La Chine envoie une rotation d'équipage sur sa station spatiale, mais regarde déjà plus loin…

Eric Bottlaender
Spécialiste espace
31 mai 2023 à 14h40
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Le décollage de la mission Shenzhou 16, avec 3 astronautes chinois à bord © CMSA
Le décollage de la mission Shenzhou 16, avec 3 astronautes chinois à bord © CMSA

Le départ de 3 astronautes chinois avec Shenzhou 16 pour leur station orbitale marque une période chargée pour la Chine. Mais plutôt que d'évoquer le futur de la SSC, les responsables du programme habité ont beaucoup parlé… de la Lune. Ils comptent sur une mission pour y poser le pied avant 2030.

En attendant, il reste beaucoup à mettre en place.

Shenzhou 16, la routine ?

Le décollage de Jing Haipeng, Zhu Yangzhu et Gui Haichao est passé relativement inaperçu dans notre paysage médiatique. La fusée CZ-2F, qui transportait leur capsule Shenzhou 16 vers l'orbite, s'est arrachée du sol ce mardi 30 mai à 3 h 31 du matin (heure de Paris). Elle s'est ensuite approchée de la Station spatiale chinoise (la SSC) pour s'y amarrer en fin de matinée, après un vol entièrement automatisé.

Il s'agit de la cinquième rotation en deux ans au sein de l'imposante station composée de trois grands modules (deux laboratoires et le module central Tianhe), et la première pour laquelle un membre de l'équipage est issu directement de la société civile. En effet, Gui Haichao n'est pas militaire, une nouveauté pour le programme chinois !

Jusqu'au 3 juin, l'équipage de Shenzhou 16 et celui de Shenzhou 15 vont cohabiter pour assurer une transition efficace et bien démarrer les 6 mois d'expériences, d'installations et de sorties spatiales qu'ils ont devant eux. La SSC est encore jeune, et même si la Chine montre une impressionnante réussite technique dans sa mise en place, vivre dans l'espace sur le long terme est un apprentissage permanent (la logistique ainsi que la gestion des stocks et de la maintenance, par exemple, ne sont pas de simples tâches) !

Gui Haichao est le premier astronaute chinois non militaire © CMSA
Gui Haichao est le premier astronaute chinois non militaire © CMSA

Les astronautes en orbite, les savants montrent la Lune

Si 15 astronautes chinois (ou taïkonautes) ont déjà passé du temps au sein de leur station nationale, ces missions vont se poursuivre dans la décennie à venir. Mais la Chine ne s'en cache pas, elle voit plus loin, et ce plus loin, c'est la Lune.

Après une suite de démonstrations technologiques réussies avec les missions Chang'E (qui vont se poursuivre dès l'an prochain avec Chang'E 6), le pays veut y envoyer ses astronautes. Les responsables ne font pas de mystères depuis la dernière décennie, mais cette fois, cette volonté prend doucement corps. L'objectif n'est toujours pas à 100 % dans les directives gouvernementales (qui s'établissent tous les 5 ans), mais les moyens pour y arriver sont en plein développement. C'est notamment le cas du lanceur. L'actuelle CZ-5 n'étant pas suffisante, c'est donc un lanceur géant CZ-10 qui est attendu, avec une architecture à trois boosters l'un à côté de l'autre pour propulser une grande capsule jusqu'à l'orbite lunaire.

Maquette probablement représentative du futur atterrisseur lunaire chinois. Notez qu'il porte un rover sur le côté © CMSA
Maquette probablement représentative du futur atterrisseur lunaire chinois. Notez qu'il porte un rover sur le côté © CMSA

Le futur souhaité de l'exploration habitée chinoise

Le premier décollage de CZ-10 est attendu pour 2027, en sachant que la Chine compte mettre en œuvre en parallèle le développement d'un atterrisseur « façon Apollo » qui est déjà à un stade de design avancé. Le lanceur CZ-9, auparavant sur toutes les vues d'artiste de ce type de mission, est repoussé à plus tard, dans une version réutilisable qui n'est pas sans évoquer le Starship américain.

Dans tous les cas, les prochaines aventures lunaires habitées ne tarderont pas. Lin Xiqiang, responsable de la branche habitée des vols chinois, indique que les premiers pas chinois sur notre satellite sont prévus avant 2030. Rappelons que cela s'inscrit aussi dans un plan de long terme. La Chine prévoit en effet l'installation d'une base (lLRS, pour International Lunar Research Station) sur la surface lunaire, avec d'abord des moyens robotiques, puis l'apport des astronautes. Un contrepoids de plus en plus visible au programme américain Artemis. Course ? Qui a dit course ?

Source : SpaceNews

Eric Bottlaender

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Je suis un "space writer" ! Ingénieur et spécialisé espace, j'écris et je partage ma passion de l'exploration spatiale depuis 2014 (articles, presse papier, CNES, bouquins). N'hésitez pas à me poser v...

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Je suis un "space writer" ! Ingénieur et spécialisé espace, j'écris et je partage ma passion de l'exploration spatiale depuis 2014 (articles, presse papier, CNES, bouquins). N'hésitez pas à me poser vos questions !

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Commentaires (5)

Pck
Au fait, le lanceur 2F est bien un lanceur léger avec « retour contrôlé » contrairement au 5B ? Parce-que ce serait pas bien le moment qu’il retombe au mauvais endroit !
ebottlaender
Léger pas vraiment, c’est de la moyenne capacité (un peu plus que Soyouz 2.1a) ! Par contre rien n’est contrôlé pour le retour, mais avec des lancements depuis Jiuquan ça ne pose pas particulièrement de problème, c’est une zone désertique.<br /> En Chine ce sont les tirs depuis Taiyuan ou Xichang qui sont « spectaculaires » pour le retour des étages.
Pck
Merci pour les informations sur les sites de lancements chinois.<br /> Par léger, j’entendais plus léger que le 5B mais en fait effectivement c’est seulement 2 fois moins lourd.<br /> Les environs du site de lancement importent surtout pour le départ (En 1996 sur la base de lancement de Xichang un lanceur Longue Marche 3B serait retombé 22 secondes après décollage sur un village aux alentours avec un nombre de victimes à ce jour encore incertain…)<br /> Par contre, si le 2F n’est pas contrôlé, ce qui importe c’est sa trajectoire et en regardant les trajectoires des débris de lanceurs 2F de vols précédents toujours pas retombés (CZ-2F R/B Satellite details 2022-093B NORAD 53358), c’est carrément identique (voire pire pour nous) à la trajectoire des 5B incontrôlés dont les retours récents ont été un poil angoissants…<br /> Merci d’infirmer ou confirmer mes estimations de néophyte
ebottlaender
Il y a deux types de débris à différencier.<br /> Ceux qui retombent quelques secondes/minutes après le décollage (boosters et premier étage), qui sont effectivement dangereux pour les gens au sol s’ils sont sur la trajectoire d’un lancement, c’est ce qu’on écrit plus haut avec Xichang (le cas du village : le système de sauvegarde n’a pas fonctionné) ou Taiyuan. Comme dit, pas important pour CZ-2F puisqu’elle décolle du désert.<br /> Ceux qui vont en orbite et constituent alors des débris orbitaux. Ceux-ci, quand ils sont d’une moindre masse et densité, ne présentent pas de risques particuliers car ils sont à une très forte proportion consumés lors de leur entrée dans l’atmosphère. Le cas de CZ-5B est particulier, car c’est son premier étage, qui est très lourd et imposant, qui s’insère jusqu’à l’orbite, et qui ensuite n’est pas contrôlé pour revenir à travers l’atmosphère. Contrairement à CZ-2F, il est assez gros et dense surtout dans sa partie moteur, pour ne pas être entièrement consumé, il présente donc un danger. Danger limité quand même, plus de 70% des territoires qu’il survole sont des océans et son périgée (qui se décale de la Chine post-lancement) est plutôt au-dessus du Pacifique, c’est donc là qu’il a le plus de chances de se vautrer.<br />
Pck
Comme toujours super réponse !<br /> merci
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