Bennu : les échantillons d'astéroïde de la NASA révèlent déjà des secrets

Eric Bottlaender
Par Eric Bottlaender, Spécialiste espace.
Publié le 13 octobre 2023 à 19h00
Voici à quoi ressemble le collecteur une fois ouvert. Mais gare, ce ne sont que de premiers échantillons : il y en a beaucoup plus qui ne sont pas visibles pour l'instant. © NASA
Voici à quoi ressemble le collecteur une fois ouvert. Mais gare, ce ne sont que de premiers échantillons : il y en a beaucoup plus qui ne sont pas visibles pour l'instant. © NASA

Après deux semaines intenses pour ouvrir et examiner le caisson qui contient les échantillons de la mission OSIRIS-REx, les équipes ont à peine entrouvert la boite de pandore. Mais déjà, les premiers résultats viennent récompenser les années d'efforts : beaucoup de molécules carbonées et de l'eau !

Avec l'atterrissage impeccable de la capsule le 24 septembre dernier, la mission OSIRIS-REx s'est terminée sur un sans-faute, sept ans après son décollage. Mais pour les équipes qui attendaient les échantillons, ce n'est évidemment que le début de l'aventure. Après avoir isolé la capsule et l'avoir placée dans un caisson particulier, elle a pris un avion jusqu'au centre spatial Johnson. Mais une fois le bouclier thermique retiré et la capsule ouverte, les scientifiques ont été surpris de constater qu'il y avait déjà beaucoup de poussière et de morceaux d'astéroïdes, même sur les bords du collecteur. Les premières analyses n'ont pas tardé.

Ça déborde de découvertes

Lors d'une conférence en grande pompe mercredi 11 octobre, les équipes ont présenté leurs premiers résultats, sur des échantillons collectés sur les bords du collecteur : de très grandes quantités de molécules carbonées et des argiles saturées d'eau ! C'est une bonne nouvelle, parce que c'est directement ce que la mission OSIRIS-REx allait chercher sur Bennu (qui, pour rappel, est de type C – carboné). Les matériaux étudiés sont particulièrement précieux, car ils naviguent dans le Système solaire depuis sa création il y a 4,5 milliards d'années. Et, peut-être même certaines poussières datent-elles d'avant l'accrétion et la fusion de notre Soleil. L'objectif global de la mission était de ramener 60 grammes de récolte ! Or il y en a beaucoup plus, une quantité pas encore totalement déterminée, autour de 250 grammes et probablement un peu plus. En réalité, ce n'est pas facile à estimer, car le collecteur n'a pas encore pu être ouvert. Il y a tellement à découvrir et à étudier sur ses bords que les équipes vont prendre le temps. Chaque grain de matière est précieux !

Surprise à l'ouverture du compartiment scellé : il y a déjà des morceaux d'astéroïdes hors du collecteur ! Un trésor... Avant même d'ouvrir le reste. © NASA
Surprise à l'ouverture du compartiment scellé : il y a déjà des morceaux d'astéroïdes hors du collecteur ! Un trésor... Avant même d'ouvrir le reste. © NASA

Il va falloir faire du tri

« Ces échantillons de la mission OSIRIS-REx sont les plus imposants morceaux riches en carbone ramenés sur Terre, et ils vont aider l'équipe scientifique à déterminer les origines de la vie sur notre propre planète pour les prochaines générations », a expliqué Bill Nelson, l'administrateur de la NASA. Le responsable scientifique de la mission Dante Loretta a pour sa part rappelé qu'il faudrait environ deux ans pour examiner, classer, identifier chaque échantillon ramené par la mission avant que des examens plus poussés soient menés. Patience donc, même si plusieurs poussières et grains de matière ont déjà été observés au microscope électronique, ce qui a permis d'y découvrir des inclusions métalliques, ainsi que les premières compositions chimiques. Un morceau de 2mm de long a également été scanné aux rayons X, révélant sa composition interne et produisant un modèle 3D.

Impossible à observer sur place

Cela permet aussi de se constater à quel point l'échelle de l'étude de ces échantillons est différente de ce qu'il est possible de faire avec une mission embarquée. Les sondes et véhicules que l'on envoie ont beau parfois être de petits laboratoires, leurs capacités sont limitées en comparaison des instruments disponibles sur Terre. Il y a une véritable armada de laboratoires (y compris en France, avec des capacités uniques) qui attendent de recevoir des échantillons de Bennu. Et même quelques grains, quelques microgrammes, peuvent suffire à retracer à la fois le passé de l'astéroïde, mais aussi celui d'une partie de notre Système solaire. « Ce trésor de matériel riche en carbone, et les argiles hydratées, c'est juste la partie immergée de cet iceberg cosmique. Ces découvertes viennent récompenser des années de collaboration à la pointe de la science, et elles vont nous emmener dans un voyage pour comprendre non seulement notre environnement céleste, mais aussi le potentiel début de la vie sur Terre ».

Les différentes particules identifiées au microscope électronique lors de l'étude préliminaire. © NASA

La NASA n'utilisera qu'une partie des échantillons de Bennu. Environ 60 à 70 % seront laissés de côté en atmosphère protégée et dans des containers étanches, pour être ouverts au compte-goutte dans les décennies à venir : il y a de toute façon assez de matériel pour que des générations de thésards et de chercheurs les étudient, tout en attendant des techniques qui ne sont pas encore au point. Enfin, il ne faut pas oublier la collaboration internationale : environ 10 à 15 % des échantillons rapportés partiront au Japon, dans le cadre d'un partenariat avec les équipes de la mission Hayabusa2. Ces dernières avaient rapporté environ 5 grammes d'astéroïde Ryugu en décembre 2020, et une partie a été transférée pour étude aux États-Unis.

Source : 

Nasa

Par Eric Bottlaender
Spécialiste espace

Je suis un "space writer" ! Ingénieur et spécialisé espace, j'écris et je partage ma passion de l'exploration spatiale depuis 2014 (articles, presse papier, CNES, bouquins). N'hésitez pas à me poser vos questions !

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Commentaires (10)
Caramel34

On va aller de surprises en surprises, merci de partager la suite de cet excelent épisode :blush:

Martin_Penwald

Tiens, une hypothèse intéressante (Kurzgesagt, en anglais) sur l’origine de la vie telle qu’on la connaît, à savoir carbonée et nécessitant de l’eau liquide pour se développer :

Je résume : en gros, la taille de l’information codante dans l’ADN augmente toujours et de façon régulière depuis le début de l’apparition de la vie. Or, si on va à l’envers pour estimer le moment où sont apparus les premiers organismes vivants, qui posséderaient donc un minimum d’ADN codant, on arrive à un moment qui prédate l’apparition de la Terre.
L’hypothèse serait que quelques millions d’années après le Big Bang, quand la température de l’Univers oscillant entre 0 et 100°C, les premiers organismes vivants ont pu apparaître un peu partout, vu qu’on pouvait trouver de l’eau liquide facilement.
Une fois l’Univers plus froid, certains de ces organismes auraient pu s’isoler, et leur évolution continuer une fois tombés sur une planète ayant les conditions idéales pour se propager.

L’étude des échantillons de Bennu pourrait éventuellement apporter un crédit à cette hypothèse.

Caramel34

J’adore chaîne, merci !

SPH

Je serais curieux de savoir si il y a des microbes dans l’échantillon ! :thinking:

BernardB

Très bon article Eric;
Pour moi cela confirme que nous sommes vraiment le produit de l’Univers, via les étoiles.
Je suis ravi d’être un enfant des étoiles, comme ils disent !
Mais !!!
L’odyssée cosmique de l’humanité est encore jeune, pourtant en moins d’un siècle nous sommes passés à une perception étroitement planétaire à une vision quasiment infinie, qui va du Big bang aux humains.
Mais la matière que nous connaissons, atome, électron, proton, particule, étoile, nébuleuse et galaxie, ne représente que 5% de notre univers, le reste de l’univers est composer de 23% de matière noire et 72% énergie sombre ‘’noire’’, ce qui donne 95% d’inconnu.
On sait ce que ce n’est pas, mais on ne sait pas ce que c’est.
A ce jour nous sommes incapable de définir leurs composition, mais nous avons l’effet, et nous ignorons la cause, les deux inconnus n’ont pas un atome n’y particule, impalpable, invisible, et c’est là ?
Pourtant la matière noire agie sur la gravité des astres et la lumière et l’énergie noire accélère l’éloignement des galaxies, l’univers est toujours en expansion et accélère. Cause à effet, les scientifiques planche grave sur le koikesske-c’est ?
Dé que j’ai des infos, je vous en ferrais part.
Pour conclure nous somme constituer avec les atomes de l’univers, nous sommes les enfants des étoiles. Cool

  • L’univers est notre créateur, tout notre corps est composé de milliards de milliards de milliards d’atomes venus des étoiles, donc nous aussi nous avons 5% de matière de l’univers, alors ou sont les 95% de notre être ?
    Je vous laisse réfléchir ?
    A mon avis nous rentrons dans un domaine que nous appelons l’âme chez l’homme !
    L’âme est t’elle une réalité ou un souhait pour continué à exister ???
    Avé moi
KlingonBrain

L’étude des échantillons de Bennu pourrait éventuellement apporter un crédit à cette hypothèse.

@BernardB

Pour moi cela confirme que nous sommes vraiment le produit de l’Univers, via les étoiles.
Je suis ravi d’être un enfant des étoiles, comme ils disent !

Sauf que ça n’apporte toujours pas le moindre début de commencement d’explication à l’existence de la conscience.

Tant qu’on ignorera tout de cette question, je vois mal comment on pourrait avoir des certitudes.

Alors bien sûr, c’est bien de progresser. Mais à condition de ne jamais oublier tout ce qu’on ignore encore.

loloaml

Oh…
Les laboratoires sur terre sont mieux équipés et plus performants que ceux envoyés avec des pékins dans l’espace….
Pouquoi caraméliser un pognon de dingues afin d’envoyer dans l’espace des équipages inefficaces ?
N’y aurait-il pas quelque chose à faire sur terre avec tout ce bouzouf et cette pollution des lanceurs ?

a-snowboard

Si tu ceux du bouzouf, va le chercher chez les milliardaires et millionnaires qui ne savent pas quoi faire de leur argent (a part en amasser toujours plus).

Et laisse l’exploration spatiale tranquille. Elle nous permets de sortir de l’ignorance et d’éviter d’avoir à écouter les crétins qui pensent que la terre est plate.

Et le confond pas exploration spatiale (d’ailleurs tu les récupères comment les échantillons ?) et les lanceurs de spaceX pour starlink et donc internet via satellite. Ce sont deux choses qui n’ont rien à voir et n’ont pas les mêmes objectifs.

loloaml

Depuis plus de 50 ans, je suis pour l’exploration spaciale.
Mais depuis trente années, je conteste la présence d’êtres humains dans l’espace qui coûtent très cher et n’apportent strictement aucune plus-value.
Pour ce qui est de récupérer le fric chez les nantis, je suis absolument pour…

Nmut

Par définition, on ne sait pas ce que l"on ignore. Par contre, avoir plus de connaissance permet d’avoir une meilleure idée de la quantité de choses qu’il reste à découvrir!
OK, je chipote, je suppose que c’est ce que tu vouais dire! :smiley: