La super-sécheresse de l'Ouest américain atteint des niveaux record

Eric Bottlaender
Spécialiste espace
17 juin 2021 à 11h15
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Le lac Oroville, dans le Nord de la Californie. Crédits Copernicus/Sentinel Hub
Le lac Oroville, dans le Nord de la Californie. Crédits Copernicus/Sentinel Hub

Sur tout le flanc Ouest des Etats-Unis, les lacs de retenue d'eau affichent des valeurs particulièrement basses, alors que la saison sèche et les mois les plus chauds sont encore à venir. C'est toute la région qui se prépare à un été sec et à d'intenses incendies… Encore.

Difficile d'anticiper pour les années à venir !

L'été sera chaud

Sur les images satellites aussi, la différence est clairement visible. Le lac Mead, au Sud-Est de Las Vegas, est touché par la sécheresse exceptionnelle qui sévit dans la région. Ce gigantesque réservoir, connu dans le monde entier grâce au spectaculaire barrage Hoover qui le scelle, a atteint début juin son niveau le plus bas, depuis qu'il a été rempli, en 1934. Les habitants du cru ne peuvent pas s'y tromper : les marques sont bien visibles sur les berges érodées et sèches, loin au-dessus du niveau d'eau actuel.

Le lac, qui s'étend sur 642 km² lorsqu'il est à son niveau normal, est tout simplement nécessaire à la vie et à l'économie locale. Pour cause, ne l'oublions pas, Vegas est un mirage construit dans une région aride…

Le barrage Hoover sur le lac Mead, entre juin 2017 (gauche) et juin 2021 (droite).Crédits Copernicus/Sentinel Hub
Le barrage Hoover sur le lac Mead, entre juin 2017 (gauche) et juin 2021 (droite).Crédits Copernicus/Sentinel Hub

Le lac Mead, c'est 90 % des ressources en eau de la cité (qui continue de s'étendre) et une part importante de son électricité. Les casinos devraient s'équiper en batteries de secours, car à 36 % seulement de sa capacité de retenue, le lac Mead devra peut-être un jour prochain stopper ses turbines. Avec une élévation de 326,5 m (par rapport au niveau de la mer) le 10 juin, il n'y a pas encore de risque de coupure, mais sous les 290 m, l'approvisionnement n'est plus garanti. Or les ingrédients sont réunis pour un début d'été particulièrement chaud et sec (les températures autour de Vegas devraient atteindre les 43°C dès cette semaine). Et c'est un cycle vicieux, préviennent les scientifiques, des sols plus chauds et secs devraient encore augmenter l'évaporation, tout comme les hauts fonds sableux. Ce minimum ne devrait heureusement pas être atteint en 2021.

Mais quid de la situation l'année prochaine si un nouvel automne ne remplit pas suffisamment les cours d'eau ? Et d'ici une décennie ? Le lac Mead n'a plus atteint un niveau de 371 m depuis le début des années 2000…

Symphonie sur sol sec

En Oregon, Nevada, Californie et Arizona, les alertes se suivent et se ressemblent. 55 % de l'Ouest américain est aujourd'hui en situation de « méga-sécheresse ». Et c'est probablement dans le centre du « Golden State » que la situation est la plus critique.

La Californie est en effet en proie depuis des années à des feux de forêts dévastateurs, dont les conséquences commencent à se faire sentir considérablement. En mars 2019, après un hiver pluvieux, la Californie sortait tout juste d'une période de sept ans d'une sécheresse considérée comme anormale. Il n'aura fallu que deux années pour y revenir, l'automne et l'hiver dernier n'ayant amené que des précipitations sporadiques et surtout, un manteau neigeux qui n'aura pas tenu sur les montagnes Rocheuses.

Alors qu'habituellement, la fonte des neiges suffit à alimenter les cours d'eau jusqu'en août, la couverture neigeuse sur la moyenne et la basse Californie était de 0 % début juin. Le printemps a été très chaud, et la Californie ne devrait attendre des précipitations importantes que d'ici le mois d'octobre, a confirmé le Dr Daniel Swain, climatologue à l'Université de Californie (UCLA).

Comparaison pour le lac Oroville, entre les mois de juin 2017 et 2021. Notez l'influence des feux de forêts sur le paysage alentour. Crédits Copernicus/Sentinel Hub
Comparaison pour le lac Oroville, entre les mois de juin 2017 et 2021. Notez l'influence des feux de forêts sur le paysage alentour. Crédits Copernicus/Sentinel Hub

Le lac Oroville, important réservoir au Nord de Sacramento et participant (avec d'autres) à la fourniture en eau potable de 27 millions d'Américains, est un symbole de cette sécheresse galopante. Lui aussi était à 37 % de sa capacité le 7 juin, et lui aussi devrait voir son niveau continuer de baisser cet été.

Les autorités sont les premières à s'en inquiéter. Elles ont d'ailleurs sorti de l'eau 120 bateaux résidentiels (type péniche) pour les placer sur un parking, sur des plots en béton. Le lac n'a plus qu'une seule rampe d'accès disponible pour les autres propriétaires de bateaux, et plusieurs quais flottants sont à sec aujourd'hui. En août, l'accès sera fermé : la route n'atteindra plus les bords du lac, qui reculent.

La centrale électrique, elle, sera probablement mise à l'arrêt à la fin de l'été faute de ressource en eau, et l'administration s'attend à un niveau historiquement bas d'ici là, environ 195 mètres au dessus du niveau de la mer, soit le point le plus bas uniquement atteint lors d'une sécheresse isolée en 1977.

La retenue de New Melones en Californie. S'il n'est pas difficile de voir la différence (juin 2019 à gauche, 2021 à droite), la situation était encore pire ici lors de la sécheresse en 2016. Crédits Copernicus/Sentinel Hub
La retenue de New Melones en Californie. S'il n'est pas difficile de voir la différence (juin 2019 à gauche, 2021 à droite), la situation était encore pire ici lors de la sécheresse en 2016. Crédits Copernicus/Sentinel Hub

Se préparer pour une situation qui dure

Cet été, les industries touchées seront d'abord celles du tourisme et de la pêche, mais là encore, les climatologues craignent d'entrer dans un « territoire inconnu » si la crise se poursuit, ou si elle se répète dans quelque années. Autour d'Oroville les locaux redoutent d'ailleurs aussi que le paysage ne revienne plus à la normale : une part importante de la zone au Nord et à l'Est du lac a été ravagée par les incendies, laissant les pentes à nu et les arbres décharnés au-dessus d'un bassin de pierre rocailleux.

Le niveau est entre 35 et 60 mètres sous les moyennes des étés précédents. Même le lac Tahoe, gigantesque bassin des rocheuses à pratiquement 2 000 m d'altitude, et plein en 2019, a vu son niveau baisser d'1m50 ce printemps, essentiellement pour pouvoir alimenter la plaine.

Le lac de retenue de Millerton, entre juin 2019 et juin 2021. La situation est la même dans l'ensemble des réservoirs du même genre, sur des centaines de kilomètres. Crédits Copernicus/Sentinel Hub
Le lac de retenue de Millerton, entre juin 2019 et juin 2021. La situation est la même dans l'ensemble des réservoirs du même genre, sur des centaines de kilomètres. Crédits Copernicus/Sentinel Hub

Dans les grandes vallées californiennes, l'heure n'est pas à l'alarmisme, mais à l'adaptation. Les saumons sont parfois transportés vers la mer en camion, les troupeaux réduisent le nombre de têtes, les agriculteurs
(ceux qui le peuvent) changent les cultures qu'ils prévoient pour le reste de l'année (en mai, les cultures de melon ont remplacé les asperges par exemple) et certains devront payer cher la ressource en eau, car les puits locaux sont nombreux à être à sec dès le début de l'été.

Qu'importe, cependant, l'urgence pour l'un des greniers de toute la côte Ouest : dans un pays où tout s'achète, même la priorité des réservoirs, les maires des régions (Countys) les plus riches et densément peuplées ont assuré leur approvisionnement en eau potable. Les gigantesques quartiers résidentiels devraient donc éviter le cœur du problème, même si quelques restrictions devraient voir le jour cet été, pour l'arrosage ou les piscines notamment.

Entre Madera et Fresno, la végétation sèche et l'impact de la sécheresse sur les culture ne passe pas inaperçu. Crédits Copernicus/Sentinel Hub
Entre Madera et Fresno, la végétation sèche et l'impact de la sécheresse sur les culture ne passe pas inaperçu. Crédits Copernicus/Sentinel Hub

La « super-sécheresse » a déjà remplacé la crise sanitaire dans un certain nombre de titres locaux, et les médias nationaux ont relevé les records des lacs Mead et Oroville… Mais de très nombreux bassins de moindre importance souffrent autant sur les milliers de kilomètres au pied des rocheuses. Les états débloquent des fonds d'urgence et vont injecter des milliards pour adapter leurs infrastructures à la situation actuelle, ce qui prendra plusieurs années.

Et dans les saisons à venir ? Il faudra peut-être faire des choix difficiles pour assurer la résilience du réseau électrique et hydrique. D'autant, bien sûr, que le changement de climat ne concerne pas que l'Ouest des Etats-Unis…

Source : The New-York Times

Eric Bottlaender

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Je suis un "space writer" ! Ingénieur et spécialisé espace, j'écris et je partage ma passion de l'exploration spatiale depuis 2014 (articles, presse papier, CNES, bouquins). N'hésitez pas à me poser v...

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Je suis un "space writer" ! Ingénieur et spécialisé espace, j'écris et je partage ma passion de l'exploration spatiale depuis 2014 (articles, presse papier, CNES, bouquins). N'hésitez pas à me poser vos questions !

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Commentaires (21)

Urleur
c’est pas eux qui disaient : « c’est faux la planète va très bien ! » ? bientôt l’eau vaudras plus cher que le pétrole et dans pas longtemps.
SlashDot2k19
En même temps construire dans une zone aride, y faire des cultures, tout cela est d’un non-sens absolu…
aladin_78
Les plus riches ont de l’eau, notamment dans les grandes villes, les autres plus rien bientôt.<br /> C"est beau le pays du fric roi…
nicgrover
Donald n’avait-il pas affirmé qu’il n’y avait pas de réchauffement climatique ? Ah oui dans son état je pense…<br /> Un exemple proche de chez nous en Espagne. La Murcie, région aride d’orangers et de citronniers a vu ces derniers disparaître au profit de l’agrobusiness et de la constructions de résidences avec «&nbsp;golf&nbsp;». Golfs gros consommateurs d’eau.
jedi1973
quand on construit une ville dans le desert , qui consomme 50 fois plus d’eau qu’une ville normale ( a meme superficie) , faut pas s’etonner de voir le lac d’a coté s’assecher !!! Mais bon, au usa, ils preferent les billets verts a l’eau !!!
c_planet
Faut dire qu’en Belgique, pendant tout le mois de mai, on a détourné 100% des précipitations mondiales pour notre propre plaisir.
jedi1973
Trump a dit que le rechauffement n’etait pas du a l’homme, nuance…
jhe
Ce qui se passe là-bas est bien sûr gravissime, mais ça mérite d’être remis dans son contexte :<br /> Le sud-ouest américain est connu pour sa « bonne météo ». Autrement dit, il ne pleut que très rarement ce qui fait la joie de ses habitants, sauf quand ils n’ont plus d’eau… Apparemment !
fredolabecane
ça fout carrément la trouille… quelle différence en 3 ans! qu’est ce que ça va être dans 10 !!!
nicgrover
Quelle nuance il n’y a pas à dire…<br /> Je ne vois pas l’intérêt de cette précision qui n’apporte rien de plus. Peut-être pourriez-vous préciser le fond de la pensée de Trump. Mais surtout de préciser la véritable cause du réchauffement climatique, car si l’homme n’en est pas responsable, qui l’est ?
jlbiset
Les grands chateaux du Bordelais l’ont bien compris : ils achètent à tour de bras des terres en Angleterre, pour y faire du vin de Bordeaux. A Bordeaux, on fera bientôt du Boulaouane…
c_planet
Débat impossible sur cette question, … puisque la pensée unique a décrété le cancel de l’Holocène à partir du 31 décembre 1949 …<br /> 1251×1038 152 KB<br /> et comme on voit très clairement sur la courbe des climats que l’Holocène lâche l’affaire le 31 déc 1949. Débat clos.
GhostKilla
Non il a bien dit les deux, lors d’une tempête de neige à New-York il a bien demandé où était le réchauffement climatique pour se moquer des scientifiques qui s’alarment. Bref de toute façon, on voit bien la stupidité du personnage
nicgrover
Merci de cette précision et j’ignorais que la Péninsule Arabique faisait partie des Etats-Unis… Un scoop…<br /> Effectivement il est préférable de clore un débat complètement déplacé du contexte géographie…
cyrano66
En l’espèce peut importe de coller les conséquences du réchauffement sur les hommes ou sur un cycle géo climatique.<br /> La région est naturellement en stress hydrique.<br /> Et à moins de se sortir les doigts du fondement en limitant nos impacts sur le climat, en menant des politiques ambitieuses de gestion de la ressource et en développant une agriculture un poile plus raisonnée ; nous n’aurons plus qu’à regarder la nature crevée nos culs confortablement calés dans nos piscines.<br /> D’autant que rien de nouveau sur le constat.<br /> evenements.courrierinternational.com<br /> Bienvenue à Las Vegas, tant qu'il y aura de l'eau<br /> En infographie, l'impact de la croissance urbaine accélérée de la plus grande ville du Nevada sur les ressources en eau. Une enquête signée ProPublica.<br /> Et que le problème dépasse largement les USA<br /> quand je lis que la creuse (23) est également en stress hydrique une bonne partie de l’année. Je me dis qu’après Las Vegas, Céline Dion va bientôt entrer en résidence dans la salle polyvalente de Guéret.
c_planet
… dit-il juste après avoir emmené le débat sur les citronniers et les golfeur espagnols.<br /> par contre, débat tjs bien ouvert sur la responsabilité humaine, il s’agit maintenant d’ en exploiter tout le potentiel vindicateur. Dernièrement deux milliards d’humains en surpoids ont pris cher avec les accusations du Giec.
Palou
cyrano66:<br /> quand je lis que la creuse (23) est également en stress hydrique une bonne partie de l’année<br /> Juste une petite partie de ce département que je connais assez bien, le quart nord-est proche de l’Allier, comme tous les ans depuis … très longtemps, ce n’est pas nouveau
nicgrover
Pour commencer je n’ai pas déplacé le débat c’est juste un exemple qui démontre que l’homme est en grande partie responsable de cette pénurie… Que ce soit aux US ou ailleurs… Ce n’était qu’un exemple de ce que j’ai constaté sur place il y a quelques années.<br /> En revanche je ne vois pas ce que le surpoids vient faire dans une histoire de sécheresse mais on admettons… Il faudrait quand même rester dans le sujet à savoir la pénurie d’eau.<br /> Pour info il manque le «&nbsp;s&nbsp;» à golfeur espagnols…
jedi1973
la nature pardi !!! tu as pas oublier qu’on vit sur la terre, et qu’il y a eu deja 5 extinctions de masses dues au climat. Tous les 100 000 ans se produit une glaciation. D’ailleurs il y a 20 000 ans les glaces du nord s’etendaient jusqu’au milieu de la France ( Lyon environ) et ca a fondu, et devine quoi, sans aide des hommes !!! extraordinaire !!! On est en periode de rechauffement, que l’homme l’accelere un chouia, je veux bien mais ce qui se produit est inevitable. D’ailleurs, tu te rends compte que les mots rechauffements climatique disparaissent progressivement de la bouche de nos elus et de la presse. C’a ete une mode. Mais la nature elle est encore plus forte. Quoiqu’on fasse… Et ecouter les conclusions raccourcis et bancales des pseudo scientifiques mediatiques ( les memes qui nous disaient il y a 1 an qu’il etait inutile de porter le masque au debut). Tout cela est de l’argent et que ca… Le fait que le soleil aient des phases d’activités augmenté et que les poles sont en cours d’inversement doivent y etre pour quelques chose. Les vrais scientifiques ont trouver des traces de rechauffement climatique lors de la derniere inversion des poles. Faut peut etre pas chercher trop loin. Tout ca pour dire que l’homme n’est (peut etre , je suis pas scientifique) responsable de ca. Et de toute facon, on peut rien faire. Pour ce faire, il faudrait executer la moitié des habitants de cette planete ( oui d’arreter toute activité industrielle comme il y a eu pour le covid ( - 60% de pollution en moins et pourtant la terre ne s’est pas refroidi l’annee derniere !!!) , je te laisse le soin de commencer… Touit cela est mon point de vue et je te demande pas de valider, chacun sa croyance, aucunes preuves d’un coté ou de l’autre…
nicgrover
Un long post qui mélange tout alors que le sujet d’origine est la pénurie d’eau.<br /> Et la question de savoir qui est responsable de cette pénurie… Le réchauffement (ah c’est vrai c’est un hoax), l’homme (euh non il n’y est absolument pour rien…) alors en fin de compte il n’y a pas de responsable ou peut-être le soleil ou encore la planète elle-même qui en a marre de l’humain… On ne connaîtra jamais le fin mot de l’histoire on aura peut-être disparu avant
c_planet
nicgrover:<br /> Ce n’était qu’un exemple de ce que j’ai constaté sur place<br /> La côte espagnole est pionnière en matière de gestion d’eau, ils désalent l’eau de mer à tour de bras depuis des dizaine d’années, leur expansion est basée sur des calculs de rendement industriel pas sur des pronostiques météo.<br /> En revanche je ne vois pas ce que le surpoids vient faire<br /> c’est le meli melo du dernier rapport du giec.<br /> l faudrait quand même rester dans le sujet à savoir la pénurie d’eau.<br /> Je crois que la modélisation de la vapeur d’eau/nuages/précipitations n’est toujours pas intégrée aux modèles théoriques climatiques à causes anthropiques, lier les deux c’est spéculatif.
nicgrover
Merci beaucoup mais honnêtement je n’ai rien compris à votre post…<br /> Vous comprenez-vous vous-même ?
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