Le prototype de Starship décolle pour un spectaculaire essai à 12,5 km d'altitude (avec un atterrissage moins doux que prévu)

Eric Bottlaender
Par Eric Bottlaender, Spécialiste espace.
Publié le 10 décembre 2020 à 09h10
Le début de l'impressionnante descente de Starship vers le sol. Crédits SpaceX
Le début de l'impressionnante descente de Starship vers le sol. Crédits SpaceX

Attendu depuis plus d'un mois, le « saut » du prototype Starship a eu lieu ce 9 décembre, diffusé en direct pour plusieurs centaines de milliers de spectateurs. Après un vol de plus de 6 minutes et une suite de fascinantes manœuvres, SN8 s'est écrasé en explosant sur son site d'atterrissage.

Les tests à (très) grande échelle ont commencé.

Gros saut, modo

Les premiers vols des prototypes de Starship depuis le site de SpaceX à Boca Chica (Texas) en août et septembre (SN5 et SN6) avaient généré de nombreux commentaires sur les progrès du programme. En effet, le « futur vaisseau interplanétaire » tel qu'il est présenté, avait au moins cessé de se rompre sous les hautes pressions de ses propres réservoirs. SpaceX a poursuivi ses progrès spectaculaires avec l'exemplaire prototype SN8. Celui-ci était devenu au mois d'octobre le premier à recevoir un trio de puissants moteurs Raptor réutilisables, avant que les équipes de SpaceX lui intègrent un nez aérodynamique et des surfaces de contrôle dynamiques (plans canards et ailerons mobiles).

SN8 sur son pas de tir, 3 jours avant le décollage. Crédits SpaceX/Elon Musk
SN8 sur son pas de tir, 3 jours avant le décollage. Crédits SpaceX/Elon Musk

Tant de nouveaux équipements qu'il a fallu tester, ce qui a pris quasiment deux mois, accompagné de traditionnelles coquilles techniques, pour que le feu vert puisse être donné pour un premier vol atmosphérique ambitieux. Annoncé de longue date par Elon Musk, il s'agit d'un vol propulsé à 20 kilomètres d'altitude, suivi par une descente contrôlée et par une manœuvre novatrice de retournement et de freinage au dernier moment, permettant un atterrissage « doux ». Ce 9 décembre, l'altitude a été rabotée à 12,5 km, mais les objectifs étaient identiques.

En attendant le saut

La fenêtre de tir s'ouvrant à 9h locales (15 heures Paris), les villageois de Boca Chica étaient déjà priés d'évacuer leurs habitations dans la soirée précédente, et la veille. Sur le site de lancement, les préparatifs se sont succédé toute la journée, après un premier essai le 8 décembre à 23h50 qui n'avait pu aller jusqu'au décollage à cause d'un problème sur l'un des trois moteurs Raptor.

Le 9 décembre, les équipes d'Elon Musk (présent au Texas, maintenant qu'il habite officiellement dans le coin) ont d'abord tenté une première fois aux alentours de 22h20, arrêtant le compte à rebours à 2 minutes et 6 secondes… à cause, visiblement, d'un avion présent dans la zone d'exclusion. Enfin, et à la grande joie de plus de 550 000 spectateurs en direct sur le flux de SpaceX, Starship SN8 a allumé ses 3 moteurs et décollé à 23h40.

Le sens du spectacle

Cette fusée ne ressemble pour le moment à aucune autre. La voir décoller à plus de quelques mètres, après pratiquement deux années d'assemblages et de tests, semblait presque irréel dans le ciel du Texas. SN8 s'est très bien comportée durant son ascension, passant de 3 moteurs à 2, puis à un seul moteur Raptor allumé, dans ce qui était sans doute un test proprement contrôlé. Le dernier moteur est longtemps resté allumé, ce qui donnait clairement l'impression de voir cet impressionnant cylindre d'acier de 55 mètres de long et 9 mètres de diamètre en suspension à haute altitude.

L'entreprise n'a pas manqué de nous donner rendez-vous, même heure même véhicule même crash... Crédits SpaceX

Le moteur éteint, Starship s'est engagé dans une manœuvre qui l'a amené à l'horizontale, sa trajectoire ajustée par ses nouveaux systèmes de plans canards à l'avant et d'ailerons à l'arrière. Il ne restait plus alors que la manœuvre de retournement à réaliser à basse altitude. Les trois moteurs se sont rallumés avant que l'un d'entre eux s'éteigne immédiatement. Cependant, la fusée a parfaitement réussi à se remettre à la verticale.

Un peu trop tard toutefois pour freiner assez : parvenue à la limite de son site d'atterrissage, le prototype a heurté la dalle de béton à environ 20 mètres par seconde. Sous la force de l'impact, les moteurs et réservoirs n'ont pas tenu, générant une large explosion sur le site. Et la fin du test après 6 minutes 49 absolument inédites.

Pas de pression !

L'échec était attendu, et Elon Musk s'est empressé de rassurer sur les réseaux sociaux que la majorité des objectifs de ce test ont été remplis avec brio. Selon lui, c'est un manque de pression dans le réservoir utilisé pour rallumer les moteurs en fin de vol qui a entraîné la fin dramatique du prototype SN8. Sans surprise, l'entreprise se prépare d'ores et déjà à mettre en place les essais à venir pour l'exemplaire suivant SN9, qui diffère très peu de celui qui vient de voler. Le temps pour les corrections et la mise en place suffiront probablement pour déblayer les débris et réparer les installations… Avant un prochain essai.

Source :

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Par Eric Bottlaender
Spécialiste espace

Je suis un "space writer" ! Ingénieur et spécialisé espace, j'écris et je partage ma passion de l'exploration spatiale depuis 2014 (articles, presse papier, CNES, bouquins). N'hésitez pas à me poser vos questions !

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Commentaires (10)
SlashDot2k19

Vers 1:50 min de vol, une partie de l’intérieur prends feu, pas très rassurant :sweat_smile:
Et l’atterrissage, BOUM ! :sweat:plus de fusée

ebottlaender

Oui, ils ont testé beaucoup de choses ! Le fait d’éteindre un moteur en vol, c’est assez impressionnant, car ça créé une dépression et un retour de flamme. On voit très bien les deux autres moteurs compenser, mais un petit incendie n’est pas totalement inhabituel dans un compartiment moteur. Le scotch, ça brule mais pour le reste, c’est fait pour.

Bon l’atterrissage, c’est pas encore tout à fait ça… Mais il faut quand même remarquer qu’au niveau contrôle de vol, c’est plutôt bon car elle atterrit droite, et sur la dalle de béton prévue à cet effet. Avec un peu de puissance moteur en plus… Enfin, on verra ça sur le suivant.

LinuxUser

Rien ne prend feu, simplement un peu de carburant qui s’est échappé après l’extinction d’un moteur.
Ce test est une grande réussite ! Impressionnant.

wedgantilles

Vraiment impressionnant, il se donner une chance sur 3 d’y arrivé ce qui était faible, mais c’est déjà une opération sacrément bien avancé pour un premier vol aussi haut avec sa manoeuvre finale et d’être revenu se « poser » à l’emplacement prévu

ebottlaender

Personnellement les manoeuvres atmosphériques, bon c’est très beau, mais je considère que la phase de montée avec le contrôle/compensation des moteurs jusqu’au vol « immobile » est absolument fascinante.

Encelade

Ce qui m’a impressionné c’est la stabilité de l’engin à la fois pendant l’ascension et la descente.
La vitesse de chute en position horizontale semble bcp moins rapide qu’un 1 étage F9 en position verticale. Je ne m’attendais pas à une telle différence.
Je n’ai pas vu les pieds se déployer ; il devait y en avoir, non ?

WillS

Très bon résumé! Le vol était impressionnant, ils ont presque tout réussi, et collecté toutes les datas dont ils avaient besoin. Vivement le vol du SN9 :slight_smile: Aussi, le fait qu’il se soit crashé en plein sur la piste est une bonne nouvelle car aucun dégâts au site qui auraient pu fortement les retarder.

WillS

je pense que l’impression de lenteur lors de la chute est surtout du à taille gigantesque du starship. Il y a une vidéo ou on voit la chute depuis juste en dessous, c’est impressionnant!
En effet, les landing legs ne se sont pas déployés.

ebottlaender

Il y a eu pas mal de vol de débris, et il y a quand même un peu de perte sur les équipements qui préparaient le pas de tir de SuperHeavy, juste à côté. Cela dit c’est minime quand on voit où ils auraient pu se bâcher à une centaine de mètres de là.

WillS

Techniquement ils ont atterri en plein sur la piste. Juste pas en un seul morceau.