Bercy veut s'attaquer aux méthodes douteuses de dropshipping des influenceurs

Alexandre Boero
Chargé de l'actualité de Clubic
12 avril 2021 à 14h58
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Faciles à convaincre en échange de quelques billets, les influenceurs sont des relais rêvés pour les adeptes du dropshipping. L'État veut désormais réguler cette pratique qui consiste à vendre des produits, sans en avoir le stock.

De plus en plus d'internautes se saisissent de leur clavier ou de leur mobile pour crier leur colère sur les réseaux. Et de plus en plus, celle-ci se porte sur les influenceurs, dont certains comptent des centaines de milliers, voire des millions d'abonnés sur des plateformes comme Instagram, TikTok ou Snapchat. Plusieurs d'entre eux sont en effet accusés de tromper leur communauté en se livrant à des posts sponsorisés ou des partenariats agissant comme le relais de sites internet de e-commerce aux pratiques plutôt douteuses, à la frontière entre la légalité et l'illégalité, mais pas encore officiellement régulées. Bercy a décidé de taper du poing sur la table, pour réguler ce que l'on appelle le « dropshipping ».

Un gros manque à gagner pour les finances publiques des États de l'Union européenne

Outre les nombreux signalements et remontées sur les réseaux sociaux, ce qui fait aujourd'hui tiquer le fisc, c'est ce que coûte chaque année la fraude à la TVA. La Commission européenne l'estime à 7 milliards d'euros au sein de l'UE. Pourquoi vous parle-t-on de la fraude à la TVA ? Parce que l'Inspection des finances a récemment révélé, dans un rapport, que 98 % des vendeurs de dropshipping n'étaient tout simplement pas immatriculés à la TVA.

Pour lutter contre cela, le code général des impôts introduira une nouvelle norme, valide à compter du mois de juillet, qui rattachera justement la vente à distance, « même si l'intervention du vendeur dans la livraison du bien est indirecte », précisent nos confrères du Figaro.

Mais concrètement, comment fonctionne le dropshipping aujourd'hui ? En réalité, tout part de sites de e-commerce, souvent fort douteux, qui vont servir de vitrines en exhibant des produits qui, en réalité, ne sont même pas en stock. Tout n'est pas factice dans la pratique puisque le site douteux prend le soin de choisir des produits chez un fournisseur. Il complète ensuite la page avec des photos de ce dernier et une description, et en prenant en charge la livraison et le SAV.

Le dropshipper s'assure une jolie plus-value

Le site à l'origine du dropshipping vient revendre plus cher des produits qui auront été en réalité été achetés sur des marketplaces comme AliExpress ou des plateformes comme Wish. Mais pourquoi le client l'ignore, pouvez-vous demander ? Tout simplement parce que, n'ayant pas le produit en stock à la base, le dropshipper va, dès la réception d'une commande d'un client, contacter le fournisseur (par exemple, Alibaba), pour lui faire expédier la fameuse commande, sans faire mention et sans le packaging d'Alibaba.

Cette pratique, aux allures trompeuses, permet ainsi de donner du crédit au site de dropshipping et permet surtout au dropshipper de faire une jolie plus-value sur chacun des produits vendus, quand les produits sont livrés selon la description, ce qui est loin d'être toujours le cas.

Les influenceurs : un rôle mi-instrument mi-profiteur

Et les influenceurs dans tout ça ? Ils sont justement l'instrument qui donne cette espèce de crédit à la pratique du dropshipping aujourd'hui, et aux sites douteux qui ne font leur « business » que par le biais des réseaux sociaux. Mais au passage, ils sont grassement rémunérés. Le Figaro nous explique par exemple qu'un électrostimulateur abdominal, que l'on trouve à 20 euros sur Wish, est vendu 80 euros sur certains sites douteux. Mais l'influenceur vous dira toujours qu'il s'agit d'une affaire en or, à saisir au plus vite, puisque par ses bonnes grâces, vous obtenez un super code promo qui fait tomber le prix de 130 à… 80 euros.

Le hic est qu'il existe une condition à respecter par les influenceurs : celle de ne pas indiquer qu'ils font la promotion de sites de dropshipping, évidemment. Le vice est parfois poussé loin, notamment lorsque l'opération vante un produit fabriqué en France par exemple, ou doté d'un savoir-faire français. En février, la Direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des fraudes (DGCCRG) a condamné la société Disinfluence à une amende de 10 000 euros, pour avoir indiqué des prix de référence qui n'étaient à aucun moment pratiqués. L'entreprise pressait même fictivement le client potentiel à transformer sa visite en achat, en se servant d'un compte à rebours suggérant que l'épuisement du stock était imminent.

Les influenceurs, eux-mêmes influencés, ne sont pas exempts de tout reproche. Souvent, ils font preuve d'une certaine naïveté, forcément motivés par l'appât du gain. « Il arrive qu'on nous envoie un produit à tester avant d'en faire la promotion, mais que les acheteurs en reçoivent un différent », affirme un influenceur. La papesse des influenceurs (notamment ceux issus de la téléréalité), Magalie Berdah, à la tête de l'agence Shauna Events, a elle-même reconnu avoir été piégée par des sites qui fermaient sans prévenir. Aujourd'hui, elle œuvre pour procéder à des vérifications juridiques plus poussées, en amont de toute collaboration éventuelle.

Alors si les sites de dropshipping sont les responsables désignés, la pratique ne serait rien aujourd'hui sans tous ces complices, conscients ou non des combines, qui leur livrent sur un plateau l'exposition nécessaire leur permettant de gagner toujours plus d'argent. Et face à l'attentisme des plateformes, dont la responsabilité des contenus n'est pas si évidente, les acteurs du dropshipping, qui voient néanmoins souvent leurs sites être mis hors ligne, continuent de profiter de l'absence de régulation. Une carence qui pourrait bientôt être comblée, si tant est que les pouvoirs publics aillent au bout de leur démarche.

Source : Le Figaro

Alexandre Boero

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Journaliste, chargé de l'actualité de CLUBIC. Reporter, vidéaste, animateur et même imitateur-chanteur, j'ai écrit mon premier article en 6ème. J'ai fait de cette vocation mon métier (diplômé de l'EJC...

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Journaliste, chargé de l'actualité de CLUBIC. Reporter, vidéaste, animateur et même imitateur-chanteur, j'ai écrit mon premier article en 6ème. J'ai fait de cette vocation mon métier (diplômé de l'EJCAM), pour écrire, interroger, filmer, monter et produire au quotidien. Des atomes crochus avec la Tech, certes, mais aussi avec l'univers des médias, du sport et du voyage. Outre le journalisme, la prod' vidéo et l'animation, je possède une chaîne YouTube (à mon nom) qui devrait piquer votre curiosité si vous aimez les belles balades à travers le monde, les nouvelles technologies et Koh-Lanta :)

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Commentaires (17)

GRITI
Une petite vidéo sur le sujet:<br /> https://m.youtube.com/watch?v=Kb13pjN0DKw
MisterDams
Malheureusement, ça va s’orienter uniquement sur les cas des influenceurs. En réalité, il y a des tas d’autres offres promues sur Facebook, Twitter et autre qui sont du dropshipping, et c’est franchement pas toujours facile à trouver.<br /> Pour avoir un proche victime d’une commande jamais reçue en dropshipping, sans avoir notion qu’il faut regarder les mentions légales pour trouver le propriétaire (AVANT d’acheter), c’est quasi sûr de se faire avoir. Les comptes ont une page Facebook, un site web, un SAV mail et Messenger… mais évidemment personne ne répond au bout.<br /> Et encore, même avec une adresse parisienne, je suis déjà tombé grâce à StreetView sur une société de… domiciliation d’entreprises.
kroman
Donc en gros, comme l’état ne peut pas encaisser la TVA des sites Chinois et que leurs services de douane sont inefficaces, ils vont se mettre à racketter les influenceurs Français car plus faciles à trouver. De mieux en mieux.
wannted
c’est très simple, ne rien acheter en provenance des influenceurs.
Space_Boy
Ici en Suisse, le plus gros e-commerce galaxus.ch vend aussi des produits d’autres. Ils transmettent la commande au fournisseur qui te l’envoi. Mais c’est marqué partout que c’est pas en stock chez galaxus et envoyé depuis un dépôt externe. Ils se protègent.<br /> Faut en finir avec ces magouilles sur internet comme le dropshipping. Ce n’est pas du business et le pauvre consommateur se fait avoir.
toast
T’es un bon toi…
lawyer
donc il faut laisser les influenceurs, parfaitement au courant de l’arnaque, continuer en tout impunité? t’en as d’autres de bêtises comme ça en stock?
Skoleras
Space_Boy:<br /> ci en Suisse, le plus gros e-commerce galaxus.ch vend aussi des produits d’autres. Ils transmettent la commande au fournisseur qui te l’envoi. Mais c’est marqué partout que c’est pas en stock chez galaxus et envoyé depuis un dépôt externe. Ils se protègent.<br /> On a la même chose en France rassures-toi. Bon nombre de sites marchants (Amazon, Cdiscount, La Fnac etc) vendent également des produits d’autres sociétés et parfois même chez les plus gros c’est difficilement lisible…
Nehi
T’es au courant du volume de colis qui transite tous les jours par Orly ?
Palou
Skoleras:<br /> On a la même chose en France rassures-toi. Bon nombre de sites marchants (Amazon, Cdiscount, La Fnac etc) vendent également des produits d’autres sociétés et parfois même chez les plus gros c’est difficilement lisible…<br /> cela se nomme des Marketplace
ZiwiPeak
Qu’ouïs-je ??? Des gens et entreprises qui vendent les produits des autres ? En se faisant une marge que des gens sont prêts à payer??? Attendez, ça s’appellerait pas un commerçant ça ? Je savais que la France n’était pas un pays à histoire et culture commerciale comme les Pays-Bas ou l’Angleterre mais là on touche le fond…
pecore
Je n’ai jamais été sur des sites ou chaines d’influenceurs. Je ne peux donc que supposer que c’est la version 2.0 du téléachat du matin, que je n’ai jamais regardé non plus mais dont je connais le principe.<br /> Si cela se limite à ça, je n’aime pas la pratique mais j’ai envie de dire que personne ne force les gens à regarder, ils choisissent malheureusement de le faire. Ce qui m’échappe c’est comment les gens peuvent penser avoir un avis objectif en regardant ce genre de vidéo. Rien que le nom «&nbsp;influenceur&nbsp;» laisse penser qu’on va se livrer sur le public à une forme de manipulation.<br /> De la manipulation à l’escroquerie il n’y a qu’un tout petit pas. J’espère que Bercy pourra faire quelque chose contre ça.
Highmac
De toutes façons, les influenceurs et influenceuses, on sait ce que ça vaut…
jvachez
L’influenceur n’y est pour rien. Il ne fait que de la publicité pour un vendeur je ne vois pas pourquoi on ne le rendrait responsable.<br /> Dans ce cas il faut condamner Catherine Deneuve pour toutes les ventes qui se passent mal sur le Bon Coin.
GRITI
Les influenceurs Youtube and co sont parfaitement au courant! Surtout maintenant que la pratique est répandue. Le problème c’est que les influenceurs ont une audience assez jeune et que celle-ci se fait avoir par le dropshipping.<br /> Perso je pensais, en voyant le titre, que c’était pour cela que Bercy voulait s’y attaquer…
thurim
La TVA est payée par le vendeur. En l’occurrence, la personne faisant du dropshipping.<br /> De facto, ce n’est pas au «&nbsp;site chinois&nbsp;» de payer la TVA, mais au dropshippeur, qui autrement fait de la fraude fiscale.
kroman
Oui, au dropshippeur Chinois… Tous ses nouveaux sites de fringues ne sont pas basés en France
thurim
Je pense que tu fais un mélange entre les choses.<br /> La personne qui crée le site «&nbsp;vitrine&nbsp;» pour vendre des produits qu’il n’a pas : le dropshippeur.<br /> Le site où il achète les trucs pour pas un rond (Aliexpress la majorité des fois, pour avoir fait pas mal de testing moi même) lui est parfaitement légal.<br /> Après, les dropshippeurs sont malins, leurs sites sont rarement hébergés en France, et c’est très dur de remonter jusqu’à eux. Mais d’un point de vu fiscal, c’est eux qui font la plus value finale, et ils doivent donc payer une TVA sur cette plus value.
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