Crew-3 s'envole, tout ce qu'il faut savoir sur la nouvelle rotation des astronautes de l'ISS

Eric Bottlaender
Spécialiste espace
11 novembre 2021 à 10h30
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Crew 3 devant la Lune. C'est pas l'objectif ici, mais elle n'est jamais loin, vue de ce site de lancement... © SpaceX
Crew 3 devant la Lune. C'est pas l'objectif ici, mais elle n'est jamais loin, vue de ce site de lancement... © SpaceX

Il y a de nouveau 10 astronautes en orbite ! Ce 11 novembre à 3 h 03, quatre astronautes ont décollé depuis le Centre Spatial Kennedy pour rejoindre la Station Spatiale Internationale. La mission Crew-3 utilise une nouvelle capsule Crew Dragon, et signe entre autres le premier vol de l'astronaute allemand de l'ESA Matthias Maurer.

Pas de mauvaise surprise ou de nouveau retard… Ouf !

Départ quai n°39A

Ça y est, la capsule Endurance a décollé pour la première fois. Après Endeavour et Resilience, il s'agit du troisième véhicule habité Crew Dragon à faire son « baptême spatial » au sein de la flottille proposée par SpaceX sous contrat pour la NASA. Et cette fois encore, quatre astronautes ont décollé pour une mission longue au sein de la Station Spatiale Internationale, dans la fin de soirée du 10 novembre en Floride. Plusieurs soupirs de soulagement ont dû retentir à la fin du compte à rebours : le vol a été repoussé à de multiples reprises depuis le 31 octobre, tantôt pour des problèmes météorologiques, tantôt pour un mini « problème » de santé d'un des astronautes (son nom n'a pas été divulgué).

Résultat, avec ces retards ils ont manqué Crew-2. © NASA
Résultat, avec ces retards ils ont manqué Crew-2. © NASA

À 3 h 03 heure de Paris, le lanceur Falcon 9 a allumé ses moteurs et entamé sa désormais classique montée vers l'orbite en à peine moins de dix minutes. L'étage principal de la fusée, qui avait volé pour la première fois en juin dernier, s'est posé avec succès sur la barge la plus récente de la flottille de SpaceX, « A Shortfall of Gravitas » (ASOG), tandis que le deuxième étage n'a pas manqué d'accélérer jusqu'à mettre Crew Dragon à vitesse orbitale.

Rox et rookies

L'équipage compte un astronaute expérimenté, l'américain Thomas Marshburn (61 ans) qui a déjà volé sur les navettes américaines puis a réalisé une première mission longue grâce à Soyouz… Mais cela remontait déjà à 8 ans. Il aura toutefois bien plus de facilité à gérer l'environnement spatial par rapport à ses trois collègues dans la capsule, qui sont en effet des « rookies » et atteindront l'orbite pour la première fois – et c'est pour cette raison que Thomas Marshburn pilote Crew Dragon. Avec lui on retrouve Raja Chari, américain lui aussi, qui commande la capsule suite à une période de formation. Il ne fut sélectionné astronaute qu'en 2017, exactement comme Kayla Barron qui fait aussi partie de l'équipage de Crew-3. Ils sont les deux premiers de leur promotion (« Les Tortues ») à partir pour l'espace !

"Les Tortues" peut-être, mais sans doute pas les moins bons de la promo... © SpaceX
"Les Tortues" peut-être, mais sans doute pas les moins bons de la promo... © SpaceX

Le dernier siège est occupé par l'allemand Matthias Maurer, qui fera lui aussi son premier vol. Son parcours est particulier, car il s'agit pour ainsi dire d'un astronaute entre deux promotions : il ne fut pas retenu avec ses collègues lors de la sélection de 2008 (qui incluait entre autres Thomas Pesquet) mais il faisait partie du dernier carré et s'est intégré à l'ESA au fil des années, avant d'être reconnu officiellement en 2015. Selon la façon de compter des américains (incluant les vols touristiques suborbitaux), Matthias Maurer sera le 600e humain à passer la frontière de l'espace.

Ce sera bientôt difficile de tenir les comptes !

Les membres de l'équipage Crew-3 devraient s'amarrer à la Station Spatiale Internationale ce 11 novembre au matin, après un vol incluant plusieurs hausses de l'orbite, et la « poursuite » finale de l'ISS. Toutes les opérations prévues sont normalement automatisées, mais les astronautes sont formés pour reprendre la main en cas de problème. À leur arrivée, ils auront un comité d'accueil réduit : les russes Piotr Dubrov et Anton Shkaplerov, ainsi que l'américain Mark Vande Hei qui fêtait hier son anniversaire.

Matthias Maurer est le premier allemand à décoller de Floride depuis Hans Schlegel en 2008. © ESA/NASA
Matthias Maurer est le premier allemand à décoller de Floride depuis Hans Schlegel en 2008. © ESA/NASA

Équipage réduit, car les quatre membres de la mission Crew-2 sont rentrés sur Terre ce lundi ! Shane Kimbrough et Megan McArthur, le japonais Akihiko Hoshide et le français Thomas Pesquet qui commandait l'ISS n'ont pas pu « passer le flambeau » en orbite à leurs collègues. Dommage, en particulier car la présence de deux européens aurait été historique. Ce n'est que partie remise… Et cela permet de faire de la place, puisqu'ils auraient été 11 dans la station – situation qui ne permet pas indéfiniment le confort de tous ! Avec les trois astronautes chinois présents sur leur propre station (la SSC) qui orbite quelques dizaines de kilomètres « sous » l'ISS, il y a donc 10 humains en orbite !

Station spatiale ou site touristique ?

S'agissant d'une rotation « régulière », Crew-3 va donc remplacer Crew-2 pour une mission de longue durée qui devrait se prolonger jusqu'à la deuxième moitié du mois d'avril (et l'arrivée, vous l'aurez compris, de Crew-4 à cette échéance). En plus de leur adaptation aux activités de l'ISS qui ne prendra que quelques jours, leur mission bénéficie d'un programme chargé. Des véhicules cargo Progress, Cargo Dragon et Cygnus vont se succéder régulièrement, mais il y aura aussi l'arrivée d'un nouveau module russe « Pritchal », ainsi que de plusieurs capsules dédiées au tourisme. La première aura lieu en décembre avec Soyouz MS-20 (le russe Alexander Misurkin accompagne le milliardaire japonais Yusaku Maezawa et son ami/réalisateur Yozo Hirano), et sera suivie début février par la mission Axiom-1 et ses quatre occupants (les américains Michael Lopez-Alegria et Larry Connor, le canadien Mark Pathy et l'israélien Eytan Stibbe). Ça en fait, des visites !

Le module russe pritchal en préparation à Baïkonour. © Roscosmos
Le module russe pritchal en préparation à Baïkonour. © Roscosmos

De la science, et encore de la science

Bien entendu, l'essentiel de leur mission (à l'exception d'un repos pour les fêtes de Thanksgiving, Noël ou Hanoukka) sera consacré à maintenir et étendre la durée de vie de la station, ainsi qu'à plus d'une centaine d'expériences scientifiques en cours. Pour l'allemand Matthias Maurer, qui est actuellement le seul astronaute actif au monde qualifié à faire des sorties en scaphandre russe Orlan MS et en scaphandre américain EMU, il devrait y avoir au moins deux sorties spatiales pour activer le bras robotisé européen ERA, mais l'essentiel de son temps sera consacré à la science. On peut citer côté européen un focus sur les bio-pansements reconstructeurs (Université de Dresde), nommés Bioprint First Aid, qui pourraient aider de futurs astronautes à se panser rapidement lors de missions isolées. On retrouve également l'étude de processus cellulaires avec la Cellbox-3 (Université de Francfort et Berlin) pour étudier les effets sanguins de l'ostéoporose ou encore l'expérience Thermo-mini pour mesurer la température corporelle des astronautes qui sont souvent sujets à une faible fièvre en Zéro-G.

Il y en aura beaucoup d'autres, comme les essais sur des alliages de métaux en fusion, une expérience sur la solidification d'un béton lunaire, l'observation d'atomes ultra-refroidis en lévitation, l'étude des plasmas ionisés, sans oublier bien sûr les grands classiques américains que sont l'étude des salades et des nouvelles pousses de plus en plus complexes au sein de l'ISS, à savoir les radis, les poivrons et les petites tomates (seules les salades peuvent actuellement être consommées). Et une myriade de prélèvements corporels réguliers pour contrôler le sang, l'urine, les selles, les muscles… Sur l'ISS, il y a toujours quelque chose à faire pour faire plaisir à une équipe de recherche restée au sol.

Ne pas regarder sous le tapis

Enfin, pour terminer ce petit tour d'horizon, on peut mentionner des améliorations de toilettes sur Crew Dragon, qui montrent bien qu'une capsule, même avec la certification NASA, doit évoluer tout au long de sa vie opérationnelle. Suite à une rupture d'une canalisation du système lors du petit vol touristique Inspiration4, les ingénieurs de SpaceX se sont rendu compte qu'il était possible que de l'urine des astronautes se répande sous le plancher de la cabine (mignon, même si ça n'a pas d'influence sur la vie à bord)… Et vérification faite, la capsule Crew-2 souffre du même problème de conception. Les astronautes ont ainsi dû rentrer chez eux en portant des couches, ce qui n'est pas inédit mais pas idéal non plus !

"Ouf, on pourra faire pipi normalement !" © SpaceX
"Ouf, on pourra faire pipi normalement !" © SpaceX

Même si les ingénieurs se sont précipités pour tester la résistance des matériaux présents dans cette zone face à ce contact chimique prolongé (pas de corrosion, heureusement), Crew-3 est donc la première de la série à bénéficier d'une petite modification du système afin de renforcer l'attache de cette petite canalisation, après quatre autres vols de Crew Dragon. Les petits détails parfois…

Eric Bottlaender

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Je suis un "space writer" ! Ingénieur et spécialisé espace, j'écris et je partage ma passion de l'exploration spatiale depuis 2014 (articles, presse papier, CNES, bouquins). N'hésitez pas à me poser v...

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Je suis un "space writer" ! Ingénieur et spécialisé espace, j'écris et je partage ma passion de l'exploration spatiale depuis 2014 (articles, presse papier, CNES, bouquins). N'hésitez pas à me poser vos questions !

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Commentaires (2)

Chirokee
Et pendant ce temps le CST-100 Starliner joue l’Arlésienne. Peut-être dans 20 ou 30 ans…
Hard-With-Style
Quelle honte !!! Ils ont volé le savoir des germains pour en arriver là !!!
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