En Europe, plusieurs gouvernements défendent une proposition qui imposerait aux plateformes de messagerie de scanner automatiquement tous les messages chiffrés, au nom de la lutte contre les contenus pédocriminels. Les avis sont très divisés.

En Europe, le projet "Chat Control" avance - ©mixmagic / Shutterstock
En Europe, le projet "Chat Control" avance - ©mixmagic / Shutterstock
L'info en 3 points
  • La proposition européenne "Chat Control" vise à scanner tous les messages chiffrés pour lutter contre les contenus pédocriminels.
  • Plusieurs pays, dont la France et l'Allemagne, soutiennent l'idée de scanner les messages, même chiffrés, pour détecter les contenus illégaux.
  • Les critiques soulignent que cette mesure pourrait compromettre la vie privée et entraîner des faux positifs, affectant tous les citoyens.

Le projet « Chat Control » défendu par la Commission européenne avance dans plusieurs pays de l’Union. Plusieurs gouvernements souhaitent contraindre WhatsApp, Signal, Telegram et d’autres messageries à ouvrir leurs systèmes pour détecter automatiquement la diffusion d’images et de textes liés à l’exploitation sexuelle d’enfants (CSAM).

Mais derrière cette ambition sécuritaire, des voix s’élèvent. Les associations de défense des droits numériques, des experts en cybersécurité, des magistrats et certains gouvernements rappellent que la surveillance envisagée toucherait tous les citoyens, sans distinction. Les débats se concentrent sur la vie privée, l’utilisation du chiffrement et l’efficacité réelle du projet.

Plusieurs pays soutiennent le scan de tous les messages chiffrés

L’Allemagne, la France, l’Espagne et la Pologne participent à la relance du projet. Ils soutiennent l’idée que scanner chaque message, même chiffré, devient indispensable dans la lutte contre les réseaux pédocriminels. Le projet de règlement obligerait ainsi tous les opérateurs, y compris ceux qui utilisent le chiffrement de bout en bout, à inspecter toutes les communications envoyées ou reçues.

Les plateformes devraient installer des outils de « client-side scanning », c’est-à-dire des systèmes qui analysent le contenu avant chiffrement, directement sur le smartphone ou l’ordinateur de l’utilisateur.

Les partisans du texte expliquent qu’il faut étendre les contrôles pour déjouer les échanges d’images interdites. Le projet prévoit aussi la vérification d’âge pour toutes les messageries, encore une première à cette échelle.

La France fait partie des pays en faveur du scan de tous les messages chiffrés - , des©Patrick Breyer

La remise en cause de la vie privée inquiète jusqu’au sein de l’Union

Les critiques ont réagi rapidement. Les associations de défense des droits humains insistent : cette façon de surveiller tous les échanges privés reviendrait à ouvrir une brèche dans le secret des correspondances. L’eurodéputé Patrick Breyer, cité par Netzpolitik.org, parle d’« une surveillance de masse inédite, où chaque citoyen sera traité comme suspect ». De nombreux spécialistes en cryptographie alertent également. Imposer une telle analyse, même localement sur l’appareil, revient à fragiliser tout le système. Si une porte existe, elle peut devenir accessible à des États autoritaires, voire à des groupes criminels. Les magistrats du Conseil de l’UE se sont aussi montrés critiques dans un rapport interne révélé en mars 2025 : ils jugent la mesure disproportionnée et rappellent l’absence de preuves concrètes sur son efficacité à limiter les risques réels d’abus.

Les ONG préviennent que ces outils risquent d’entraîner de nombreux faux positifs. Les systèmes de détection pourraient signaler des photos de famille, des conversations innocentes entre adolescents ou encore des échanges d’aide entre victimes et services sociaux. Un document interne analysé par Netzpolitik.org affiche aussi des réserves juridiques : « Le contrôle généralisé de toutes les communications nuit à la protection de la vie privée, un droit garanti par la Charte européenne ».

Les opposants pointent également l’absence de solutions techniques réellement sûres. De nombreux réseaux criminels n’utilisent d’ailleurs pas les messageries classiques, mais développent leurs propres outils. L’impact pèsera surtout sur l’ensemble de la population, pas forcément sur les groupes recherchés.

Quoi qu'il en soit, si vous relevez un contenu que vous estimez illicite ou qu'il met en danger des personnes vulnérables, n'hésitez pas à le signaler sur la plateforme Pharos.

  • Signalement simplifié des contenus illicites en ligne
  • Collaboration étroite avec la police nationale
  • Plateforme sécurisée et anonyme