Où en est la législation française sur les travailleurs d'Uber, Deliveroo et consorts ?

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Livreur Uber Eats

Les chauffeurs ou livreurs des plateformes Uber, Deliveroo, etc., doivent-ils être considérés comme des indépendants ou des salariés ? Quels sont leurs droits et leurs devoirs ? Ces questions demeurent aujourd'hui sans réponse claire en France. Le projet de loi d'orientation des mobilités doit dissiper le flou sur cette situation, mais tout le monde n'est pas d'accord.

Ces dernières années, de nombreux pans de l'économie se sont vus bouleversés. Uber a plus ou moins initié le mouvement avec ses VTC, tant et si bien qu'on a fini par parler « d'uberisation des services ». Le phénomène a ensuite vu apparaître de nombreux acteurs, par exemple sur la livraison de repas à domicile, tels que Deliveroo, qui vient de lever 575 millions de dollars.

Mais au cœur de cet essor, figurent des individus dans une situation incertaine. Ils peuvent porter le nom de « livreurs » ou de « conducteurs de VTC » et sont indispensables à l'activité de l'entreprise. Néanmoins, en France, aucune législation claire ne vient aujourd'hui encadrer ces nouveaux modes de travail. Ce qui peut engendrer une certaine forme de précarité, contre laquelle souhaite lutter le projet de loi d'orientation des mobilités.

Indépendants ou salariés ?

En règle générale, le modèle des sociétés comme Uber ou Deliveroo repose sur une importante main-d'œuvre de travailleurs indépendants. Un système qui permet notamment d'éviter les charges associées à la rémunération de salariés.

Mais en réalité, la situation n'est pas si claire, comme le prouve une décision de la Cour d'appel de Paris en janvier dernier. Celle-ci avait requalifié la relation entre Uber et un de ses anciens chauffeurs en contrat de travail. Elle avait motivé son verdict par le fait que le travailleur n'était libre ni de trouver ses clients, ni de fixer ses prix, ni de suivre son propre itinéraire. De plus, il ne pouvait pas réaliser de missions en dehors d'Uber et pouvait être sanctionné en cas de manquement.

Cette décision allait dans le sens de celle de la Cour de cassation, en novembre dernier, qui avait également conclu à l'existence d'un contrat de travail entre l'entreprise Take Eat Easy et l'un de ses livreurs à vélo. Pourtant, les plateformes continuent de s'appuyer sur une vaste communauté d'indépendants.

Exit l'article 20 du projet de loi

Le gouvernement a donc décidé d'inclure cette question dans son projet de loi d'orientation des mobilités. Dans son article 20, quelques solutions étaient proposées pour mieux encadrer ce modèle, dont la mise en place d'une charte détaillant les droits et les devoirs de l'entreprise, comme de ses travailleurs. Son objectif était ainsi de clarifier la relation entre les deux parties et d'améliorer les conditions de travail des indépendants.

Mais l'élaboration d'une telle charte restait à la discrétion de la plateforme, sans obligation. Cet aspect a alors fait l'objet d'une vive protestation de l'opposition, lors du vote en première lecture au Sénat. La mesure a, par exemple, été qualifiée de « rideau de fumée » par Michel Forissier, sénateur Les Républicains. En fin de compte, les élus de la seconde chambre du Parlement ont préféré amputer le projet de loi de l'article 20, avant qu'il ne soit examiné par l'Assemblée nationale.

De nouvelles propositions pour protéger les travailleurs

C'est donc sans cette partie que le texte est actuellement étudié par la commission du développement durable du palais Bourbon. Mais plusieurs députés ont formulé de nouvelles suggestions, afin de mieux protéger les travailleurs indépendants.

Par exemple, l'élue La République En Marche Bérangère Couillard a proposé de rendre obligatoire la charte évoquée précédemment. Elle a également soumis l'idée d'une « obligation de transparence des plateformes », qui se traduirait par un tarif minimum par prestation, l'affichage d'indicateurs quant au prix moyen, au revenu et au temps d'activité, ou encore un droit à la déconnexion.

De leur côté, les députés La France Insoumise ont souhaité aller plus loin, en requalifiant tous les travailleurs de ces plateformes en salariés. Une proposition à laquelle s'oppose la ministre des Transports, Élisabeth Borne, qui affirme que certains indépendants ne désirent pas cette requalification et souhaitent au contraire conserver leur statut.

Quoi qu'il en soit, le gouvernement a demandé aux députés de retirer provisoirement les amendements proposés, afin qu'ils soient débattus en séance publique. L'ouverture de ces discussions devrait intervenir à partir du 3 juin. Il reste donc encore du temps avant qu'on connaisse véritablement la position de la France sur le statut des travailleurs des plateformes de VTC ou de livraison.

Source : Le Figaro
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