L'UE veut que les travailleurs Uber ou Deliveroo soient présumés salariés en Europe

Noëllie Mautaint
Publié le 12 décembre 2021 à 16h00
uber taxi

Le bras de fer entre Bruxelles et les plateformes digitales continue. L'exécutif européen entend faire passer des millions de personnes sous le statut de salarié.

Salaire minimum, couverture sociale, retraite… La Commission européenne a présenté ce jeudi une proposition de directive visant à mettre un terme à l’usage frauduleux du statut indépendant des travailleurs de plateformes numériques comme Uber et Deliveroo.

Une directive ambitieuse pour sécuriser les travailleurs indépendants

La guerre est déclarée entre les plateformes de livraison et la Commission européenne. L'exécutif continental veut faire des livreurs de Deliveroo et des chauffeurs d’Uber des salariés à part entière et les émanciper de leurs conditions de travail actuelles, qui dépendent amplement d’un algorithme. Aujourd’hui, ce sont 28 millions d'Européens qui travaillent pour ces plateformes, dont 90 % avec le statut d'indépendant. Un chiffre qui devrait grimper à 43 millions d’ici 2025.  

À travers l’Union Européenne, plus d’une centaine de décisions judiciaires ont été rendues tandis que d’autres sont en attente sur des contentieux similaires. Certains jugements, notamment en Espagne et aux Pays-Bas, ont requalifié les travailleurs des plateformes épinglées comme des salariés, tandis que d’autres vont dans le sens contraire. Soucieux d’harmonisation, l'exécutif communautaire a présenté ce jeudi 9 décembre son projet de directive pour mettre en place des critères précis afin de déterminer le statut de ces travailleurs à l’échelle de l’Union Européenne. Il devra néanmoins être amendé et validé par le Parlement et le Conseil de l'UE par la suite.

Vers une « présomption de salariat »

Plus concrètement, Bruxelles souhaite désormais que ce soit les entreprises qui prouvent que leurs recrues ne sont pas des salariés mais des indépendants, en instituant une « présomption de salariat ». La Commission européenne a listé les cinq critères suivants pour définir si un travailleur peut être considéré comme salarié ou non : la plateforme fixe la rémunération, elle supervise le travail par un moyen électronique, elle impose au travailleur ses heures de travail, elle dicte la manière dont il doit se comporter avec le client et elle l’empêche de travailler pour un autre donneur d’ordre. Si le travailleur remplit deux de ces critères, son contrat doit être requalifié et la plateforme devra se soumettre aux obligations du droit du travail (salaire minimum, temps de travail, normes de sécurité…) dans le pays concerné. 

La Commission européenne entend également protéger les travailleurs vis-à-vis des algorithmes qui encadrent leur travail en imposant une transparence accrue sur leur fonctionnement. Bruxelles souhaite leur offrir une forme de management plus humaine en leur permettant de réexaminer des décisions de la plateforme, notamment en créant de nouvelles instances de dialogue social et la possibilité d’une représentation collective. Par exemple, si l’algorithme d’une application demande tout à coup une livraison plus rapide qu’auparavant, le travailleur pourrait saisir quelqu’un afin de demander des explications voire réclamer un changement des règles et/ou une compensation. Par ailleurs, l'exécutif continental propose que les plateformes mettent en relation ceux qui travaillent pour leur compte afin qu’ils puissent s’organiser et être formés aux nouvelles technologies. Une proposition qui selon la Commission Européenne influencerait les algorithmes auxquels ils sont soumis. 

Des avantages pour les travailleurs et les entreprises

« Cette proposition constitue une avancée majeure qui permettra d'intégrer l'économie des plateformes dans le modèle social européen. Nous proposons des mesures claires pour permettre à ceux qui sont effectivement des salariés d'accéder à la protection sociale à laquelle ils ont droit », indique le commissaire à l'emploi, Nicolas Schmit. À l’heure actuelle, 55 % des indépendants touchent moins par heure que le salaire minimum net du pays dans lequel ils travaillent. Cette directive leur donnerait donc accès aux avantages du statut salarié, dont l’assurance santé, les congés payés, les arrêts maladie indemnisés ou encore le droit au chômage et à leur future retraite.

De leur côté, les États membres récupéreraient les cotisations sociales et les impôts qui leur échappent à cause de l’usage frauduleux du statut indépendant des travailleurs de plateformes numériques. Une somme qui pourrait représenter jusqu’à 4 milliards d’euros par an, dont 780 millions pour la France, estime la Commission européenne. Quant aux entreprises elles-mêmes, elles gagneraient en sécurité juridique et feraient des économies en frais d’avocats alors que les actions en justice se multiplient depuis trois ans, mais elles ne voient pas la chose du même œil. Selon une étude, si les trois leaders du secteur (Bolt, Uber et FreeNow) salariaient leurs chauffeurs, ils se sépareraient de 56 % d’entre eux, soit 136 000 personnes. 

Source : Le Monde

Noëllie Mautaint
Par Noëllie Mautaint

Fan absolue de jeux vidéo bercée par les RPG et les jeux à forte narration. Constituée à 80% de jeux vidéo, mangas, séries, cinéma, livres, musique et nouvelles technologies. Attention, peut mordre si on critique à tort Final Fantasy X et XIII, Kingdom Hearts, The Last of Us, Life is Strange ou Avatar The Last Airbender.

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Yves64250

L’UE,j’espére qu’elle va disparaitre pour nous laisser indépendant avec nos emplois made in france.

g-jack

Et tous ceux qui ont besoin de ça pour compléter leur fin de mois ils font comment s’ils ne sont plus auto-entrepreneur (avec le libre choix du niveau d’activité) ?

MisterDams

Malheureusement c’est un peu comme le travail non déclaré, à petite échelle ça semble bénéfique pour tout le monde, mais c’est néfaste à grande échelle.
Ces services ont détruit les salariés des restaurateurs qui proposaient déjà la livraison, et se prennent des marges confortables pendant qu’un livreur « qui attend » est gratuit et le fait faute d’autre solution pour avoir des revenus. Dans n’importe quelle entreprise c’est de la responsabilité du patron de donner de l’activité à ses salariés.

Il y a un super reportage intéressant sur France TV Slash « Invisibles - Les travailleurs du clic » qui évoque entre autre ce sujet.

Proutie66

Quand on lit les deux premiers commentaires, je me rend compte, amèrement, que les preneurs de décisions ne devraient jamais demander l’opinion du bas peuple.

1.L’UE fait ça pour les salariés. Afin d’anéantir ce type de dumping salarial, celui là même qui vous permet d’être éduqué et de savoir lire.
2. C’est néfaste pour l’ensemble de la population.

norwy

L’UE regarde le nombril de tout le monde, pas juste celui de ceux qui trouvent ça cool d’exploiter un type jusqu’à l’épuisement physique et morale pour 3 francs 6 sous. Le droit du travail, ce n’est pas une colonie de vacances, figures-toi, c’est du sérieux…

Ce type d’entreprises sont l’équivalent de marchands de sommeils déguisés en startups avec les discours d’hypocrites qui vont avec pour continuer la gabegie sous tes applaudissements :

  • Marchand de sommeil : « nous logeons les sans-abris et les sans papiers »
  • Sociétés de crédits conso : « nous prêtons à ceux à qui on ne veut pas prêter »
  • Plateformes de livraisons : « nous donnons un emploi à ceux qui n’en n’ont pas »
Yves64250

Oui le petit peuple il subit et il ferme sa gueule,avant l’europe tous les pays vivaient trés bien,l’europe c’est se soumettre a une décision d’une poignée d’hommes qui pensent que pour leur gueule.

Beaubarre

@Proutie66

Les deliveroo et consorts ne sont que les courroies de transmission de notre volonté d’avoir le plus bas prix quelque soit le coût humain derrière.

Ces commentaires comme tu dis - sont au moins des gens honnêtes avec eux mêmes, 99% des autres sont des hypocrites - critiquant ces plateformes mais étant les 1ers à les utiliser pour économiser qques centimes

MisterDams

Non, Uber eats et Deliveroo ne sont certainement pas des services pas chers pour le consommateur. Les produits vendus ont un surcoût parfois énorme et la livraison elle-même est également facturée.

En revanche, ce qu’on veut c’est le confort de commander sur une appli unique et être sûr que le resto est ouvert et permet de se faire livrer, qu’on soit de passage dans un Airbnb à l’autre bout de la France, ou chez soi un dimanche après-midi.
Ça nécessite une infrastructure technologique qu’à apportée l’uberisation, avec 3 plateformes :

  • celle du restaurateur,
  • celle du client
  • et celle du livreur.

En soit une ville entière pourrait décider de déployer ce service, mais ça reste hors de portée pour des commerçants indépendants pas du tout reliés entre eux à grande échelle (ça nécessiterait un GIE par exemple).

Peut-être qu’un projet opensource fournissant les logiciels pourrait multiplier les initiatives (et les arnaques ? :roll_eyes:)

Yves64250

C’est un peu trop facile de dire que c’est la faute aux français,c’est méme classique pour dire que « c’est de ta faute ta vie économique »

Proutie66

Heureux de faire parti des 1% autres.
Je n’utilise pas Uber, j’en ai pas besoin.
Je n’utilise pas Deliveroo & autres, quand je veux manger au restaurant, j’y vais (le cadre fait 60% du repas).

D’autres questions ?