des premiers pas sur la Lune, en été aussi …
SlashDot2k19
C’est impressionnant… Rêvons un peu, et imaginons avoir de notre vivant l’explication de l’origine de tout cela…
dapoussin
Magnifique, ce télescope va révolutionner l’astronomie !
Duben
C’est tellement fou. Impossible de réellement imaginer l’immensité de tout ça, et tout ce que ça cache
Anne-Onyman
Merci pour ce beau reportage.<br /> Je me pose une question : comment fait-on pour stabiliser le téléscope jusqu’à réussir une prise de vue nette sur 12h ou même pour Hubble sur plusieurs jours?<br /> Est-ce qu’on stabilise le véhicule entier, ou l’optique à l’intérieur compense le déplacement? Bref, comment?
taist
moi, je me dis que parmi ces Galaxies et planètes, il y a une ou plusieurs civilisations qui ont mis leurs télescopes vers nous et ils se demande si il y a de la vie dans les images qu’ils voient ?
Bilbo
Cette mission est une réussite totale, du lancement parfait jusqu’à ces images. 30 années de travail bien récompensées.
stefr
James Webb va apporter autant de questions que de réponses.
_Troll
Ce n’est pas magique mais au contraire c’est scientifique. « l’adaptation de ces clichés à nos yeux respecte des codes scientifiques »
juju251
Ces images ! <br /> Elles sont déjà fantastiques pour nous « grand public », mais j’imagine que pour les scientifiques, ce sont des mines d’informations. <br /> Hubble avait déjà tellement apporté, mais là, c’est une nouvelle ère qui s’ouvre avec le JWST. <br /> A ce que j’ai vu passer dans ma TL Twitter, je pense que beaucoup de monde à changé de fond d’écran hier pour (notamment, mais pas que) la nébuleuse de la Carène.
cid1
Quelles superbes photos avec James Webb ST , je pensais qu’en infrarouge on ne verrais que étoiles, nuages de gaz et galaxies en orange comme sur les caméras infrarouge…<br /> Quelle erreur de ma part.<br /> Une photo en particulier me fait rêver, la deuxième photo avec l’effet des lentilles gravitationnelles, et pas une…plusieurs.Je me demande ce qui les provoques car on ne voit pas la sources de ces lentilles grav. en tout cas moi je la vois pas, peut-être un ou des trous noirs.<br /> Je remercie Eric B. pour nous avoir fait découvrir tout ces superbes photos et ce bel article, James Webb ST , plus toute l’équipe qui ont mis ce projet en ordre de marche et n’ont pas baissé les bras pendant plus de 20 ans.
ebottlaender
Ils stabilisent en effet le véhicule entier, et c’est une des raisons pour lesquelles il y a le moins d’éléments mécaniques mobiles sur ce genre de télescope : c’est pas le moment d’avoir une vibration.<br /> Pour le Webb c’est plus « facile » que pour Hubble, car son orbite particulière à 1,5 millions de km de la Terre est super stable. Pour Hubble, qui tourne autour de la Terre toutes les 2h environ, il faut pointer, et repointer, et rererepointer… C’est très long. Mais ce ne sont pas des techniques toutes nouvelles, en 60 ans c’est éprouvé.
Nmut
Je ne sais pas. Mais en tout cas, ça fait se sentir vraiment petit et insignifiant sur notre grain de poussière cosmique…
Nmut
cid1:<br /> Quelles superbes photos avec James Webb ST , je pensais qu’en infrarouge on ne verrais que étoiles, nuages de gaz et galaxies en orange comme sur les caméras infrarouge…<br /> Il y a une part artistique dans ces photos, puisqu’il y a transcription des données infrarouge vers le spectre visible. Donc c’est à la fois l’instrument et sa vision, associés à la « traduction » qui sont impressionnants!
crush56
Ca donne réellement le vertige, c’est saisissant. C’est dingue à quel point la relativité est importante, tous ces problèmes du quotidien, ces inflations, ces guerres, toute l’histoire de notre planète, tout ça qui se résume à… absolument rien à l’échelle de l’espace <br /> En tout cas excellent article comme toujours Eric.
cid1
Nmut:<br /> Il y a une part artistique dans ces photos, puisqu’il y a transcription des données infrarouge vers le spectre visible.<br /> Donc c’est bien en « fausses » couleurs, mais ça n’enlève rien à la beauté des photos, vite faisons en des NFT avant que quelqu’un d’autre n’y pense ^^
Nmut
Ouaip!
Urleur
« Voir ces images, donne envie de savoir, plein de questions de notre imagination. »<br /> Urleur
SPH
Non, ça foisonne d’étoiles !<br /> La vie, ce n’est pas un banal mélange de molécules. C’est bien plus…<br />
Space_Boy
que du « fake » dirai notre Trump. Du photoshop.<br /> En tout case, belle mission ce James Webb. Bravo la NASA.
ypapanoel
C’est encore bien pire : ça foisonne de GALAXIES sur ces images!
ypapanoel
Ben en fait le terme vrai ou faux en astronomie… je dirais que c’est toujours faux techniquement : En fait faudrait plutôt dire « adapté à notre perception de la couleur ».<br /> On a un spectre visible tellement réduite par rapport aux émissions de l’univers…<br /> Pour le comprendre, passer dans un registre de couleurs connues (RGB) des émissions qui peuvent être extrêmes (comme les gammas etc) ou pas (les ondes radio) permet aussi de comprendre ce que ces corps émettent, à quelle intensité, et comment ces éléments portent dans l’espace.<br /> Et quand en plus c’est fait avec goût… ça claque!<br /> Mon rêve : qu’on affiche les ondes gravitationnelles ! Même en « fausses couleurs »
cid1
ypapanoel:<br /> Mon rêve : qu’on affiche les ondes gravitationnelles ! Même en « fausses couleurs » <br /> Tiens, un lien → Einstein disait vrai - Une vibration de l’espace temps détectée ← une simulation des ondes gravitationnelles détectées il y a très peu de temps.
Biktamere
quand on a dit<br /> " magique" on a tout dit .
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