Pour la prochaine génération de télescopes spatiaux, pourquoi pas des miroirs... liquides ?

Eric Bottlaender
Spécialiste espace
12 avril 2022 à 10h40
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Et si on avait simplement pu envoyer la structure et un gros réservoir ? Crédits NASA
Et si on avait simplement pu envoyer la structure et un gros réservoir ? Crédits NASA

Le problème des télescopes spatiaux, c'est qu'en plus du coût de leurs grandes optiques, ces dernières dimensionnent l'ensemble de la mission. Il existe plusieurs pistes pour dépasser cette limite, et l'une des plus originales consiste en un miroir constitué de lentilles liquides, exploitant les propriétés de l'impesanteur.

Bien sûr, ce n'est pas pour demain.

Miroir de grande envergure

Il aura fallu déployer des trésors d'ingénierie pour plier et utiliser les 18 segments du miroir principal de 6,5 mètres de diamètre du télescope James Webb, et des investissements colossaux pour les miroirs de 2,4 mètres de Hubble et du futur Nancy Grace Roman de la NASA. Le défi des miroirs pour les télescopes spatiaux est plus qu'important : c'est souvent l'élément central, celui autour duquel toute la mission s'articule.

Evidemment, il faut éviter de mettre le doigt dessus, Néo. Crédits Warner Bros.
Evidemment, il faut éviter de mettre le doigt dessus, Néo. Crédits Warner Bros.

De fait, plus le diamètre du miroir principal d'un télescope spatial est important, plus ce dernier peut collecter de lumière. Mais le processus de conception sur Terre prend du temps, et le résultat est lourd, cher et sujet à de (parfois fameuses) aberrations optiques. Pour pallier les soucis liés au développement d'optiques gigantesques, un piste consiste à utiliser les propriétés des liquides. C'est l'objectif de FLUTE, ou Fluidics Telescope Experiment, une expérience qui prend place cette semaine sur l'ISS.

Salade de lentilles

« En impesanteur, les liquides prennent des formes utiles pour fabriquer des lentilles et des miroirs », explique E. Balaban, chercheur au centre de recherche spatiale Ames (NASA). En orbite, un liquide comme de l'eau prendra en effet naturellement une forme sphérique.

L'équipe qui a conçu FLUTE utilise cependant un ensemble de polymères présentant les capacités réfléchissantes voulues, pour les injecter dans des cadres aux formes particulières. Tout réside ensuite dans la tension de surface et la pureté du procédé, qui a déjà été testé à plusieurs reprises.

Les premiers essais ont eu lieu en piscine (lesdits polymères ne se mélangeant pas à l'eau), puis lors de vols paraboliques en 0 G avec de bons résultats. Selon les scientifiques, l'idéal serait un matériau sous forme liquide d'abord, qui se solidifierait avec le temps une fois en place sur son cadre en orbite.

Eytan Stibbe se prépare pour l'expérience FLUTE sur l'ISS. Crédits Times of Israel.
Eytan Stibbe se prépare pour l'expérience FLUTE sur l'ISS. Crédits Times of Israel.

Pas question de trembler

Les résultats en impesanteur ne tarderont pas : le touriste israélien Eytan Stibbe réalisera l'expérience (il a reçu une solide formation, en partenariat avec l'institut israélien Technion) avec des lentilles optiques créées à partir de polymères liquides de la taille de pièces de monnaie. Une première expérience qui, si elle réussit, pourrait mener à des essais à plus grande échelle dans les années à venir.

Il faut tout de même rester prudents : même si la technique permet sur le papier d'éviter le lent procédé de formation et de polissage sur Terre, la pureté du liquide et de sa forme seront au centre des enjeux.

Moins de cinq ans pour se préparer… Le télescope spatial Plato de l'ESA devient réalité, et sa mission de détection d'exoplanètes devrait marquer une nouvelle génération de découvertes. Nous avons échangé avec le chercheur Alexandre Santerne (Laboratoire d'Astrophysique de Marseille) pour tout comprendre de ce futur chasseur de « jumelles de la Terre » !
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Source : Universe Today

Eric Bottlaender

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Je suis un "space writer" ! Ingénieur et spécialisé espace, j'écris et je partage ma passion de l'exploration spatiale depuis 2014 (articles, presse papier, CNES, bouquins). N'hésitez pas à me poser v...

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Je suis un "space writer" ! Ingénieur et spécialisé espace, j'écris et je partage ma passion de l'exploration spatiale depuis 2014 (articles, presse papier, CNES, bouquins). N'hésitez pas à me poser vos questions !

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Commentaires (6)

nicgrover
Intéressant.<br /> Le bordeaux pourquoi pas…OK je sors…
_Troll
C’est de la flute ou du pipau ?
promeneur001
Combien de kg en moins ?
Space_Boy
Bonne idée. Quand on sait des opérations complexes que le Webb a fait. Une grosse erreur et fini le téléscope.
cid1
Intéressant, mais il y a une grosse différence entre un miroir liquide de la taille d’une pièce de monnaie et un miroir beaucoup plus grand.<br /> Et puis comment vont-ils faire pour éviter les turbulences du liquide quand ils mettrons ces miroirs en mouvement. Beaucoup de questions.
kroman
La technique, c’est d’éviter toute accélération ou rotation le temps que le miroir polymérise. Il n’est pas prévu qu’il reste en phase liquide.<br /> https://www.nasa.gov/feature/ames/nasa-tries-new-ways-fluid-materials-to-build-giant-space-telescopes
cid1
Ah, tu m’en apprend une là, je n’ai pas compris que le liquide devait polymériser, j’ai dû lire l’article en diagonale, mais ça risque d’être dur de stabiliser le liquide le temps qu’il polymérise, non?
kroman
J’imagine qu’ils prévoient de stabiliser la rotation et évitent toute correction de trajectoire le temps que le liquide se stabilise. Plus un liquide est visqueux, plus les ondes/mouvements se dissipent vite.<br /> Certains polymères polymérisent avec les UV. Il suffit donc d’exposer la lentille à la lumière du soleil après stabilisation.<br /> Ça parait tout à fait faisable.
cid1
expliqué comme çà c’est en effet tout à fait faisable.
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