Salon du Bourget - Spacetrain, l'Hyperloop français, espère une mise en service en 2025

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La société française, qui veut faire renaître l'Aérotrain cher à Jean Bertin, développe sa navette concurrente de l'Hyperloop avec l'avantage de présenter une facture bien plus légère que celles de ses nombreux concurrents.

Ce n'est pas un avion, ni un quelconque autre appareil issu de l'aéronautique. Pourtant, Spacetrain pourrait bien représenter une alternative à un mode de transport qui doit se réinventer pour affronter les contraintes écologiques et environnementales. La société française développe sa propre navette autonome basée sur la technologie Hyperloop, à l'initiative de l'entrepreneur Emeuric Gleizes. Pour aborder son développement d'un point de vue technique et discuter de sa potentielle mise en service dans les prochaines années dans l'Hexagone, nous sommes allés à la rencontre de Thomas Bernin, directeur Stratégie et développement de l'entreprise, à l'occasion du Salon du Bourget 2019.

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Thomas Bernin (Crédits : Alexandre Boero pour Clubic.com)

Interview de Thomas Bernin, directeur stratégie et développement Spacetrain

Clubic : Que représente concrètement Spacetrain ?

Thomas Berning : Spacetrain est une navette montée sur des coussins d'air qui circulent en sustentation à deux millimètres du sol, propulsée par des moteurs linéaires à induction, et qui est alimentée par de l'hydrogène, ce qui fait qu'il y a zéro émission. La navette circule à 500 km/h ; elle est idéale sur les trajets interurbains entre les métropoles et les villes moyennes par exemple.

Sur quels trajets peut-on imaginer voir circuler Spacetrain ?

Cela peut très bien être sur des trajets comme Orléans-Paris, que l'on parcourrait en 15 minutes, où Le Havre-Paris en 30 minutes.

Spacetrain, au Salon du Bourget 2019
Maquette de Spacetrain de 15 mètres de long, à l'échelle x0.5 (Crédits : Alexandre Boero pour Clubic.com)

« Les systèmes électriques de la navette sont alimentés en énergie par de l'hydrogène stocké à l'arrière du véhicule »


Quel est le rapport vitesse/trajet ?

Cette vitesse moyenne de 400-500 km/h que l'on promet, nous pourrons l'atteindre assez facilement, par exemple sur un trajet type de 50 à 60 kilomètres.

Concernant l'alimentation énergétique, vous avez parlé d'une alimentation par hydrogène, avec aucune émission...

Tous les systèmes électriques de la navette sont alimentés en énergie par de l'hydrogène stocké à l'arrière du véhicule, qui va passer dans une pile à hydrogène pour être transformé en énergie, et donc alimenter tous les systèmes.

La capacité de stockage en hydrogène de cette navette permettrait de parcourir 600 kilomètres, et c'est pour cela que l'on privilégiera les tracés de 300 kilomètres, de façon à faire au moins un aller-retour sans recharger.

Peut-on se projeter et déjà imaginer que la navette fasse, admettons, un trajet de 500 kilomètres, qu'elle fasse le plein et qu'elle reparte dans la foulée ?

Oui, on peut effectivement imaginer faire le plein à mi-parcours.

« Notre infrastructure est moins coûteuse au développement et à l'entretien par rapport aux autres »


Le coût que vous annoncez pour un kilomètre est de l'ordre de 8 à 10 millions d'euros, ce qui est jusqu'à 10 voire 15 fois plus faible que le coût d'autres navettes Hyperloop.

Cette différence s'explique par le fait que l'infrastructure est passive. Celle d'un TGV achemine l'énergie dans le train, avec des caténaires qui sont aussi complexes qu'onéreux. Il y a aussi tout un tas d'autres composants sur le rail d'une ligne à grande vitesse qui font que cette solution est très chère, puisqu'on l'estime à 20, voire 25 millions d'euros par kilomètre. Sur les projets hyperloop, l'infrastructure est aussi très complexe. Il s'agit de refroidir un tube, d'assurer l'étanchéité de ce tube aussi, cela consomme énormément d'énergie.

Chez nous, la sustentation se fait par un système de coussins d'air, ce n'est donc pas le monorail qui implique la sustentation et l'énergie est embarquée dans la navette. Du coup, l'infrastructure est dite "passive", elle sert simplement de support et de guidage. Elle est ainsi moins coûteuse au développement et à l'entretien par rapport aux autres.

Quand pourrez-vous mettre en service une navette Spacetrain ?

Pour l'instant, nous estimons que la mise en service sera possible en 2025. Cela va dépendre du rythme auquel nous allons lever les fonds dont nous avons besoin pour franchir les différentes étapes de réalisation du projet. À ce stade, il s'agit de mettre en place des protocoles de test et de doubler nos effectifs en renforçant nos équipes de certaines expertises, comme des responsables simulation. Demain, nous passerons à une phase en environnement réel.

« Des navettes de 60 à 250 passagers »


Combien de passagers une navette Spacetrain pourra-t-elle accueillir ?

Nous avons une navette de 60 passagers. Une autre peut en accueillir 140 et une dernière, à étages, a une capacité de 250 passagers.

Au niveau des infrastructures, la France est-elle suffisamment équipée selon vous ?

La filière hydrogène, en France, doit encore faire des efforts pour que ce type de transport puisse faire partie du quotidien des usagers. Mais on parle beaucoup de trains à hydrogène, notamment en Allemagne.

Où en est l'attribution du Monorail de Saran ? Comment ça se passe avec la Région Centre-Val de Loire ?

En fait, le dossier est plus entre les mains de l'État qu'entre celles de la Région, c'est-à-dire que le Monorail de Saran est un édifice public qui appartient à l'État, donc c'est ce dernier qui est décisionnaire là-dessus. Le projet que nous portons autour du monorail leur plaît beaucoup, de même qu'aux autorités locales. Cependant, cela ne fait pas tout et il y aura une procédure à suivre pour qu'il puisse nous être attribué. Nous devrions avoir une réponse définitive d'ici la fin de l'année, normalement.

Si la réponse est positive, il y aura une phase de travaux que l'on estime à une année au grand maximum. Même si le monorail est en bon état, quelques éléments sont à changer. Maintenant, le béton a très bien vieilli et pourrait être réutilisé quasiment tel quel, donc les travaux seront assez rapides. Nous pourrions estimer et voir un premier prototype fonctionner sur ce monorail là à l'horizon 2021.

Spacetrain, au Salon du Bourget 2019
Même à l'échelle x0.5, Spacetrain laisse présager d'une plus petite envergure que celle d'un train à grande vitesse (Crédits : Alexandre Boero pour Clubic.com)

La circulation se fait grâce à des coussins d'air. Comment cela fonctionne ?

À l'intérieur de la navette, il y a des moto-ventilateurs qui vont remplir les caissons d'air, avec de l'air qui va être compressé puis expulsé directement contre le monorail ; c'est ce qui va créer un filet d'air de deux millimètres et donc empêcher quasiment tout frottement, avec une consommation énergétique maîtrisée.

Dans le cas où la météo viendrait à être défavorable, la navette pourra-t-elle circuler ?

En cas de météo défavorable, les coussins d'air fonctionnent normalement. L'un des objets, et l'un des intérêts de ces années de tests, est de déterminer quelles vont être les contraintes environnementales et surtout, comment le système autonome qui se trouve dans la navette va impacter la circulation en fonction de ces contraintes. Nous savons également qu'à partir d'une certaine vitesse, le rôle des coussins d'air est amoindri et la consommation diminue, puisqu'une portance se fait automatiquement.

« Nous avons besoin de lever des fonds maintenant, pour finir cette phase de prototypage »


Les risques de déraillement sont-ils réellement atténués avec l'Hyperloop ?

Cette architecture de rail, qui est un T inversé, dans lequel la navette est coincée, empêche les déraillements. On ne peut donc pas parler de déraillement comme pour la roue du TGV.

Au niveau du financement, pour l'instant, vous fonctionnez sur des fonds propres ?

Oui, tout à fait, mais comme nous sommes un bureau d'études, nous arrivons à englober une partie de ce que l'on dépense dans le crédit d'impôt recherche. Nous faisons également du sponsoring avec des marques comme Dassault Systèmes ou Air Liquide, qui mettent à notre disposition des fournitures qu'on ne pourrait pas acquérir en restant seuls. Malgré tout nous avons besoin de lever des fonds maintenant, pour finir cette phase de prototypage. Le prototype est prêt, mais il faut l'infrastructure, ne serait-ce que quelques dizaines de mètres.

Sur le long terme et pour aller jusqu'à la phase de commercialisation, il nous faudrait 40 millions d'euros. C'est une somme très importante mais qui nous paraît possible à réunir lorsque l'on voit comme ce projet fédère, et quelles valeurs et bonnes énergies il véhicule.

Des députés français proposent de supprimer certains vols français doublés par une ligne de train. C'est une réelle opportunité pour vous...

Les vols courts courriers sont, typiquement, un de nos concurrents. À l'échelle européenne, on tend à supprimer les vols intérieurs. C'est le genre de trajets qui pourraient être assurés par des navettes Spacetrain.

Merci Thomas pour votre temps.

Merci à vous.

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Commentaires (13)

Felaz
Ca y est on est bien dans le futur
Alexandre75
On se rend compte que l’innovation n’est pas dans les grands groupes. L’innovation et la révolution est dans ces petites structures. 40 millions est un budget modeste comparé aux milliards dépensés par les grands groupes français subventionnés aveuglement par l’état. Je suis certain que ces gars ne sont même pas subventionné. Seule l’énergie du visionnaire est le moteur de Spacetrain. Bonne chance nous sommes avec vous !!!
AlexLex14
En effet, la force principale du projet, c’est son budget à “bas coût” qui pourrait jouer en sa faveur lorsque la période de test sera écoulée, et qu’il faudra réellement développer des infrastructures.
Felaz
En phase, cet article des échos va dans ton sens https://business.lesechos.fr/directions-numeriques/digital/transformation-digitale/0600779353237-pour-en-finir-avec-la-religion-de-l-innovation-disruptive-327535.php#Xtor=AD-6000
cirdan
Parce qu’il est plus simple et économique pour les grands groupes de racheter des petites structures prometteuses ou de repérer les créateurs talentueux plutôt que d’investir massivement dans la recherche et développement ou dans l’innovation.
AlexWW
C’est pas une mauvaise idée, en gros, ils reproduisent simplement l’aérotrain de l’ingénieur Bertin. C’est l’avantage de ce projet, ils n’ont pas à réinventer la roue.<br /> Ils ne proposent pas un énième projet utopique, comme l’Hyperloop qui nécessite beaucoup de R&amp;D, mais simplement qqch qui existe déjà, et qui est resté dans des cartons.<br /> Je ne suis même pas sur qu’ils aient besoins de miser sur l’électrique, ça complique le projet. En première instance, ils feraient mieux de reproduire le modèle avec moteur essence et hélice.<br /> Donc le produit est crédible du fait qu’il existe déjà, il y a un marché comme on l’a vu avec l’attrait de l’Inde, des Emirats, et autres pour l’hyperloop, et le coût au Km est bien moindre que l’hyperloop justement. Il y a donc un bon rapport Vitesse/prix.<br /> Par contre, je ne sais pas si l’équipe a les reins assez solides, ils peuvent réussir en levant des fonds à l’international, mais là, comme ça, juste limité à la France, ça va être difficile.<br /> Ça a au moins le mérite de remettre en lumière l’aérotrainn comme solution de transport, et peut être que peu à peu, des Airbus, Dassault, Alstom, reprendront le projet avec des équipes un peu plus solides(même si les ingénieurs actuels font de leur mieux, ces grosses entreprises ont une expertise indéniable dans les transports, et peuvent donc mieux challenger la crédibilité du projet que des start up)
manu0086
Bullshit… lever des fonds, c’est le seul but de ce projet, comme tant d’autres. C’est la mode.<br /> “L’un des objets, et l’un des intérêts de ces années de tests, est de déterminer quelles vont être les contraintes environnementales et surtout, comment le système autonome qui se trouve dans la navette va impacter la circulation en fonction de ces contraintes. Nous savons également qu’à partir d’une certaine vitesse, le rôle des coussins d’air est amoindri et la consommation diminue, puisqu’une portance se fait automatiquement”<br /> Faut savoir, il annonce 2025 pour une mise en service… mais parle d’années de tests pour simplement déterminer les contraintes à venir… non mais LOL. C’est pas comme si des projets identiques avaient déjà été développés et abandonnés…
AlexWW
Autre point qui me fait dire que l’équipe est un peu légère, c’est le fait qu’ils aient lancé une campagne de crowdfunding de 400K€ d’un coup il y a 2j sans faire aucune promo auparavant, et que celle ci ne dure que 11J. Lever 400K en si peu de temps sans promo…
carinae
humm je ne sais pas si on y est vu que l’aerotrain et date des années 80 (voire même peut-être avant en ce qui concerne la technologie). Il y en a encore la structure du en T du coté d’Orléans. Mais en tout cas c’est bien si ça fonctionne et que ça peut être déployé rapidement … why not.
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