Quand le changement climatique influe sur notre mesure du temps... et pourrait perturber nos GPS

Eric Bottlaender
Par Eric Bottlaender, Spécialiste espace.
Publié le 03 août 2021 à 14h55
© Pixabay
© Pixabay

Sous l'effet du climat, la rotation de la Terre sur son axe varie très légèrement. Quelques millisecondes, rien de très important… Sauf que cela influe sur les références de temps « universelles ». Assez pour devoir corriger l'une des bibliothèques logicielles les plus utilisées par nos puces GPS.

Compter les secondes n'a jamais été aussi difficile !

Elle tourne comme une horloge, ou presque

Depuis qu'il est possible d'observer la rotation de la Terre avec une grande précision, les équipes chargées de coordonner les références de temps s'arrachent les cheveux pour déterminer des valeurs « justes ». En effet, grâce aux horloges atomiques, une base de temps universelle (UTC, pour Coordinated Univeral Time) permet d'étalonner tous les systèmes qui ont besoin d'une référence précise. C'est le cas du géopositionnement par exemple, mais aussi de certaines applications bancaires, de certificats de sécurité…

Cependant, il y a un hic avec l'UTC : la rotation de la Terre ne correspond pas tout à fait aux valeurs des horloges atomiques. Pourquoi ? Parce que des paramètres comme la pression atmosphérique, la circulation des grands courants nuageux et des océans peuvent faire varier les valeurs de quelques minuscules millisecondes.

Toutefois, additionnés, ces décalages entre rotation terrestre et référence temporelle UTC nécessitent parfois un « saut », une seconde arbitraire (ou seconde intercalaire) ajoutée fin juin ou fin décembre. Depuis 1972, des secondes ont ainsi été régulièrement ajoutées. Eh oui, toujours ajoutées. Parce que la rotation de la Terre « décélère » par rapport aux horloges de référence. Ou plutôt… décélérait. Depuis fin 2016, aucune correction arbitraire n'a été nécessaire.

La Terre, cette petite farceuse © NASA
La Terre, cette petite farceuse © NASA

Quand la Terre est en avance

À vrai dire, c'est plutôt l'inverse. En 2020, les équipes ont mesuré les 28 jours les plus courts depuis que les mesures existent en 1960. Rien de bien grave pour nous qui avons dormi pareil, mais de quoi maintenant envisager une correction arbitraire négative dans un horizon proche (une seconde retirée). Est-ce vraiment à cause du changement climatique ?

Selon l'agence américaine NOAA, un phénomène La Niña dans le Pacifique peut avoir un effet d'accélération de la rotation, et c'était le cas à l'hiver dernier… Mais ce sont aussi les évolutions des températures globales (à la hausse) qui perturbent les systèmes de pressions et les grands courants-jets. Sans que les variations de millisecondes sur la rotation terrestres soient l'effet le plus important du changement de climat, il faudra attendre sur du plus long terme pour prouver que les deux effets sont bien liés.

Des logiciels vulnérables ?

Bref, il n'est plus prévu de rajouter une seconde à l'UTC avant un bout de temps, et il est même possible que l'IERS (International Earth Rotation and Reference Systems Service), installé à Paris, doive intervenir pour en retirer à l'avenir. Ce qui en fait est plus ennuyeux qu'on le pense.

Les constellations Galileo, GPS et consorts sont pour leur part très bien équipées pour accepter des corrections de référence © stuffin.space

Il se trouve en effet qu'une très large part des puces réceptrices GPS utilisent une bibliothèque logicielle nommée GPSD, qu'il va falloir corriger (et surtout mettre à jour) dans les mois et les années à venir. GPSD utilise une fonction de vérification (sanity check) sur la référence temporelle envoyée par les satellites, dont le nombre de secondes de décalage est fixé arbitrairement.

En clair, GPSD « attend » une seconde de décalage (avant le 23 octobre 2021 ou avant le 31 décembre 2022 selon les versions) qui n'arrivera pas. Et pourrait, si la correction n'est pas appliquée prochainement, indiquer une date en 2002. Sans compter que de nombreuses fonctions de vérifications (sur des serveurs par exemple) ne sont pas équipées pour gérer une seconde de soustraction…

Le système de temps universel pourrait-il lui-même générer son petit « bug de l'an 2000 » ? Heureusement, nous n'en sommes pas là, et les mises à jour pourront évidemment corriger d'éventuelles dérives. Mais le temps prouve une fois de plus qu'il est une variable bien relative…

Source : USA Today

Par Eric Bottlaender
Spécialiste espace

Je suis un "space writer" ! Ingénieur et spécialisé espace, j'écris et je partage ma passion de l'exploration spatiale depuis 2014 (articles, presse papier, CNES, bouquins). N'hésitez pas à me poser vos questions !

Vous êtes un utilisateur de Google Actualités ou de WhatsApp ?
Suivez-nous pour ne rien rater de l'actu tech !
Commentaires (0)
Rejoignez la communauté Clubic
Rejoignez la communauté des passionnés de nouvelles technologies. Venez partager votre passion et débattre de l’actualité avec nos membres qui s’entraident et partagent leur expertise quotidiennement.
Commentaires (10)
Proutie66

« Pourrait ».

Merci, à très vite,

Paul_Hewson

Pardon mais… Vous avez des sources sur votre histoire sur GPSd ? Désolé, mais la fin de l’article me semble complètement à côté de la plaque.

GPSd est un service pour Linux (et les autres Unix) qui sert à récupérer l’heure donnée par les satellites GPS, et à l’exposer à travers un service (sur le port 2947 si je me souviens bien). Autrement dit, GPSd n’a rien à voir avec « une très large part des puces réceptrices GPS », mais seulement avec du matériel très spécifique.

Les satellites GPS donnent le temps en TAI (Temps Atomique Universel), alors que l’heure communément utilisée est en UTC, qui correspond au TAI modifié d’une correction correspondant aux variations de la vitesse de rotation de la Terre.

À chaque fois qu’une seconde intercalaire est décidée, GPSd doit être mis à jour pour la prendre en compte (car il convertit l’heure TAI en heure UTC). Je ne comprends pas du tout pourquoi ce serait un problème s’il n’y a pas de nouvelle seconde intercalaire d’ici 2022. Et je comprends encore moins cette histoire de « indiquer une date en 2002 ».

Zup_Arkhen

Mais lisez les issues sur Gitlab bon sang !
C’est sourcé dans l’article même.

Asakha1

Son petit bogue de l’an 2000 ? Considérant que pratiquement rien n’a planté à l’an 2000, on peut dormir tranquille !

Paul_Hewson

Je n’avais pas vu l’issue linkée, effetivement ça éclaircit un peu mes questions.

Mais c’est simplement un bug dans gpsd, qui sera corrigé. Je trouve que l’article fait dans le sensationnalisme : d’un bug dans gpsd, qui pourrait être déclenché par la présence ou non d’une seconde intercalaire, l’article en arrive à parler de changement climatique qui pourrait perturber tous les appareils équipés d’un récepteur GPS… C’est tiré par les cheveux à l’extrême.

soixante

C’est pourtant exactement ce qui est décrit dans l’issue gitlab :slight_smile:

ebottlaender

On ne parle pas de « tous les appareils équipés d’un récepteur GPS » et dans l’article je précise bien que ce sera corrigé (à ceci près que tous les appareils équipés GPS ne peuvent pas toujours se mettre à jour). Il y a 2 aspects différents dans cette news, la partie liée au changement climatique qui entraine un décalage temporel sur les références UTC (une seconde par ci ou par là) et l’autre qui est liée à un exemple de souci lié au fait de « jouer » avec ces références, en particulier parce que des bibliothèques comme GPSD sont parfois écrites avec des fonctions de vérification qui attendent des décalages temporels futurs.

Un problème qui n’est pas si tiré par les cheveux puisqu’il est évoqué justement sur le GitLab qui est mis en lien dans l’article.

Nmut

Tu es peut-être trop jeune pour avoir du travailler sur le « bug » de l’an 2000, mais il a bien existé. J’ai fait des tonnes d’heures de boulot dessus, et je peux te dire que dans certains cas, on était pas loin de la catastrophe (la plupart du temps pour des décisions de mise à jour prises au dernier moment sur des systèmes complexes et méchamment datés).
Et je pense que comme d’habitude, les erreurs du passé vont se reproduire dans quelques temps (bug Y2038), ceux qui étaient là en 2000 ne seront plus là à ce moment là et les mêmes problèmes causeront les mêmes soucis, même si on peut penser que l’on sera mieux préparé: le renouvellement du matériel et du logiciel est bien plus rapide maintenant et ça fait plus de 10 ans que l’on travaille à la mise à jour petit à petit des systèmes.

sebstein

Quand la Terre est en avance

La terre peut difficilement être en avance sur le temps, puisque le temps est une graduation arbitraire qui se base sur la vitesse de rotation de la terre. Je vois mal comment on pourrait être en avance sur soi-même. Sur les précédentes rotations, oui.

nirgal76

Que vaut une seconde ?
La durée de 9,192 631 770 milliards d’oscillations de la radiation émise lorsqu’un atome de césium excité change de niveau d’énergie : telle est la définition aujourd’hui de la seconde
Ce n’est depuis longtemps (depuis 1967) plus la terre qui sert de référence.