Lufthansa : la faillite, plutôt que la dépendance à l'État allemand ?

Alexandre Boero
Chargé de l'actualité de Clubic
30 avril 2020 à 13h30
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© Lufthansa

La première compagnie aérienne européenne ne veut pas céder à la tentation de l'aide étatique à n'importe quel prix.

Lufthansa est bien décidée à montrer qu'elle est une compagnie de caractère. Non pas grâce à son statut de premier transporteur européen (et seconde en nombre de passagers en 2019, derrière Ryanair), mais parce qu'elle tient, avant tout, à son indépendance. Et la crise provoquée par le coronavirus pourrait mettre à mal cette dernière. La compagnie allemande privée, qui possède de nombreuses filiales nationales comme Austrian Airlines, Brussels Airlines et Swiss, est comme toutes ses concurrentes, dans le rouge. Sauf qu'elle n'est pas prête à « vendre son âge au diable » pour obtenir une aide massive.


La gourmandise de l'État allemand...

Alors que sa trésorerie (4,4 milliards d'euros) fond à vue d'œil et qu'elle recherche des liquidités, comme toutes les compagnies aériennes touchées par la crise, Lufthansa est en train de négocier une aide publique de 9 milliards d'euros, qui viendrait compléter les 900 millions d'euros financés depuis la mi-mars via des prêts à court terme et des lignes de crédit bilatérales tirées.

Le gouvernement allemand est prêt à lui accorder une manne qui pourrait lui permettre d'assurer sa survie à terme et de préserver un maximum d'emplois, mais non sans soumettre quelques conditions disons... dérangeantes aux yeux de la firme de Cologne.

Lufthansa, qui perdrait 1 million d'euros par heure, ne semble pas prête à faire toutes les concessions pour obtenir du cash. Car en échange de l'aide accordée, le gouvernement allemand souhaiterait monter au capital de la compagnie, à hauteur de 25%. Ce qui évidemment pose problème au transporteur, qui ne bénéficie que d'un seul actionnaire de référence à ce jour, le milliardaire allemand Heinz Hermann Thiele, qui détient 10% des parts de l'entreprise.



...qui veut une partie du capital et des sièges au conseil de surveillance

Soit. C'est surtout la seconde condition posée par l'État qui perturbe les négociations. Celui-ci souhaiterait en effet profiter de l'aide injectée dans Lufthansa pour « gratter » deux postes au conseil de surveillance, ce qui créerait un déséquilibre entre les actionnaires, la direction et ses salariés, et constituerait surtout une minorité de blocage. Sans oublier un taux d'intérêt fixé à 9%, qui coûterait 500 millions d'euros de coûts supplémentaires annuels à la compagnie.

Profondément vexée, Lufthansa est prête à envisager le pire, pour ne pas offrir son indépendance sur un plateau au gouvernement allemand. La firme, qui a réagi via son grand patron Carsten Spohr, a rappelé à la chancellerie qu'elle n'appréciait pas son interventionnisme étatique.

La compagnie est même prête à enclencher une procédure de faillite qui entraînerait un dépôt de bilan, si un vrai accord équilibré ne parvient pas à être scellé avec les autorités. Tentative de bluff ou caractère définitivement affirmé ? L'avenir nous le dira, même si on imagine mal l'État allemand laisser tomber sa compagnie phare.

Condor, concurrente allemande de Lufthansa qui repose sur les cendres du groupe Thomas Cook, a obtenu une aide de 550 millions d'euros qui prendra la forme de prêts garantis par l'État. L'aide a été autorisée par l'Union européenne.


Source : Les Echos investir

Alexandre Boero

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Journaliste, chargé de l'actualité de Clubic. Reporter, vidéaste, animateur et même imitateur-chanteur, j'ai écrit mon premier article en 6ème. J'ai fait de cette vocation mon métier (diplômé de l'EJC...

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Journaliste, chargé de l'actualité de Clubic. Reporter, vidéaste, animateur et même imitateur-chanteur, j'ai écrit mon premier article en 6ème. J'ai fait de cette vocation mon métier (diplômé de l'EJCAM, école reconnue par la profession), pour écrire, interviewer, filmer, monter et produire du contenu écrit, audio ou vidéo au quotidien. Quelques atomes crochus avec la Tech, certes, mais aussi avec l'univers des médias, du sport et du voyage. Outre le journalisme, la production vidéo et l'animation, je possède une chaîne YouTube (à mon nom) qui devrait piquer votre curiosité si vous aimez les belles balades à travers le monde, les nouvelles technologies et la musique :)

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Commentaires (13)

ttleme
Pour info, un avionneur est un constructeur d’avion et non une compagnie aérienne.
cirdan
L’état n’a-t-il pas son mot à dire quand il sort des milliards pour sauver une entreprise ? Le chantage de cette compagnie est assez cynique.
AlexLex14
Je m’en doute bien, mais il peut arriver que l’on s’emmêle les crayons #Humain<br /> Merci de m’avoir signalé cette petite inattention tout de même <br /> Et bonne soirée !
AlexLex14
Elle met la pression, car elle sait que sur un plan politique, le gouvernement allemand ne peut pas laisser Lufthansa s’écraser. Des dizaines de milliers d’emplois sont en jeu.<br /> Après, c’est clair que la menace du dépôt de bilan, c’est vache…
Blackalf
Et dans le même temps, Lufthansa demande une aide à l’état belge pour sa filiale Brussels Airlines ^^<br /> A propos de petite erreur, Alex : ce n’est pas « vendre son âge au diable » mais son « âme »
AlexLex14
Blackalf:<br /> A propos de petite erreur, Alex : ce n’est pas « vendre son âge au diable » mais son « âme » <br /> Bein décidément, je crois que sur ce coup, c’est ni mon âme ni mon âge que j’ai dû vendre au diable, mais mon cerveau <br /> Thanks
carinae
Il y a une dimension historique dans ce refus étatique… contrairement a la France où on se tourne vers l’état pour tout et n’importe quoi les entreprises allemandes n’aiment pas beaucoup l’intervention de l’état. Mais il est toutefois évident que l’Allemagne ne laissera pas tomber la compagnie d’autant plus qu’elle fait office de compagnie nationale…
Yoyoking
Ben une aide qui te rapporte 25% des parts d’une boîte et des sièges au Board, c’est pas une aide, c’est une entrée en capital basique. : /
Nmut
Heu, en France, l’état est déjà dans la place!
drannoc
Concernant la Luftansa en particulier je ne saurais l’affirmer mais, en Allemagne, d’autres administrations territoriales ayant des pouvoirs quasi-étatiques comme les Länder sont très actives dans des sociétés d’envergure nationale et internationale. C’est comme ça que VW a été sauvé par exemple (ça avait aussi permit à l’Allemagne d’échapper au moins partiellement aux règles européennes au sujet des aides d’Etat).<br /> Et puis, franchement, je ne crois pas à cette mise en scène entre cette compagnie aérienne et l’Etat allemand.
xryl
Honnêtement, je serais l’état Français, j’oeuvrerais le plus possible à ce qu’elle dépose le bilan, puis je l’achèterais pour une bouchée de pain. Je pense que ça ferait complètement sens de créer un monstre européen (AirFrance/KLM/Luftansa) au lieu d’avoir 2 boites qui se tirent dans les pattes en permanence.<br /> Si l’actionnaire principal a 10% d’un boite qui valait 4.4 milliard et qui maintenant ne vaut plus rien, je suis sûr qu’il acceptera de récuperer 200 millions plutôt que 0. L’état peu bien mettre 2 milliards de plus sur la table pour le coup (voire conditionner l’aide d’AF à la fusion des compagnies).
AlexLex14
xryl:<br /> Je pense que ça ferait complètement sens de créer un monstre européen (AirFrance/KLM/Luftansa) au lieu d’avoir 2 boites qui se tirent dans les pattes en permanence.<br /> L’idée est intéressante. Mais je suis pas certain que l’UE l’accepterait, avec le jeu de la concurrence
LooneyTimes
7 milliards sans contrepartie ? Bien au contraire, la contrepartie est enorme du coté d’AF-KL… Interdiction de vendre des billets la ou le TGV met 2h30 ou moins, autant te dire que Marseilles, Nantes, Strasbourg etc c’est au revoir. Comment la compagnie peut-elle se passer des lignes qui rapportent…<br /> Article interessant ici
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