Amazon : la Commission européenne ouvre une enquête pour abus de position dominante

Alexandre Boero
Chargé de l'actualité de Clubic
12 novembre 2020 à 11h33
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Commission européenne Europe © Pixabay

La juridiction européenne estime qu'Amazon s'est livrée à des pratiques antitrust en France et en Allemagne, en utilisant les données sur l'activité des vendeurs de sa plateforme et en favorisant ses propres offres.

Mise à jour de l'article le 12 novembre 2020, avec le droit de réponse accordé à Amazon, qui indique :

"Nous sommes en désaccord avec les affirmations préliminaires de la Commission Européenne et nous mettrons tout en œuvre pour que celle-ci ait une parfaite compréhension des faits. Amazon représente moins de 1 % du commerce de détail mondial, et il existe des distributeurs bien plus importants dans chacun des pays où nous opérons. Aucune entreprise ne se soucie davantage des petites entreprises, ou n'a fait plus pour les soutenir au cours des deux dernières décennies, qu'Amazon. Plus de 150 000 entreprises européennes vendent par l'intermédiaire de nos boutiques. Elles génèrent des dizaines de milliards d'euros de revenus annuels et ont créé des centaines de milliers d'emplois".

En Europe, l'étau se resserre autour d'Amazon. Le géant américain du e-commerce fait l'objet d'une sortie de la Commission européenne pour abus de position dominante. Celle-ci a annoncé, mardi 10 novembre, avoir ouvert une enquête sur les pratiques du géant en matière de commerce électronique, et communiqué à celui-ci des griefs s'agissant de l'utilisation des données non publiques des vendeurs indépendants de sa marketplace. Entrons dans les détails de cette double procédure antitrust, qui fait suite à une première enquête ouverte le 17 juillet 2019.

Une Buy Box qui avantagerait Amazon et les vendeurs rattachés au programme Prime

Précisant que ses conclusions ne sont qu'à un stade préliminaire, la Commission européenne estime qu'Amazon a enfreint les règles de l'UE en matière de concurrence, en faussant le marché de détail en ligne. L'institution bruxelloise a, d'une part, ouvert une enquête formelle en matière de pratiques anticoncurrentielles. Elle concerne la fameuse boîte d'achat (la Buy Box), que l'on retrouve sous la forme d'un bouton jaune « Ajouter au panier ».

Pour un vendeur, remporter la boîte d'achat est capital, car elle ne met en évidence l'offre d'un seul vendeur uniquement. Si A décroche la Buy Box face à B, C ou D qui, pourtant, proposent le même produit, alors forcément A aura un avantage indéniable sur ses concurrents.

La Commission européenne estime, à première vue, qu'Amazon se servirait de la boîte d'achat pour favoriser ses propres offres ainsi que celles des vendeurs qui sont rattachés à son service de livraison, le « Expédié par Amazon », et au programme de fidélité Prime, qui séduit de plus en plus de clients du e-commerçant. Au détriment des autres, donc.

À Bruxelles, on compte ainsi examiner les critères fixés par Amazon pour sélectionner le vainqueur de la boîte d'achat d'un produit, et ainsi prouver (ou non) que la procédure conduit à un traitement préférentiel. Si la Commission constate que ses craintes sont avérées, Amazon tomberait sous le coup de l'article 102 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), qui interdit les abus de position dominante sur le marché.

Le saviez-vous ? 🤔

La violation de l'article 102 du TFUE fait encourir à l'entreprise responsable une amende pouvant atteindre jusqu'à 10% de son chiffre d'affaires mondial.

Les données des vendeurs tiers utilisées pour étouffer toute concurrence ?

Outre cette première enquête, la Commission européenne a procédé à la communication des griefs concernant l'utilisation par Amazon des données des vendeurs de sa place de marché. Ce processus permet à l'entreprise concernée, en l'occurrence Amazon, de prendre connaissance des comportements que la Commission lui reproche.

En tant que plateforme, Amazon peut vendre ses propres produits comme détaillant, et ainsi concurrencer ses propres vendeurs, qui eux-mêmes peuvent directement proposer leurs produits sur la place de marché du e-commerçant. Ce double rôle donne la possibilité à la firme de Seattle d'avoir accès aux données commerciales non publiques des vendeurs de sa marketplace, comme leurs recettes, le nombre de visites sur chaque offre, le nombre de produits commandés puis expédiés, les données liées aux expéditions, aux réclamations ou aux garanties.

Et cela pose problème à la Commission, consciente que toutes ces données peuvent être librement consultées par des salariés d'Amazon. Selon l'UE, Amazon regroupe ces données et les utilise « pour calibrer les offres de détail d'Amazon et ses décisions commerciales stratégiques au détriment des autres vendeurs de la place de marché ». Ce qui permettrait à la firme de Jeff Bezos de mettre en valeur les produits qui se vendent le mieux, le tout, donc, grâce aux données de vendeurs concurrents.

La Commission considère qu'une telle utilisation des données permet à Amazon, au final, d'atténuer la menace de potentiels concurrents et d'assoir sa position dominante sur sa marketplace française et allemande. Encore une fois, cette pratique serait, si elle est attestée à l'issue de la procédure, contraire à l'article 102 du TFUE.

La décla' 🎙

Nous devons veiller à ce que les plateformes jouant un double rôle et détenant un pouvoir de marché, comme Amazon, ne faussent pas la concurrence. Les données relatives à l'activité des vendeurs tiers ne devraient pas être utilisées au bénéfice d'Amazon lorsque celle-ci agit en tant que concurrente de ces vendeurs. Les conditions de concurrence sur la plateforme d'Amazon doivent également être équitables. Ses règles ne devraient pas favoriser artificiellement les offres de vente au détail d'Amazon ou avantager les offres des détaillants qui utilisent ses services logistiques et de livraison.

Margrethe Vestager, Vice-présidente exécutive chargée de la politique de concurrence, le 10 novembre 2020

Alexandre Boero

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Journaliste, chargé de l'actualité de CLUBIC. Reporter, vidéaste, animateur et même imitateur-chanteur, j'ai écrit mon premier article en 6ème. J'ai fait de cette vocation mon métier (diplômé de l'EJC...

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Journaliste, chargé de l'actualité de CLUBIC. Reporter, vidéaste, animateur et même imitateur-chanteur, j'ai écrit mon premier article en 6ème. J'ai fait de cette vocation mon métier (diplômé de l'EJCAM), pour écrire, interroger, filmer, monter et produire au quotidien. Des atomes crochus avec la Tech, certes, mais aussi avec l'univers des médias, du sport et du voyage. Outre le journalisme, la prod' vidéo et l'animation, je possède une chaîne YouTube (à mon nom) qui devrait piquer votre curiosité si vous aimez les belles balades à travers le monde, les nouvelles technologies et Koh-Lanta :)

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Commentaires (7)

Trentreznor
C’est une bonne chose les pratiques d’Amazon vis-à-vis des vendeurs tiers sont largement décriées, même aux US des vendeurs préfèrent quitter la marketplace tellement ils se sont fait avoir par Amazon qui leur piquent leurs meilleurs ventes.<br /> A quand une enquête sur le monopole de fait de youtube dans son domaine (difficile à qualifier pour l’administration peut être!) et son attitude face aux créateurs ?
AlexLex14
Trentreznor:<br /> A quand une enquête sur le monopole de fait de youtube dans son domaine (difficile à qualifier pour l’administration peut être!) et son attitude face aux créateurs ?<br /> C’est une bonne question,<br /> Je pense qu’il existe un vrai flou juridique autour de YouTube et de son activité. Certains qualifient la plateforme de réseau social, d’autres comme une plateforme de contenus par exemple. Le sujet mériterait d’être creusé… Car il est vrai que pour trouver un concurrent à YouTube, il ne faut pas être pressé.
buitonio
Je suis favorable à une amende infligée à Amazon pour son abus de position dominante et ses pratiques anticoncurrentielles, mais je ne me fais pas d’illusion, Amazon va faire en sorte que ses clients et les vendeurs de sa marketplace vont payer cette amende à sa place.<br /> Cdiscount fait peut-être la même chose qu’Amazon, mais ne fait pas encore l’objet d’une enquête car ce n’est pas encore un mastodonte comme Amazon.
smover
Travail de fond important de l’Europe. Alors bien sûr certains râleront toujours qu’ils ne s’agit que d’une chasse aux amendes mais il y a un vrai fond qui mérite d’avoir un minimum de régulation.
remy9991
il faut mettre les dirigeants d’amazon qui ont voler des milliards en detention comme on le ferait pour un citoyen lambda qui a volé un scooter.<br /> ce monde completement dingue dans lequel ceux qui volent des milliards sont tranquilles
Trentreznor
Oui enfin ne simplifions pas tout. Il n’y a pas des «&nbsp;milliards volés&nbsp;», ici on parle de pratiques commerciales borderlines qui ne sont même pas toujours simples à qualifier d’illégal (ou non).<br /> Abus de position dominante, entente sur les prix, et autres pratiques du genre sont pénalement répréhensibles mais ce ne sont pas des actes criminels au même titre que la corruption ou l’abus de bien social par exemple.
remy9991
stop c’est fini. Les petits commerces font faillites, des destins sont brisés.<br /> Il est temps d’appliquer la loi<br /> il est temps que les dirigeants d’amazon qui ne paient pas leur impots, qui nous volent des milliards a nous les citoyens qui payont les impots, soient mis en detention.<br /> que justice soit faite.
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