Plus de cinq mètres de long, 457 ch et 2,5 tonnes sur la balance : Américain jusqu’au bout des roues, le Ford Explorer s’affiche comme le parfait client du futur malus sur le poids. Grâce à sa motorisation hybride rechargeable, il échappe cependant pour l’instant à toute surtaxe. Essai du SUV le plus exotique du moment.
Note : les photos de ce reportage ont été réalisées sur un parking public autorisant explicitement le stationnement des véhicules à moteur.
Dans un univers automobile européen obnubilé par l’électrification et la lutte sans merci contre les émissions de CO2, il convient parfois de prendre un peu de recul et d’observer les usages qui prévalent sur d’autres continents. Pays du gaspillage énergétique par excellence, les Etats-Unis, dont les émissions de CO2 sont plus de trois fois supérieures à celles de la France, ont une conception de l’automobile bien différente de la nôtre.
Hybride provocateur
Là-bas, le modèle le plus vendu du marché est un pick-up motorisé au minimum par un V6 3.0 de 250 ch dont les émissions de CO2 ne sont pas mentionnées sur le site commercial. En ce qui concerne les voitures particulières, on comptait parmi les dix modèles les plus vendus au troisième trimestre 2020 trois SUV situés entre 4,90 et 5,10 m de long…. dont le Ford Explorer.
Véritable institution outre-Atlantique, il figure dans la gamme Ford depuis 1990. Il a célébré en 2019 l’apparition de sa sixième génération, qui accueille pour la première fois dans sa gamme des motorisations hybrides rechargeables. De quoi justifier son importation en Europe aux côtés de la Mustang, autre symbole de l’Amérique.
On sait en effet combien le cycle de mesure WLTP favorise ce type de technologie. Malgré sa masse et son V6 suralimenté de trois litres et 363 ch (457 ch de puissance cumulée), il n’annonce une consommation que de 3,1 l/100 km correspondant à des émissions de 71 g/km !
De par sa taille et ses sept places, ce Léviathan ne compte, on s’en doute, que très peu de concurrents sur le sol européen : le BMW X7 et le Mercedes GLS ne proposent en effet pas de motorisations hybrides, tandis que le Porsche Cayenne E-Hybrid ne compte que cinq places. Ne restent donc à lui opposer que le Volvo XC90 T8 et les futurs Toyota Highlander et Kia Sorento.
Ode à l’Amérique
Croyez-le ou non, mais aux Etats-Unis, le Ford Explorer appartient, malgré ses 5,06 m de long, à la catégorie des « Midsize », c’est-à-dire des SUV moyens. Il est donc aussi commun qu’un Peugeot 3008 chez nous. L’ancienne génération disparue en 2019 était même l’une des montures favorites de la police américaine. Bien entendu, il n’en va pas de même sur les routes françaises, où se promener à son volant ne garantit pas exactement la discrétion.
Sa calandre massive, ses traits taillés à coup de serpe symbolisent tellement l’Amérique que l’on hésite franchement à le conduire sans porter un chapeau de cow-boy. Acheter un Explorer est une manière d’afficher urbi et orbi son amour pour l’« american way of life ». Quitte à renoncer à fréquenter certaines villes, où ses 2,28 m de large (avec les rétroviseurs) nuisent un tantinet à sa popularité.
Une fois installé à l’intérieur, les impressions sont plus mitigées. Les assemblages sont plutôt de bon niveau et tous les matériaux choisis ne sont pas de mauvaise facture. Cependant, on reste très loin des standards européens pour une auto facturée tout de même 77 000 €. Les plastiques durs sont nombreux, et les imitations clinquantes bien présentes. On s’étonne encore un peu plus à la vue de l’écran central qui prend la forme d’une tablette verticale de 10,1" façon Tesla sans en avoir le format et les prestations. Rappelez-vous : l’Explorer n’est pas un véhicule de luxe aux Etats-Unis. Dès lors, n’espérez pas une navigation avec cartographie Google Maps ou un accès aux derniers services connectés. Le système Sync embarqué propose les mêmes prestations que celui d’une Ford Fiesta.
Le format de la dalle peut s’avérer gênant lorsque l’on connecte son téléphone Android : la carte de Waze ne peut s’afficher qu’horizontalement, et devient dès lors trop petite. Par contre, l’Explorer fourmille de rangements en tout genre, et on y trouve toujours un porte gobelet à portée de main. Le caractère pratique est clairement son principal atout.
Comme on peut s’y attendre, l’habitabilité à bord est plus que généreuse. On y trouve réellement de la place pour sept personnes, les deux sièges de dernières rangées étant réellement utilisables par deux adultes (et on y trouve là aussi des porte-gobelets). Pas de miracle cependant : dans cette configuration, il ne reste plus que 240 litres de volume de chargement.
On apprécie en revanche la modularité assistée : un platine de trois boutons dans le coffre permet de rabattre à distance les deux sièges arrière électriquement. Lorsque tous les sièges arrière sont rabattus, la surface de chargement est gigantesque - tout comme le volume, qui dépasse largement les deux mètres cube.
Si l’Incroyable Hulk était une voiture...
La partie électrique du système hybride du Ford Explorer est très proche dans ses performances de ce que propose, par exemple celui du 3008 Hybrid : la batterie de 13,6 kWh (13,2 kWh sur le Peugeot) fournit au moteur électrique une puissance de 73 kW (80 kW réels sur le français).
La comparaison s’arrête cependant là : le bloc thermique V6 ne ressemble à rien de ce qui se fait en France. Et malgré les 2 466 kg qu’il doit tracter, il ne manque jamais de souffle. Le chiffre de 6,03 secondes au 0 à 100 km/h traduit mal la sensation que procurent les accélérations : la poussée que produit chaque pression sur la pédale d’accélérateur semble presque incongrue pour ce qui tient plus de la locomotive que de l’automobile.
S’y ajoute en mode hybride une sonorité bien agréable de multicylindre qui tend à disparaître de plus en plus en Europe. Là s’arrêtent les stéréotypes traditionnellement associés aux américaines. Car dans notre finition ST dotée de suspensions « sport », l’Explorer est bien loin de l’attitude du « marshmallow » sur roues si typique. En dépit de sa masse, il n’est pas ridicule sur les petites routes et offre une précision de conduite très correcte. Des talents qu’il doit à sa structure monocoque et ses trains roulants sophistiqués, bien loin du châssis échelle et des trains rigides des 4X4 américains d’antan.
Il convient cependant de conserver toujours à l’esprit la masse et l’encombrement de l’engin : en cas de dérive, les marges de manœuvres sont particulièrement réduites. Ceux qui aiment les suspensions souples regretteront d’ailleurs peut-être le temps passé, le filtrage à basse vitesse et le confort n’ayant rien de très prévenant. Ce n’est qu’à partir de 50 km/h que le Ford retrouve sa composition.
La finition Platinium, dotée d’un amortissement plus souple, nous paraît en vérité plus adaptée à l’engin. Ford nous a invités à parcourir un trajet hors-piste dans un domaine privé pour souligner les capacités tout-terrain de l’Explorer. Il faut cependant souligner que celle-ci sont limitées par son empattement important, et encore une fois par sa masse.
Il convaincra sans doute plus par ses capacités de traction, puisqu’il est capable d’entraîner des remorques freinées jusqu’à 2 500 kg, ce qui n’est pas courant pour un modèle hybride. Soulignons toutefois qu’une telle entreprise nécessite impérativement un permis E, puisque le poids total roulant dépasse largement les 4 250 kg dans ces conditions.
Un mode électrique convaincant
Nous l’avons dit, les caractéristiques de puissance et de capacité électrique du Ford Explorer sont proches de celles d’une 3008 Hybrid4. Pour autant, l’architecture du système est très différente puisque la machine est placée dans la transmission à 10 rapports issue de la coopération entre GM et Ford.
Pas de moteur entraînant directement les roues arrière : la transmission intégrale permanente est assurée mécaniquement, même si l’électronique contrôle les différentiels selon différents modes adaptés à la nature du terrain. Ces derniers ne sont pas tous utilisables en mode 100% électrique. Il n’est dès lors pas question d’évoluer en silence et sans émission dans la boue ou sur du sable.
En revanche, nous avons été agréablement surpris par l’autonomie délivrée par le système, puisque nous avons parcouru 45,1 km sur un parcours mêlant voie rapide à 110 km/h et route limitée à 80 km/h. Etant donné la masse de l’Explorer, nous nous attendions à beaucoup moins. De même, la consommation lorsque la batterie est déchargée n’atteint pas les sommets attendus : elle culmine à 8,3 l/100 km sur route et ne dépasse pas les 10 litres sur autoroute.
Précisons toutefois qu’il s’agit de scores relevés à l’ordinateur de bord, que nous n’avons pas pu contrôler à la pompe. Il ne s’agit en rien d’une consommation économique, mais elle permet de mesurer le chemin parcouru par ce type de mastodonte qui engloutissait jusqu’à 20 l/100 km sans sourciller du temps des gros V8 atmosphériques.
Du côté de la recharge, notons que l’Explorer ne reçoit qu’un chargeur classique de 3,7 kW. Inutile donc de se brancher sur une borne rapide : une charge complète s’effectue au mieux en 4h20 ou 5h50 sur une prise domestique. Un temps qui reste cependant relativement court, grâce à la taille raisonnable de la batterie.
Acheter un Ford Explorer
Proposé à 77 000 € en finition ST et 79 000 € en Platinium, l’Explorer est de loin le modèle le plus coûteux de la gamme Ford. Il n’a bien entendu droit à aucun bonus écologique compte tenu de ses émissions et de son prix, mais le fait qu’il ne soit pas soumis à un malus important constitue déjà en soi un petit miracle (ou une grave anomalie selon les points de vue). Il reste exonéré de carte grise dans de nombreux départements et de TVS pour les entreprises sur une durée de trois ans. Soulignons enfin que le malus sur le poids auquel il sera inévitablement soumis n’interviendra au mieux qu’en 2022.
Son équipement intègre en série le toit panoramique, le hayon mains libres, la caméra à 360 degrés ou encore les sièges électriques à mémoire. Ford pratique d’ailleurs la politique du « toutes options » puisque seule la peinture métallisée figure au catalogue. Une pratique qui le distingue là encore résolument de son concurrent le plus direct, le Volvo XC80 T8, qui offre une variété bien plus grande d’équipements et de possibilités de personnalisation. Néanmoins, le suédois est proposé à partir de 88 000 €, soit 11 000 € de plus, et n’offre pas la même « santé » mécanique.
Bilan de l’essai du Ford Explorer
Pur produit de l’Amérique, le Ford Explorer n’en est pas tout à fait la caricature automobile que nous attendions. Certes, son gabarit éléphantesque apparaît peu adapté à nos petites routes de campagne et à nos parkings étriqués. Cependant son système hybride se révèle parfaitement au goût du jour, y compris en matière de consommation : il ne fait pas moins bien que ses concurrents européens en la matière.
Même surprise positive en ce qui concerne sa tenue de route étant donné sa masse. Reste à trouver l’utilisation idoine pour un tel mastodonte dont il faut assumer l’image. On imagine mal pouvoir rouler au quotidien en ville en mode électrique comme l’exige l’usage raisonné d’un modèle hybride rechargeable.
Il a de quoi convaincre avant tout les amateurs de grands espaces, ceux qui ont besoin de tracter des attelages lourds et bien sûr les inconditionnels de la culture américaine. Une clientèle réduite, ce dont Ford est bien conscient : il ne compte en écouler que quelques centaines par an dans notre pays.
Fiche technique Ford Explorer ST
- Dimensions L x l x h en mètres : 5,06 x 2,00 x 1,78
- Empattement : 3,02
- Volume de coffre : de 240 à 2 274 litres
- Poids à vide : 2 466 kg
- Nombre de places : 7
- Moteur thermique : V6 essence turbo
- Cylindrée : 2 956 cm3
- Moteur électrique : Un moteur électrique
- Capacité de batterie : 13,6 kWh
- Temps de charge sur secteur : 6 heures
- Puissance totale cumulée : 457 ch
- Couple total cumulé : 825 Nm
- Puissance fiscale : 32 CV
- Propulsion : Intégrale
- Direction : Electrique à crémaillère
- Suspension avant : Pseudo McPherson, ressorts hélicoïdaux, amortisseurs télescopiques.
- Suspension arrière : Pseudo McPherson, ressorts hélicoïdaux, amortisseurs télescopiques.
- 0 à 100 km/h : 6,03 secondes
- Vitesse maximale : 230 km/h
Prix et équipement
Ford Explorer ST-Line : 77 000 €
Bonus écologique : 0 €
- Caméra de recul
- Sellerie cuir
- Jantes alliage 20 pouces
- Entrée et démarrage sans clé : de série
- Navigation : de série
- Phares à LEDS
- Sièges et volant chauffant
- Stationnement automatique
- Toit panoramique
- En option : Peinture métallisée