Sorties spatiales, expériences et visites de courtoisie, découvrez le programme à venir sur l'ISS

Eric Bottlaender
Spécialiste espace
16 avril 2023 à 17h00
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Arrivée d'un cargo Dragon de SpaceX. Spectaculaire, mais le plus important pour les astronautes, c'est surtout ce qu'il y a dedans... © NASA
Arrivée d'un cargo Dragon de SpaceX. Spectaculaire, mais le plus important pour les astronautes, c'est surtout ce qu'il y a dedans... © NASA

Les semaines qui s'annoncent ne seront pas de tout repos pour les 7 occupants de la Station spatiale internationale ! Travaux à l'extérieur, arrivée et départs de véhicules, le tout au milieu de leurs expériences scientifiques… Pas le temps de s'ennuyer. Une routine ? Non, même si l'entraînement les a bien préparés.

Il faut savoir varier les plaisirs !

Les sept mousquetaires

Ce 9 avril, l'équipage actuel de la Station spatiale internationale fêtait un petit événement : les 200 jours de mission de Sergei Prokopiev, Dmitri Peteline et Frank Rubio. Ils ont décollé avec Soyouz MS-22 le 21 septembre dernier. Mais à cause des problèmes de ce véhicule (une avarie du système de refroidissement causée, d'après Roscosmos, par un impact de micrométéorite), il a dû être remplacé en février 2023 par MS-23. Une nouvelle capsule donc, pour un même équipage qui a vu sa mission prolongée de six mois jusqu'en septembre prochain. Les deux Russes et l'Américain effectuent ce qui sera probablement le vol le plus long depuis les records de la station Mir (le record est à 340 jours sur l'ISS).

Avec eux, on retrouve les quatre membres d'équipage de Crew Dragon (Crew-6) qui complètent cet équipage masculin, les Américains Stephen Bowen et Warren Hoburg, le Russe Andrei Feyayev et l'astronaute émirati Sultan Al Neyadi. S'il n'est en orbite que depuis 40 jours, ce dernier établit également des records de longévité en orbite pour les Émirats arabes unis ainsi que pour l'ensemble du Moyen-Orient.

Soyouz MS-23 change de port d'amarrage le 6 avril, dans une manœuvre avec ses trois occupants à bord © NASA
Soyouz MS-23 change de port d'amarrage le 6 avril, dans une manœuvre avec ses trois occupants à bord © NASA

Ménage de printemps

Cette semaine, c'est rangement. Et pour une raison très simple, vendredi, il faudra fermer définitivement l'écoutille du cargo Dragon CRS-27 de SpaceX, qui est retourné amerrir dans l'Atlantique samedi 15 avril. Plusieurs tonnes de matériel vont ainsi revenir sur Terre. Des échantillons biomédicaux, des expériences complétées, du matériel de sorties spatiales, des disques durs… Tout ce qui n'est pas consommable et coûte moins cher à rapporter sur Terre qu'à détruire avec l'un des autres véhicules. Eh oui, sur l'ISS aussi, on fait le tri !

Ce qui est à jeter est à ranger délicatement dans le cargo Cygnus NG-18, qui se séparera à son tour de la station le 21 avril avant d'aller se désintégrer en une boule de feu dans les hautes couches de l'atmosphère. Cette activité concerne tous les membres du bord, mais peut-être un peu plus ceux du segment non russe. En effet, les trois autres occupants préparent activement la sortie en scaphandre prévue le 19 avril prochain.

L'astronaute Sultan Al Neyadi a pu travailler avec un robot "autonome" Astrobee © NASA
L'astronaute Sultan Al Neyadi a pu travailler avec un robot "autonome" Astrobee © NASA

Sorties en série

À cette date, Sergei Prokopiev et Dmitri Petelin revêtiront une fois de plus leurs combinaisons Orlan-MKS et sortiront du sas Poisk pour aller s'occuper du transfert d'un radiateur entre les flancs des deux modules Rassviet (où il était stocké) et Nauka (où il sera installé) avec l'aide du bras robotisé européen ERA.

Si la manipulation vous dit quelque chose, c'est qu'elle était déjà programmée en décembre, mais qu'elle n'avait pu avoir lieu. En effet, la fuite du liquide de refroidissement de Soyouz MS-22 avait empêché les deux cosmonautes de s'aventurer à l'extérieur. Les sorties EVA sont toujours des marathons, il faut se préparer pendant longtemps et se reposer plusieurs jours pour cela, ce que feront les deux Russes. Puis ils remettront le couvert, si tout se passe bien avant la fin du mois, pour un autre transfert entre Rassviet et Nauka, celui d'un petit sas consacré aux expériences (afin de les envoyer dehors et de les manipuler sur place avec le bras ERA). Mais les Russes ne sont pas les seuls à préparer des sorties spatiales.

En effet, le 28 avril, c'est le sas Quest américain qui sera mis à contribution. Et il y aura une première avec Sultan Al Neyadi qui deviendra le premier Émirati à sortir en scaphandre. Ce ne sera toutefois pas pour profiter de la vue. Au menu, six heures (et sans doute plus) de préparation pour l'installation de la dernière paire de nouveaux panneaux solaires déroulants iROSA ainsi qu'un changement d'antenne. Cette sortie sera à nouveau suivie début mai d'une troisième aventure russe hors du sas Poisk pour clore cette longue série à l'extérieur.

Si leur réputation veut qu'il soit un peu plus facile de s'habituer au scaphandre Orlan, le travail avec est tout aussi fatigant... © NASA / Roscosmos (2022)
Si leur réputation veut qu'il soit un peu plus facile de s'habituer au scaphandre Orlan, le travail avec est tout aussi fatigant... © NASA / Roscosmos (2022)

La reine Peggy est de retour

En mai, on devrait assister à un nouveau ballet de véhicules. Pour commencer, le ravitaillement avec le décollage, puis l'amarrage du cargo Cygnus NG-19 aura lieu le 8 mai, avec plus de 3,5 tonnes de fret, y compris des expériences. Juste après, le 9, si les conditions météorologiques le permettent, le décollage de Crew Dragon se fera avec les quatre astronautes de la mission « touristique » Axiom 2. Ces derniers sont attendus sur l'ISS le 11 mai.

Il y aura donc pour quelques jours 11 occupants sur la station. Il ne s'agit pourtant guère d'un voyage touristique au sens premier du terme. Prendront en effet place dans la capsule la légendaire Peggy Whitson en tant que responsable de l'équipage et commandante de la mission privée, les deux premiers astronautes de l'Arabie saoudite Ali Alqarni et Rayyanah Barnawi ainsi que l'entrepreneur John Shoffner. Seul ce dernier est véritablement dans un voyage d'agrément (même s'il effectuera lui aussi de nombreuses expériences), ses compagnons de vol n'étant pas en mission à titre privé, mais pour leur agence nationale. L'équipage d'Axiom 2 devrait rester une dizaine de jours amarré à l'ISS. En théorie, son impact sur les activités des occupants « de long terme » est censé être négligeable pour les journées de travail. Mais les dîners à 11 seront évidemment plus animés qu'à 7 !

Elle est de retour, toujours aussi en forme : Peggy Whitson ! © Axiom Space
Elle est de retour, toujours aussi en forme : Peggy Whitson ! © Axiom Space

La biomédecine à l'honneur

Fin mai et début juin, les planificateurs de l'ISS ont prévu un agenda consacré à l'arrivée de nouveaux cargos côté russe avec Progress MS-23, suivi quelques jours plus tard par le Dragon CRS-28 de SpaceX. D'ici là bien sûr, et malgré le calendrier chargé, il faudra une bonne dose de patience aux membres d'équipage pour mener à bien les études scientifiques en cours.

De quoi est fait leur quotidien actuellement ? Comme d'habitude, c'est extrêmement varié. Un focus a eu lieu ces derniers jours sur des expériences biomédicales, notamment sur des tissus cardiaques, pour comprendre l'effet qu'ont les séjours prolongés et le vieillissement sur leurs propriétés. Il y a aussi eu une expérience sur la production de composés biopharmaceutiques en impesanteur et en pesanteur réduite (dans une centrifugeuse) pour tester l'efficacité de différentes méthodes comme l'utilisation de levures, etc. Bien sûr, l'activité quotidienne ne s'arrête pas aux expériences médicales. La dernière version de l'imprimante 3D américaine a produit quelques pièces qui seront rapatriées sur Terre pour tester leur résistance et la précision de création.

Super Mario fait un carton dans les cinémas, mais Frank Rubio est lui aussi un plombier chevronné quand il faut s'occuper de l'ISS... © NASA
Super Mario fait un carton dans les cinémas, mais Frank Rubio est lui aussi un plombier chevronné quand il faut s'occuper de l'ISS... © NASA

Des plantes et des hommes

Depuis le début de l'année, les astronautes ont aussi pu profiter de la croissance rapide des différents plants de tomates installés sur la fameuse expérience Veggie. Plébiscitée par l'ensemble des équipages, Veggie teste en ce printemps différentes variétés et méthodes de croissance de plants de tomates cerises. Il y a déjà eu plusieurs récoltes dont les productions sont pour l'instant destinées à la congélation avant un retour sur Terre pour étude.

Si tout se passe comme prévu, l'équipage pourra tout de même profiter des fruits (ou légumes, avec la tomate, on ne veut pas entrer dans le débat) de leurs efforts avant de désinstaller l'expérience dans quelques semaines pour tester d'autres variétés. Veggie reste un laboratoire, après tout ! L'APH (Advanced Plant Habitat), l'autre chambre de culture « agricole », est pour l'instant vide en attendant de nouvelles pousses qui arriveront avec le prochain cargo Cygnus.

L'astronaute Warren Hoburg travaille à l'impression 3D de cartilage avec la "biofabrication facility", fin mars © NASA
L'astronaute Warren Hoburg travaille à l'impression 3D de cartilage avec la "biofabrication facility", fin mars © NASA

Au milieu des préparatifs et des expériences, rappelons aussi que le quotidien des astronautes en orbite est rythmé par des tests de leur propre santé, ce qui inclut des examens périodiques (pour leur vision par exemple, ou leur poids) et une batterie de prélèvements auxquels il n'est pas possible de se soustraire. Eh oui, la vue de la Cupola se mérite, au prix d'un agenda chargé qui fait toutefois lever les yeux vers l'horizon en attendant des voyages plus lointains que l'orbite basse. Cette Cupola fait moins rêver, mais produit pourtant chaque année plus d'une centaine d'articles scientifiques grâce à ses résultats et donne une impression de facilité et de normalité.

Ce 12 avril, les cosmonautes russes ont également reçu un jour de repos pour commémorer les 62 ans de l'exploit de Youri Gagarine. Ce sont au total plus de 22 ans sur cette période qui ont vu des équipages se relayer sur l'ISS !

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Commentaires (7)

nicgrover
Ce qui rassurant c’est que les russes et les américains s’entendent cordialement là-haut…
mcbenny
Allons, ne soyons pas stupidement partiaux, la station ne fonctionne pas avec un seul "côté’ en place, quelqu’il soit. Les Américains ont besoin des Russes, c’est vrai, et les Russes ont aussi besoin des américains.<br /> Ce n’est pas en dénigrant les autres qu’on devient meilleur.
Pck
Pour preuve que les membres de l’équipage Américain ne sont pas rancuniers: ils ont bien accepté, comme indiqué dans l’article, le jour de repos de leurs « colocs » Russes pour l’anniversaire du … vol de Gargarine (ils auraient pu bouder).<br /> Et aujourd’hui, à 2 heures prés, en passant en vue à l’est de Starbase Texas, Russes et Américains, auraient pu faire une pause Cupola pour assister au départ de Starship.
Jouty
J’ai une question peut-être con, mais comment mesure-t-on la masse d’un astronaute en apesanteur ? Impédancemètre ou autre procédé ?
Pck
@Jouty<br /> (vu sur forums.futura-sciences.com) Il suffit de couper l’astronaute en deux parties égales et de satelliser l’une autour de l’autre ces deux parties. La loi de Kepler doit permettre de faire le calcul à partir de la période et de la mesure de la distance.<br /> ou<br /> (vu sur spacetux.org) Le problème a été partiellement résolu en 1965 par William Thornton, un astronaute et médecin américain, qui a mise au point une technique pour peser des objets en utilisant des ressorts oscillants. Les astronautes utilisent ce dispositif, appelé : Space Linear Acceleration Mass Measurement Device (SLAMMD), encore aujourd’hui. Il ressemble à une sorte de tabouret, sur lequel les astronautes s’agrippent. Il est muni d’un ressort qui soulève et abaisse la selle à une fréquence qui dépend de la masse sur laquelle il agit/s’oppose.
Maspriborintorg
En apesanteur,(le poids sur Terre par exemple est le résultat de la masse avec la gravitation) la masse existe toujours. Le déplacement d’une masse en apesanteur oppose de la résistance inertielle. Donc cela peut être une mesure d’une masse. Le phénomène est très apparent lorsque les astronautes ont eu à faire tourner le téléscope spacial Hubble pour y changer un équipement. Les satellites qui doivent régler sur 3 axes leur orientation, par exemple pour pointer une antenne vers la terre, n’utilisent pas des mini moteurs fusées qui consommerait du carburant mais 3 volants à inertie mus par des moteurs électriques alimentés par les panneaux photo-volta¨ques. La socité américaine RCA absorbée depuis par Hughes avait été une des première à concevoir ces volants d’inertie. En anglais: Reaction Wheel.
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