Le patron d'Uber explique combien embaucher des chauffeurs sous contrat serait insupportable

Alexandre Boero
Chargé de l'actualité de Clubic
05 octobre 2020 à 17h36
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Dara Khosrowshahi, patron d'Uber (© Uber)
Dara Khosrowshahi, patron d'Uber (© Uber)

Dara Khosrowshahi estime qu'un million de conducteurs seraient privés d'une source indispensable de revenus rien qu'aux États-Unis s'ils devaient être obligatoirement considérés comme des salariés.

Il ne fallait pas en attendre moins du président-directeur général d'Uber, empire du travailleur indépendant des années 2010 et maintenant 2020. Le patron de l'entreprise californienne s'est fendu d'un communiqué aux allures de tribune, ce lundi 5 octobre, dans lequel il essaie de convaincre quant aux avantages apportés par le régime professionnel des chauffeurs de la plateforme, et dans lequel il tente de sensibiliser aux fâcheuses conséquences qui découleraient d'un changement de statut des conducteurs.

Un modèle remis en question…

Que ce soit pour son activité principale de VTC ou pour les livraisons de repas, le modèle d'Uber repose essentiellement sur le statut de ses chauffeurs et livreurs. Dara Khosrowshahi vend d'ailleurs très bien la philosophie de son entreprise. « Aucune entreprise ne donne à ses employés la même flexibilité que les chauffeurs d'Uber ».

Les chauffeurs de la plateforme choisissent en effet leur lieu, horaires et rythme de travail, la flexibilité étant le leitmotiv de l'application. « Personne ne leur dit où, quand ou comment travailler », poursuit le P-D.G. « Ils n'ont pas à pointer à l'arrivée ou au départ, ni à effectuer un certain nombre de trajets ». Le propre de l'indépendance.

Pourtant, derrière la perfection vantée par Khosrowshahi, plusieurs pays ont lancé des procédures visant à faire basculer les chauffeurs du statut de travailleur indépendant vers celui de salarié. En France, le gouvernement a confié à l'ancien président de la chambre sociale de la Cour de cassation, Jean-Yves Frouin, le soin de mener une mission liée à la requalification potentielle du statut des travailleurs des plateformes, dont le rapport est attendu ce mois-ci. Au Royaume-Uni, une décision de justice est attendue, et elle pourrait aboutir à la requalification des chauffeurs en salariés.

Aux États-Unis, on a déjà franchi le pas, ou du moins, on tente de le franchir. Une cour californienne a rendu une décision, cet été, faisant des chauffeurs des employés. Le juge a estimé que les conducteurs, privés de leurs droits sociaux (salaire minimum, assurance maladie, etc.), jouissaient d'un statut précaire. Mais Uber et Lyft, concernées par la décision, ont fait appel de cette dernière.

… qui séduit toujours ceux qui le font vivre : les chauffeurs eux-mêmes

Pour sa défense, Dara Khosrowshahi s'appuie sur un récent sondage réalisé par le cabinet new-yorkais de conseil en recherche et analyse Edelman Intelligence, pour rappeler qu'aux États-Unis, les chauffeurs sont une majorité à vouloir conserver ce statut d'indépendant, pour 72% d'entre eux, 84% des chauffeurs affirmant cumuler leur travail de conducteur avec une autre activité professionnelle, à temps partiel.

Avant l'éclatement de la crise de la Covid-19, les États-Unis recensaient 1,2 million de chauffeurs Uber. Selon le patron de la firme, en basculant sur un régime salarial, l'entreprise devrait mettre à l'écart 926 000 chauffeurs. « Si Uber employait des chauffeurs, nous n'aurions que 260 000 postes à temps plein disponibles », précise Khosrowshahi, qui explique que près de trois conducteurs sur quatre se verraient refuser la capacité de travailler pour Uber. Et « refuser à près d'un million d'Américains de travailler aurait des répercussions profondes sur une reprise », prévient-il, alors que la dette d'Uber se chiffre déjà en milliards de dollars, et que le nombre de chômeurs grossit au pays de l'Oncle Sam.

Outre un coût supérieur par tête, Uber devrait embaucher des employés supplémentaires pour gérer les plannings des chauffeurs et leur répartition, et un salarié à temps partiel coûterait plus cher qu'un indépendant qui exerce à temps partiel, puisque le salarié fera peser sur Uber des charges sociales pour un nombre d'heures de travail plus faible que prévu. « 91% des conducteurs aux États-Unis travaillent moins de 40 heures par semaine aujourd'hui », fait valoir le dirigeant.

Dara Khosrowshahi estime que la priorité doit être ailleurs, et que les États devraient eux-mêmes améliorer les avantages et la protection des petits travailleurs. C'est d'ailleurs en ce sens qu'il souhaite la création de fonds destinés à financer des avantages sociaux, auxquels toutes les entreprises contribueraient, et qui seraient ensuite reversés aux chauffeurs.

Qu'en pense-t-on chez Clubic ?

Mesdames et messieurs, Dara Khosrowshahi est en campagne ! Le patron d'Uber fait clairement miroiter la menace de mettre à terre 1 million de chauffeurs américains pour que toute tentative de requalification de la relation Uber-indépendants en Uber-salariés cesse. Et le dirigeant dispose d'un atout de taille dans sa manche : plus de sept chauffeurs sur 10 souhaitent rester indépendants. Indépendants certes, mais avec une protection sociale renforcée, pour laquelle ils militent. Fixer la jauge entre liberté et protections ne sera pas si facile. Mais c'est de bien de ça que dépendra l'avenir à long terme du modèle à la Uber.

Alexandre Boero

Chargé de l'actualité de Clubic

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Journaliste, chargé de l'actualité de CLUBIC. Reporter, vidéaste, animateur et même imitateur-chanteur, j'ai écrit mon premier article en 6ème. J'ai fait de cette vocation mon métier (diplômé de l'EJC...

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Journaliste, chargé de l'actualité de CLUBIC. Reporter, vidéaste, animateur et même imitateur-chanteur, j'ai écrit mon premier article en 6ème. J'ai fait de cette vocation mon métier (diplômé de l'EJCAM), pour écrire, interroger, filmer, monter et produire au quotidien. Des atomes crochus avec la Tech, certes, mais aussi avec l'univers des médias, du sport et du voyage. Outre le journalisme, la prod' vidéo et l'animation, je possède une chaîne YouTube (à mon nom) qui devrait piquer votre curiosité si vous aimez les belles balades à travers le monde, les nouvelles technologies et Koh-Lanta :)

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Commentaires (19)

Bombing_Basta
C’est d’ailleurs en ce sens qu’il souhaite la création de fonds destinés à financer des avantages sociaux, auxquels toutes les entreprises contribueraient, et qui seraient ensuite reversés aux chauffeurs.<br /> Quelles entreprises?<br /> Celles qui ont le même modèle que Uber, ou toutes les entreprises?<br /> Si c’est toutes les entreprises, c’est un belle pirouette pour faire supporter aux autres entreprises, celles qui ne profitent pas de la précarité de leur [non]employés, le coût de cette précarité.<br /> Bref, encore la même histoire de concentration des profits, et du partage des risques…
FardocheX
Uber ne fait pas de profits.
nicgrover
«&nbsp;Le patron d’Uber explique combien embaucher des chauffeurs sous contrat serait insupportable&nbsp;».<br /> Pour son compte en banque…
Bombing_Basta
Dimano
Ca ne s’appelerait pas les «&nbsp;cotisations sociale&nbsp;» par hasard?<br /> que les bonnes grosses boites outrepasse via de la bonne optimisation fiscale?<br /> mdr!
jaceneliot
Quel hypocrite. Comme si le statut d’employé empêchait d’offrir la même flexibilité. Son seul intérêt c’est de revenir à un droit du travail du 19ème siècle. Surtout qu’aux USA c’est déjà pas très avancé les droits des travailleurs.
Bombing_Basta
Non ce que les grosses boites «&nbsp;optimisent&nbsp;» ce ne sont pas les cotisations sociales, en France, même Amazon cotise pour ses salariés.<br /> Elles optimisent sur les revenus de l’entreprise, en déclarant dans des paradis fiscaux, les revenus effectués là où ça leur coûterait plus cher en impôts…<br /> Uber ne cotise rien (tout en optimisant aussi surement sur ses revenus), car les «&nbsp;indépendants&nbsp;», dépendants d’uber uniquement pour obtenir des clients, n’ont même pas le droit à un «&nbsp;fixe&nbsp;».<br /> Là ce que uberescroc essaie de dire c’est «&nbsp;bon on ne veut pas d’employés car on ne veut pas cotiser, mais bon, faisons une caisse où tous le monde cotise pour nos esclaves on mettra une pièce de temps en temps nous aussi&nbsp;».
jcc137
Uber est à l’image des squatters. Elle vise et exploite les failles d’un système en faisant ressortir le côté essentiel de cette pratique.<br /> Le grand gagnant : la société. Pour le squatter : un logement gratis protégé par le droit constitutionnel au logement.<br /> Les grands perdants : les esclaves du système persuadés qu’ils jouissent d’une certaine liberté du travail. Pour les squatters : les propriétaires qui voient leurs biens détruits et quasiment perdus à jamais.
Bibifokencalecon
Si le modèle Uber ne peut soutenir le fait d’avoir de vrais employés, c’est que cela signifie que son modèle économique n’est pas viable (what a surprise…).<br /> Que Uber ou Lyft soit disruptif sur le marché VTC (et réponde à un vrai besoin d’utilisateurs) ne signifie pas que cela les dédouane de proposer un véritable emploi à ces travailleurs. Sinon, chaque entreprise pourrait aussi faire cela : plus d’employés, seulement des travailleurs autonomes sans protection et payer au lance-pierre.
wannted
Si Uber est un squatteurs, les utilisateurs d’Uber et cie c’est quoi ? des super squatteurs ?
Proutie66
Uber fait parti de ces sociétés à faire fermer.<br /> Ou alors, on continue, mais on accepte la rapide agonie d’un système et le retour programmé à l’esclavagisme direct.
Jason69
des consommateurs qui ne méritent pas d’avoir une carte vitale vu qu’ils croient systématiquement économiser qq euros au lieu de soutenir les artisans français (taxi ou vrai vtc sans app) et non des auto-entrepreneur sous tutelle américaine.<br /> nombre de ces chauffeurs ont quand même fini par comprendre et veulent s’émanciper en quittant les app ou devenir taxi (licence 100k 2014, 67k 2018, 130k en 2020) les autres vu qu’ils ont pour pas mal d’entre eux un vrai boulot en cdi en semaine (par exemple chauffeur TCL, si si je vous assure), ils s’accrochent à cette app et sortent faire des thunes le week end pour deux motivations: les majorations, terreaux croix rousse 16€, entre 7,30 et 10 en taxi, brotteaux jean macé 25€, 13 en taxi, terreaux st didier au mont d’or 71€, 30/40 en taxi, terreaux mermoz 44€, 22 en taxi, confluence parc tete d’or 68€, 20 en taxi, etc…etc… et l’autre motivation c’est le nombre hallucinant de nos soeurs et cousines habillées court qu’ils transportent. Afin bref, tant que le consommateur croira sans reflexion les pubs à la télé et followera n’importe qui sur les réseaux pour chopper un code promo, il ne prendra pas le temps malheuresment de comparer et de poser la question aux chauffeurs en station ou un des 10 taxi qui es passé devant lui le temps que bebert arrive pour le chercher (vu qu’il est en train de faire une course kapten ou heetch avant)…<br /> c’est la même hérésie avec beber eats, vu qu’ils demandent une com de 30% aux restaurateurs, ne soyez pas surpris de voir les prix sur place s’envoler petit à petit sans compter l’eventuel livreur maison qu’il ont du coup licencié.<br /> ces consommateurs là, devraient utiliser leurs cerveaux avant leurs téléphones, et soutenir d’abord leur pays.
CallMeLeDuc
Certains pays se protègent de certaines dérives du libéralisme.<br /> Mais en France nous avons la double peine…<br /> -D’un coté la Mondialisation et son libre-échangisme déraisonné qui se fout des frontières et des nations.<br /> -De l’autre une Europe à 100% mondialiste libérale qui ne protège plus les peuples d’europe puisque pour eux le «&nbsp;Protectionnisme&nbsp;» pour protéger nos Entreprises et nos Salariés c’est juste le mal absolu (Limite le nazisme)<br /> Après on peut parler des détails mais c’est futile, le mal est fait…
g-jack
Bah moi je suis d’accord avec le principe…<br /> Si on va chez Uber c’est qu’on cherche ce modèle !<br /> Si on n’accepte pas et bien c’est simple, on fait Taxi avec la licence et tout le bazar…<br /> Ou pour les livreurs on va chez Dominos ou autre chaine à être payé au smic pour faire 8h/j<br /> Que ce soit Uber ou les autres plateformes qui utilisent des autoentrepreneurs, trouvez moi un Job ou on peut y aller quand on veut, autant de fois qu’on veut, sans rendre de compte à personne ? C’est un choix, ils convient à certains, pas à d’autres<br /> Attention pour moi ce n’est pas un vrai travail, mais plutôt un complément de revenu, toujours mieux pour certains que de rester à attendre que le RSA tombe tous les mois… (mais on peut très bien faire plus qu’un smic sans forcer)<br /> Je ne prône pas le système, mais ceux qui crachent dessus, et bien faites autre chose…<br /> Le pb c’est le statut d’autoentrepreneurs ou l’état se gave ! Si je gagne 100 et bien je donne 1/4 à l’état… Sachant qu’ils nous ont raboté grave discrètement pendant le confinement l’aide ACRE qui allégeait les charges les premières années !
cwerle
Les chauffeurs uber vivent leur précarité financière de manière insupportable.<br /> Mais je suppose que l’insupportabilité du patron est la seule qui soit digne d’être mise en avant.
cwerle
500 € c’est mieux que 300 € ou rien du tout, mais ce n’est pas un smic mensuel à temps plein.<br /> Ceux qui font ce genre de taf le font souvent en dernier recours, et tout le monde n’a pas la capacité de faire 60H/sem en combinant plusieurs job, et par pitié pas l’argumentaire sur le mérite et toussa toussa, ça fait longtemps que les gens ne sont plus dupes : quand t’es vieux, malade ou simplement dépité tu es de fait beaucoup mois performant que les 0,1 % de la population qui sont «&nbsp;bien nés&nbsp;».<br /> De plus, la critique «&nbsp;je donne 1/4 à l’état&nbsp;» ou tout autre pourcentage (de toute façon même 0,0001 % ça sera toujours de trop pour certains), obscurci gravement la capacité d’analyse.<br /> En effet, ce «&nbsp;qu’on donne à l’état&nbsp;» «&nbsp;devrait normalement&nbsp;» nous être restitué en terme de services publics. On critique (souvent à juste titre) ces ponctions car on paye de plus en plus et les prestations publiques baissent (en argent et en actes). Mais sur le principe c’est plutôt normal d’avoir un système social qui permet aux personnes en souffrance d’obtenir de l’assistance (pas de l’assistanat je vous vois venir).<br /> Et posez-vous la question de savoir si une entreprise (une grosse) ne payait aucune charge, si elle embaucherait ou si elle répercuterait ses marges sur une baisse des prix … ou si elle verserait davantage de dividendes aux actionnaires. Il est plus que probable qu’on avait à y gagner à les ponctionner, les contreparties promises par les entreprises étant systématiquement ignorées.
utada_hikaru
Le mec parle des emplois qui seraient perdus mais son rêve c’est d’avoir une flotte 100% autonome sans aucun chauffeur, il se fout vraiment de notre g***.
jaceneliot
Très bien dit. En gros ce qu’ils essaient de faire, c’est proposer un service irréaliste à une part de la population en écrasant une autre part de cette population, ce qui crée un fossé.
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